Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11247 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 15 Mar 19, 13:39 |
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nostalgie « dépérissement causé par le désir violent de retourner dans sa patrie »
1. L’élément nost-, emprunté au grec νόστος [nóstos] « retour », dérivé du verbe νέομαι [néomai] « revenir, rentrer (chez soi) », se retrouve en français dans
– le nom nostalgie et l’adjectif nostalgique.
– le prénom Nestor « qui rentre heureusement ; qui ramène heureusement son armée »
Des rapprochements pouvant être faits avec le germanique et le sanskrit, on a de bonnes raisons de penser que νόστος [nóstos] est d’origine indo-européenne, bien qu’il n’ait laissé que ces quelques mots dans les langues modernes.
2. Le radical -alg-, emprunté au grec ἄλγος [álgos] “douleur, souffrance”, se retrouve en français dans
– le n. fém. algie : « douleur dont l'origine n'est pas due à une lésion anatomique »
– des adjectifs relevant de la pharmacopée : analgésique, antalgique, etc.
– des termes de médecine terminés par -algie : céphalalgie « mal de tête », névralgie « douleur vive d'une branche nerveuse » ; NB : nostalgie n’est pas un terme de médecine mais il est formé de la même façon.
Une origine indo-européenne de ἄλγος [álgos] reste à démontrer.
Remarque : il a existé en arabe classique un verbe ولج walaǧa "avoir une maladie du ventre" dont la forme (passive) ولج wuliǧa avait le sens de « éprouver une douleur ». Comme ce sens est très isolé au sein de la racine ولج √wlǧ, il n’est pas interdit de penser qu’il pourrait s’agir d’un emprunt au grec, peut-être via le syriaque 'awleg "avoir froid et faim". Le Dictionnaire des racines sémitiques donne bien ces deux cognats sous la racine WLG mais dans deux rubriques différentes. À tort, me semble-t-il. (Je rappelle que le glide initial de WLG ne saurait être une radicale.) |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 16 Mar 19, 19:58 |
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La racine *nes- est un bon exemple de la difficulté qu'il y a à dégager un sémantisme premier commun à des dérivés qui semblent de même racine.
Pokorny (s.u. nes-) nous propose :
English meaning to join with; to conceal oneself « rejoindre », « se cacher »
German meaning `sich vereinigen, geborgen sein' « se rassembler », « être retrouvé »
Et j'avoue ne pas bien en saisir les articulations, voyons les témoignages, d'abord ceux qui semblent assez clairs :
• skr. nasate « approcher, aller vers, s'unir », le dernier sens étant sexuel, Nāsatya « bénéfique, salutaire », nom d'un des deux Aśvins, les dieux jumeaux secourables, souvent guérisseurs (le duel Nāsatyā désigne usuellement leur couple) à comparer au grec Σωτῆρες [sōtêres] « Sauveurs » qui désigne les Dioscures, Kastor et Polydeukes (en latin Castor et Pollux).
• grec νέομαι [néomai] « revenir, retourner » (notamment chez soi), νόστος [nóstos] « retour », Νέστωρ [néstōr] « Nestor », le roi de Pylos, seul chef grec à être revenu de la guerre de Troie en ramenant presque toute son armée, seul son fils Antiloque y ayant péri.
• gotique nasjan « sauver », v.h.all. nerian « sauver, guérir, nourrir » > all. nähren « nourir, alimenter » avec beaucoup d'usage symboliques, comme : Sie wird deine Lungen füllen und dich nähren « Ça va entrer dans tes poumons et te nourrir » ou Um ein interessanter Mensch zu sein, musst du deinen Geist nähren und trainieren « Pour être une personne intéressante, tu dois nourrir et entraîner ton esprit »
Je sens aisément comme premier le sens de retour, ce qui concerne le soin étant basé sur des images comme « revenir de maladie , revenir à soi ». De la même façon, on comprendra un dérivé comme gr. νόστιμον [nóstimon] « qui donne une bonne récolte » comme « qui est d'un bon retour ».
En étendant le sémantisme du retour, on peut aussi accepter :
• skr. astam (<? *ns-to-) « home, mort, fin » dont le masculin Astaḥ désigne la montagne de l'Ouest derrière laquelle le Soleil se couche. On trouve fréquemment des syntagmes astam i- ou gam- ou yā- « rentrer chez soi ». Le mot est soutenu par l'avestique astəm « maison, foyer ».
Mais, malgré Pokorny et avec Chantraine, beaucoup plus difficilement :
• grec ναίω [naíō] « habiter » qui repose sur un *nas-yō, conviendrait à la rigueur pour le sens mais pas pour le vocalisme sauf à supposer une peu vraisemblable évolution *ns- > *nas- au lieu du *as- attendu en grec. D'ailleurs, cet a radical est bien soutenu par νᾱός [nāós] < *νασ-ϝός [naswós] « temple » compris comme maison du dieu. |
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