Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6525 Lieu: Etats-Unis et France
|
écrit le Saturday 18 Feb 06, 14:22 |
|
|
Non, un anémomètre n’est pas un appareil botanique pour mesurer les anémones !
Toutefois les deux mots viennent du grec anemos, vent.
anémone : fleur qui s’ouvre au vent Etymologie discutée, voir plus bas.
anémomètre : appareil pour mesurer la vitesse du vent
(Source : Larousse Etym.) |
|
|
|
|
Pierre
Inscrit le: 11 Nov 2004 Messages: 1188 Lieu: Vosges
|
écrit le Saturday 18 Feb 06, 15:32 |
|
|
On doit l'invention de l'anémomètre à l'architecte italien Leon Battista Alberti en 1450. Accolé à une girouette, il indiquait la force du vent sur un arc de cercle gradué.
Dès le milieu du XVIIe siècle, les physiciens se sont ingéniés à mesurer le plus précisément possible la vitesse instantanée du vent. C'est un théologien français, Pierre Daniel Huet (1630-1721), qui aurait imaginé le premier un dispositif permettant de connaître la pression exercée par le vent et d'en estimer ensuite la vitesse. Par la suite, les anémomètres de Hooke (1667) se fondèrent sur le même principe. Le Français Pajot construisit le premier anémomètre enregistreur : appareil à rotation, constitué d'un cylindre tournant muni d'ailettes.
Les appareils les plus couramment utilisés aujourd'hui pour la mesure du vent sont des appareils analogues. Sous l'effet du vent, des coupelles hémisphériques tournent autour d'un axe. Par analogie, leur vitesse de rotation permet d'en déduire la force du vent.
(Encyclopædia Universalis 2005) |
|
|
|
|
Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
|
écrit le Saturday 18 Feb 06, 20:37 |
|
|
Et quand elles s'envolent, c'est que le vent est vraiment fort...
Je ne blague pas, c'est arrivé chez moi : Hugo a bousillé tous les anémomètres d'un seul coup d'un seul. Ces pauvres coupelles n'étaient pas étudiées pour des vents supérieurs à 200 km/h. |
|
|
|
|
Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6525 Lieu: Etats-Unis et France
|
écrit le Thursday 18 Aug 11, 14:53 |
|
|
anémone :
Klein suggère une origine héb. (cf. na'aman, dans nit'e na'amanim, lit. "plantes agréables," dans Is. xvii.10, de na'em "était agréable").
Etymonline.com |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Thursday 18 Aug 11, 15:21 |
|
|
Curieux ... En arabe, anémone se dit avec la même racine sémitique شقيقة النعمان [šaqīqat an-naʿamān].
Il y a dans la racine NʿaM l'idée de bien-être, d'aisance, de prospérité ... šaqīqat signifie "soeur de" mais n'a ici qu'un rôle grammatical : "celle qui a ..." Corrigé. Voir plus bas.
Mais pourquoi cette remise en cause d'une étymologie grecque qui semblait solide ?
Dernière édition par Papou JC le Thursday 18 Aug 11, 17:54; édité 1 fois |
|
|
|
|
embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
|
écrit le Thursday 18 Aug 11, 16:40 |
|
|
Le TLF émet déjà l'hypothèse sémitique Na'aman, mais en tant que surnom d'Adonis.
Citation: | Empr. au lat. anemōnē, au sens 1 ds Pline, Nat., 25, 102 ds TLL s.v., 40, 30. Le lat. est empr. au gr. ἀνεμώνη − soit d'orig. sémit. (de Naaman, surnom d'Adonis, refait sur άνεμος « le vent », par étymol. pop., André Bot. 1956, p. 31; sur la légende d'Adonis − de son sang répandu, Vénus aurait fait naître une fleur − voir Ovide, Mét., 10, 728 ds TLL s.v., 40, 32; voir aussi adonis*); − soit directement de άνεμος (parce que la fleur s'ouvre au moindre vent, Bailly; cf. Pline, Nat., 165 ds TLL s.v., 40, 27) ou s'effeuille facilement (?) (P. Chantraine, Dict. étymol. de la lang. gr., Paris, Klincksieck, t. 1, 1968). |
le TLF rappelant par ailleurs que "Selon la Fable, l'anémone était née du mélange du sang d'Adonis et des larmes de Vénus."
Le rapport entre "naaman" et "adonis" est aussi explicité ici. |
|
|
|
|
Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
|
écrit le Thursday 18 Aug 11, 17:02 |
|
|
Non, l'étymologie de « anémone » par ἄνεμος ne peut être qualifiée de solide. Mais ce Klein cité par Jacques est aussi un de ceux qui croyait à un chacal hurleur. Alors …
Au fait, qui c'est, ce Klein ? le Bernard Klein qui a commis cet ouvrage ?
Si c'est le cas, il serait sympa que les Babéliens qui le possèdent et le citent, le citent in extenso, sources et références comprises !
Je vais voir si je trouve des références solides. Je me souviens bien de l'anémone rouge, sang d'Adonis, qui parsème la Grèce au printemps. Je crois n'avoir jamais vu un rouge aussi rouge … |
|
|
|
|
Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6525 Lieu: Etats-Unis et France
|
écrit le Thursday 18 Aug 11, 17:08 |
|
|
Outis a écrit: | Au fait, qui c'est, ce Klein ? le Bernard Klein qui a commis cet ouvrage ? … | Non, c'est Ernest Klein:
Klein, Dr. Ernest, A Comprehensive Etymological Dictionary of the English Language, Amsterdam: Elsevier Scientific Publishing Co., 1971.
Bibliog. sources de etymonline.com : http://www.etymonline.com/sources.php |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Thursday 18 Aug 11, 17:37 |
|
|
Outis a écrit: | Non, l'étymologie de « anémone » par ἄνεμος ne peut être qualifiée de solide. |
Effectivement, je viens de consulter Chantraine.
La traduction de l'arabe (voir plus haut) serait donc : "soeur d'Adonis" |
|
|
|
|
Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
|
écrit le Friday 19 Aug 11, 8:51 |
|
|
J'ai peut-être une piste à proposer qui a quelques avantages.
Les grammairiens anciens (Eustathe) connaissent une finale -ώνιος (Chantraine, Formation… §36, p. 42), caractéristique de l'éolien et qu'on trouvait dans les dérivations suivantes où l'on perçoit un sémantisme « de la nature de » :
• sur ἄλλος « autre », ἀλλώνιος = ἀλλοῖος « différent, de nature autre », « malheureux, fâcheux » = autre que ce qu'il faudrait
• sur ἕτερος « autre (en parlant de deux) », ἑτερώνιος « appartenant à un autre »
• sur πᾶς « tout », παντώνια « choses de toute sorte »
• sur ἔτυμος « vrai, réel] », une glose ἐτυμώνιον· ἀληθές [vrai, sincère]
Sur ἄνεμος « vent » on ne connaît pas un *ανεμώνιος mais il est très probable qu'il ait existé puisqu'on connaît deux mots qui sont considérés par les Anciens et par les Modernes comme en étant dissimilés :
— un composé μετ-αμώνιος (< *μετ-ανεμώνιος) « aussi léger que le vent » (Aristophane, La Paix), « sans consistance, vain, frivole » (Homère, Iliade, etc.)
— ἀνεμώλιος (< *ἀνεμώνιος) « vain, vide » au figuré chez Homère : ἀνεμώλια βάζειν « parler des mots de vent ».
Sur cet *ἀνεμώνιος « de la nature du vent, vain, fragile, fugace » on a fort bien pu créer un dérivé inverse ἀνεμώνη pour désigner une fleur qui était liée mythiquement à la figure d'Adonis, prototype de la mort violente (saigné par un sanglier) et prématurée d'un jeune homme multiplement aimé.
À l'appui de cette dérivation inverse, on notera l'expression métaphorique ἀνεμῶναι λόγων « anémones des mots » utilisée par Lucien de Samosate (Lexiphane, 23) où il donne des conseils à un écrivain :
Lucien a écrit: | μὴ μιμεῖσθαι τῶν ὀλίγον πρὸ ἡμῶν γενομένων σοφιστῶν τὰ φαυλότατα μηδὲ περιεσθίειν ἐκεῖνα ὥσπερ νῦν, ἀλλὰ τὰ μὲν τοιαῦτα καταπατεῖν, ζηλοῦν δὲ τὰ ἀρχαῖα τῶν παραδειγμάτων. μηδέ σε θελγέτωσαν αἱ ἀνεμῶναι τῶν λόγων, ἀλλὰ κατὰ τὸν τῶν ἀθλητῶν νόμον ἡ στερρά σοι τροφὴ συνήθης ἔστω.
N'imite pas les mauvais exemples des sophistes qui nous ont précédés depuis peu ; ne te repais point comme tu le fais de leurs inepties ; au contraire, fais-en litière, et rivalise avec les anciens modèles. Ne te laisse pas charmer par les fleurs passagères du langage, mais, à la manière des athlètes, fais usage d'une nourriture solide. (excell. trad. de Eugène Talbot) |
Cet usage montre, sans la moindre ambiguïté, le lien, toujours perçu au IIe siècle e.c. entre le nom ἀνεμώνη de la fleur et l'adjectif *ἀνεμώνιος « de la nature du vent, vain, fragile, fugace ».
Je crains que ces arguments aient échappé à Ernest Klein dont, d'ailleurs, le na'aman ne saurait donner phonétiquement ἀνεμώνη sans un certain mépris de la phonétique …
Un peu de poésie pour finir.
Le poète Bion raconte que pour chaque goutte du sang d'Adonis, une larme jaillit d'Aphrodite, que de chaque larme nacquit une rose, et de chaque goutte de sang une anémone. Il s'agit probablement de l'Anemona pavonina dont voici un exemplaire crétois :
|
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 19 Aug 11, 9:01 |
|
|
Bravo, Outis ! Cette piste est géniale ! |
|
|
|
|
|