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max-azerty
Inscrit le: 11 Jan 2006 Messages: 796 Lieu: arras
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écrit le Monday 03 Jul 06, 8:46 |
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La buanderie est un lieu de lessive.
Au départ, le vieux français buer, du francique bukon, signifiait faire la lessive.
Le mot buée, qui signifiait jadis lessive, a pris aujourd'hui le sens que l'on sait.
En picard, buquer, qui signifie frapper, n'est pas sans rappeler bukon. Et il est vrai que les lavandières battaient jadis la lessive. On entend encore l'expression faire une battée pour faire une lessive.
Dans le jargon des mineurs de fond, le fil à buquer désignait le cordon bickford destiné à la mise à feu des charges explosives dans les galeries d'exploitation. Le préposé à cette tâche s'appelait le boutefeu.
En allemand, embué se dit beschlagen, soit, littéralement,....frappé! |
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ramon Animateur
Inscrit le: 13 Jan 2005 Messages: 1395 Lieu: Barcelone, Espagne
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écrit le Tuesday 04 Jul 06, 9:27 |
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Le mot “buée” a des cousins germains en autres langues romanes:
« bugada », « bucato »
Fer la bugada = fare il bucato = faire la lessive
En espagnol, ça change : hacer la colada
Blanchisserie/Lavomatic:
bugaderia
lavandería (dérivée de “lavandera”, celle qui fait la lessive, de « lavar » = laver)
Nettoyage à sec:
rentat en sec
lavado en seco
Le commerce qui fait le nettoyage en sec, souvent combiné avec la blanchisserie:
Tintoreria, de l’espagnol : Tintorería (de "tintorero", Teinturier) |
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jacklouis
Inscrit le: 26 Dec 2006 Messages: 259 Lieu: Québec (canada)
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écrit le Monday 16 Jun 08, 17:02 |
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Buée, buer, buanderie,...
Aujourd'hui ce mot de "buée" indique, entre autre, ces petits nuages de vapeur d'eau, qui, l'hiver, s'échappent des naseaux de nos chevaux et de notre bouche : condensation de l'air humide qui sort de nos poumons.
Mais ce sens lui est venu bien tard, au XIX e. s. seulement.
Son sens primitif est celui de "lessive", et voici ce qu'écrit à ce propos le Dict. Hist. de le L. Fr.
"Buée" est généralement considéré comme issu par voie orale (1219 - 1226) d'un gallo-romain "bussata", lessive, auquel remonte aussi l'ancien provençal "bugata" (XIII e.).
C'est l'ancien participe passé substantivé d'un verbe "buccare", laver, faire la lessive.
D'autres mots semblables apparaissent également dans les langues germaniques.
On a proposé de faire remonter ce gallo-romain au francique "bukon" ( en moyen allemand "buken, buchen", en s'appuyant sur le fait que la lessive s'est faite à l'origine avec les cendres du hêtre (comme détersif). On le rattache aussi à un autre nom germanique du hêtre "bik(i)on" dont l'origine indo-européenne serait apparentée au grec "phagos" (fagus en latin). les termes de "buandier, buanderie" seraient encore les témoins de cette origine lointaine.
P. Guiraud conteste cette origine germanique et fait de "buer" le dérivé du nom d' un récipient de la fin du XII - XIII e, :"buie", devenu "bue", un récipient ventru...
Puis, il fait dériver ce mot lui-même du francique "buka", cruche, et du latin "buca" un doublet attesté de "bucca", bouche.
Selon lui, "buer" aurait donc signifié. à l'origine, "couler la lessive" par la bouche de cette buie... Et par métonymie, "buée" aurait finalement désigné la vapeur s'échappant de la lessive encore chaude... Tout ceci semble assez "capillotracté", direz-vous!
Ce n'est finalement qu'au cours du XIX e. s. , que ce mot aurait pris le sens que nous lui connaissons aujourd'hui |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Monday 16 Jun 08, 19:16 |
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En italien, "bucato" = fr. lessive; piemontais occidental lëssìa et piemontais oriental "bugà"
Selon l'Accademia della Crusca. le mot est attesté en italien à dater du XIII siècle
(Hyeronimus, Volgarizzamento dei Gradi della Scala celestiale:
Siccome lo bucato imbianca lo drappo, così confessione imbianca l'anima dell'uomo).
la forme regionale ligurienne "buada" est attestée à dater du XII siècle:
Doc. savon., 1178-82, pag. 173.20:
Et) ei Paxia habeo de viro m(e)o colcera una [[...]] (et) barril due (et) una da far buada...
Voir "bucato" en http://tlio.ovi.cnr.it/TLIO/ricindex.html (Tesoro della lingua italiana delle origini)
et aussi:
http://www.etimo.it/?term=bucato&find=Cerca
"Lisciva/liscivia" = maintenant "solution alcaline pour blanchir" et autrefois, eau mixte à cendre, du lat. "lixivia".
Une poesie en milanais: La bugada (il faut lire: bügàda)
http://www.milanesiabella.it/pampuriuboldilucia_labugada.htm
http://www.logosdictionary.org/ |
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dubsar
Inscrit le: 07 May 2007 Messages: 448 Lieu: Altkirch (F68)
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écrit le Monday 16 Jun 08, 21:17 |
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En alsacien d'büchkoch c'est la buanderie, avec les deux racines bueche = hêtre et koch = cuisine |
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jacklouis
Inscrit le: 26 Dec 2006 Messages: 259 Lieu: Québec (canada)
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écrit le Wednesday 18 Jun 08, 23:54 |
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J'aimerais ajouter à mon texte précédent un souvenir d'enfance, concernant cette "buée" lessive.
Il semble donc entendu que ce nom de "buée", donnée primitivement à la lessive serait lié au nom francique du hêtre. Chez nous, en Vendée, comme nous n'avions pas de hêtre, ou fort peu, on se servait de la cendre des sarments de vigne et des vieux seps, de même que celles des brandes de bruyère.
La grosse lessive, comme on disait alors, ne se faisait que tous les mois. Elle était réservée aux habits de travail et surtout à ces grossiers draps de lin écru, qui m'écorchait les fesses.
Ce jour-là les servantes mettaient sur le feu, un grand chaudron de cuivre ( 1 mètre à 1,20 de diamètre), et il fallait deux hommes pour le descendre de son trépied quand il était plein.
Ces draps bouillaient donc dans une lessive de cendres, toute une matinée, et de temps en temps l'une des servantes "touillait" (brassait) cette lessive avec un grand bâton de châtaignier, ce même bois qui servait aussi à faire les aiguillons pour "toucher" (conduire) les boeufs au labour.. Une chaude fumée (buée devrais-je dire), d'une odeur indéfinissable, s'en échappait ! .
Après le repas de midi, deux des hommes les plus forts portaient le chaudron fumant jusqu'à la porte de la souillarde, là où se faisait tous ces travaux ménagers.
Une brouette à claies attendait là, sagement, son chargement bouillant, que les femmes sortaient du chaudron, toujours à l'aide de leur bâton .
Puis c'était direction le ruisseau, où était installé de puis longtemps un lavoir, fait d'un terrassement renforcé de pierres, juste au niveau de l'eau. Une belle eau courante, sans cesse renouvelée, où gambadaient de petits goujons, toujours affamés de quelques bestioles.
Sur le bord de ce quai, des baquets de bois (dont j'ai oublié le nom) servaient d'agenouilloirs pour que les lavandières soient au niveau de l'eau, sans se mouiller pour autant.
La suite est simple, vous le devinez : Elles portaient à deux, sur leur bâton, un drap fumant et le lançaient dans le ruisseau, à la grande frayeur des "verdons" ( nom vendéen de ces goujons), mais juste assez loin pour pouvoir le récupérer avec leurs "touilles". Elles le ramenaient vers le bord, le retournant à plusieurs reprises ; puis s'agenouillant dans leur baquet protecteur. Elle frappaient le linge à grands coups de leur battoir...
Moi, déjà coquin sur les bords, je me cachais dans les joncs de l'autre côté du ruisseau, pour guetter, jaillir de leur corsage leurs beaux seins tout blancs... Ce qui ne manquait jamais d'arriver sous l'effort des battements... Et peut-être, elles aussi étaient coquines, me sachant aux aguets, tout proche,
Puis, le drap était tordu, à deux, avant d'être étendu sur l'herbe de la prairie toute proche.
C'est ainsi que se faisait encore, dans la campagne vendée, il y a quatre-vingt ans, cette "buée", que l'on nommait cependant déjà : lessive.
C'était parfaitement écologique comme vous le constaterez.
cliquer ici |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Monday 23 Jun 08, 10:42 |
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À la liste des variantes d'Italie du Nord, on peut ajouter le vénitien bugà qui remonte probablement à un *bugada (avec sonorisation normale des sourdes intervocaliques) dont témoigne l'emprunt médiéval par le grec moderne :
μπουγάδα [bougáda] « lessive »
avec deux dérivés formés à l'intérieur du grec :
μπουγαδιάζω [bougadiázo] « lessiver »
μπουγάδιασμα [bougádiazma] « lessivage » |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Monday 23 Jun 08, 15:12 |
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μπουγάδα [bougáda] pourrait venir egalement du Gênois...les Gênois avaient des bases commerciales en Grèce. |
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Lou caga-blea
Inscrit le: 05 Sep 2006 Messages: 513 Lieu: Nissa
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écrit le Monday 23 Jun 08, 16:39 |
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En oc. on a la bugada /by'gada/ (faire la bugada). Et l'héroïne nationale niçoise, Catarina Segurana, était une modeste bugadiera ("lavandière"). |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Monday 23 Jun 08, 17:29 |
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@ giòrss :
Je crois que le vénitien est quand même plus probable car la Sérénissime avait en Grèce bien plus que des relations commerciales (elle tenait la Crète de 1204 à 1669 !).
D'ailleurs le dictionnaire de Sakellarios précise bien « μπουγάδα (βεν. bugada) » alors que, quand il ne sait pas, comme pour la lessive, il se contente de « αλισίβα (ιταλ. lisciva) ». |
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jacklouis
Inscrit le: 26 Dec 2006 Messages: 259 Lieu: Québec (canada)
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écrit le Monday 23 Jun 08, 17:43 |
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max-azerty a écrit: | En picard, buquer, qui signifie frapper, n'est pas sans rappeler bukon. Et il est vrai que les lavandières battaient jadis la lessive. On entend encore l'expression faire une battée pour faire une lessive. |
Très intéressant ce que vous nous signalez là ; ce rapprochement entre "buée" et "battée". . J'avais aussi entendu ce mot dans mon patois de Vendée, sans pouvoir comprendre d'où il pouvait bien venir.
Preuve une fois de plus que nos parlers régionaux sont bien venus d'une source commune ; l'un d'entre en ayant évolué à la cours des rois , et finalement pris le dessu sur tous les autres. Ces autres n'en restent pas moins une richesse à explorer. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Monday 23 Jun 08, 18:29 |
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Pas besoin d'être ch'ti ni chouan :
Roger Lucchesi (Les Lavandières du Portugal) a écrit: | Connaissez-vous des lavandières
Comme il y en a au Portugal
Surtout celles de la rivière
De la ville de Setubal
Ce n'est vraiment pas des lavoirs
Où elles lavent mais des volières
Il faut les entendre et les voir
Rythmer leurs chants de leurs battoirs
{Refrain:}
Tant qu'y aura du linge à laver
On boira de la manzanilla
Tant qu'y aura du linge à laver
Des hommes on pourra se passer
Et tape et tape et tape avec ton battoir
Et tape et tape tu dormiras mieux ce soir |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Tuesday 24 Jun 08, 0:17 |
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Outis, je connais les relations commerciales et coloniales entre Venice et la Grèce, mais la verité c'est que les relations avec Gênes sont seulement méconnues. |
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Lezarvert
Inscrit le: 08 Nov 2006 Messages: 148 Lieu: Allemagne
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écrit le Wednesday 16 Jul 08, 22:56 |
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Je viens de trouver un peu par hasard que...
buhar = vapeur |
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Poyon
Inscrit le: 24 Jul 2005 Messages: 765 Lieu: Liège (Waremme)
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écrit le Thursday 17 Jul 08, 12:00 |
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Wallon : bouwér : faire la lessive. |
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