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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6533 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Wednesday 09 Aug 06, 3:06 |
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angl. asinine : 1610, dépourvu d’intelligence, bête comme un âne, du lat. asinus, âne, cf. angl. ass, âne.
D’après etymonline.com
prononciation : l'angl. asinine rime avec l' angl. nine (le chiffre 9). |
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dubsar
Inscrit le: 07 May 2007 Messages: 448 Lieu: Altkirch (F68)
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écrit le Monday 30 Jun 08, 19:35 |
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En sumérien l'âne c'est anše avec diverses précisions :
anše-edin-na : onagre
anše-gir2-nun-na : mule
anše-giš : âne de travail, etc
et le sens général de équidé :
anše-kur-ra : cheval (âne étranger)
L'étymologie du mot serait : an- : ciel et še3 : élever (vers le ciel) = animal qui élève vers le ciel (ce qu'il porte).
On prétend que, à une métathèse près, le mot aurait passé par l'Asie Mineure vers le grec onos et le latin asinus.
Et le plus surprenant c'est qu'en écoutant la conférence de C Rilly sur le méroïtique (langue très différente du sumérien, qu'on ne me fasse pas de mauvais procès), le conférencier a présenté une inscription où il est question de la capture de 25 ânes "ansu".
Etonnant animal qui a voyagé dans tout le Proche Orient, originaire de la basse Mésopotamie ?
(NB : les langues sémitiques utilisent un autre terme : akkadien, ḫimāru, imēru ; hébreu ḥamor ; arabe ḫimâr). |
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marsyas
Inscrit le: 19 Jun 2007 Messages: 34 Lieu: Utopie, Alpes-Maritimes
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écrit le Tuesday 01 Jul 08, 12:00 |
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anše-edin-na : équidé de la steppe (âne sauvage, onagre, hémippe)
anše-gir2-nun-na : équidé d'attelage, autorité, pied (mule ? = anše-nun-na)
anše-giš gigir : équidé attelé, de trait
anše-kur-ra : cheval (équidé de la montagne)
D'où vient cette étymologie sumérienne ?
Inscription méroïtique de quelle date ?
L'âne est originaire des terres autour de la Mer rouge |
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Skipp
Inscrit le: 01 Dec 2006 Messages: 739 Lieu: Durocortorum
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écrit le Wednesday 02 Jul 08, 15:50 |
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dubsar a écrit: | NB : les langues sémitiques utilisent un autre terme : akkadien, ḫimāru, imēru ; hébreu ḥamor ; arabe ḫimâr |
A-t-on une idée de l'origine de cette racine ? A moins qu'il ne s'agisse d'un emprunt (ce qui serait peu probable si l'âne a été domestiqué là où résidait déja des populations de langues sémitiques) ? |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Wednesday 02 Jul 08, 17:44 |
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Le grec chimaira et le lat chimaera ont quelque chose en commun avec les mots
akkadien, ḫimāru, imēru ; hébreu ḥamor ; arabe ḫimâr???
En occitan il existe un animal imaginaire: lou jimërou (la jumarre, en français des pasteurs vadois des Alpes Cottiennes). |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Wednesday 02 Jul 08, 18:56 |
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Non, pas du tout, la chèvre ne doit rien à l'âne !
Le monstre nommé Chimère (Χίμαιρα) tire son nom de ce qu'il a tête et corps de chèvre (quelles que soient les variantes pour le reste chez Homère et Hésiode) et de ce que khímaira (χίμαιρα) est un nom de la chèvre, plus précisément de celle qui est née à la fin de l'hiver et qui a donc un an lors de la première mise bas.
Ce nom est lié à celui de l'hiver, *gʰei-ōm, et ce type de formation a des correspondants :
suéd., norv. dial. gimber (germ. *gimbrī) « brebis qui n'a pas encore eu de petits »
latin bīmus, trīmus, quadrīmus (< *bi-hīmos, etc.) pour les vins, légions, etc., de deux, trois, quatre ans. |
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dubsar
Inscrit le: 07 May 2007 Messages: 448 Lieu: Altkirch (F68)
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écrit le Wednesday 02 Jul 08, 20:07 |
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J'attendais Outis sur asinus, onos, Esel, etc
Pour le nom de l'âne sumérien et méroitique c'est sans doute l'emprunt d'une langue à l'autre, mais dans quel sens ? On rappellera que les sumériens se disaient originaires de Dilmun, aujourd'hui Bahrein. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 03 Jul 08, 10:09 |
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J'y venais, dubsar, j'y venais, mais, dans le temps réduit dont je dispose, la priorité est aux corrections. De plus, il n'y a pas grand chose à dire des noms eurindiens de l'âne, ils n'existent pas, tous ceux qu'on connaît remontent très probablement au sumérien !
Dans le Nord, le germanique *asiluz (vieil-anglais ass, allemand Esel, gotique asilus), le lituanien asilas et le vieux-slave osl sont tous des emprunts au latin asellus « ânon », diminutif de asinus « âne ». Les langues celtiques partent du même emprunt (irlandais assal) ou de l'animal adulte (breton azen).
Le latin asinus, que son s intervocalique (sans rhotacisme) trahit comme un emprunt, a été considéré par Schrader et Benveniste comme dépendant du sumérien anšu, sans qu'on explique bien pourtant la métathèse (dissimilation de nasale dans anše-nun-[na] ?).
La nasale a disparu dans l'arménien ēš (gén. išoy) et la sifflante dans le grec ónos (ὄνος) qui est connu sans ambiguïté dès le mycénien par la tablette KN Ca 895 où les mots sont accompagnés d'idéogrammes :
i-qo (ἵπποι « chevaux ») EQUINE-b 5 EQUINE-mane 4 po-ro (πῶλοι « poulains ») FOAL[
o-no (ὄνοι « ânes ») EQUINE-b 3 po-ro (πῶλοι) FOAL 2 EQUINE-a 4[
Ni l'orthographe syllabique du mycénien, ni l'évolution phonétique jusqu'au grec alphabétique ne permettent de décider si les formes reposent sur *onso- ou *osno-.
D'autres étymologies, plus que douteuses, ont aussi été proposées :
- Benfey, Pictet partent de l'hébreu atana « cheminer lentement, à petits pas », d'où *otnos > *osnos > onos
- Weber, pour le latin propose le sanskrit asinas « gris, cendré » (cp. all. Asche « cendre ») et, pour le grec, le sanskrit anas « voiture de charge, camion » (cp. lat. onus « charge, fardeau ») en s'appuyant sur le grec ónagros (ὄναγρος) « âne sauvage, onagre », l'emprunt latin onager ayant aussi désigné une machine de guerre à lancer des pierres (probablement, en fait, à l'image d'une ruade) …
À l'Est, en indo-iranien, on a un tout autre mot, d'étymologie inconnue : skr. khara-, avest. ḫarō, iran., afghan ḫar, kurde ker, et un vieux-perse *ḫara-pati- « gardien d'ânes » emprunté dans l'élamite qarabatti. |
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marsyas
Inscrit le: 19 Jun 2007 Messages: 34 Lieu: Utopie, Alpes-Maritimes
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écrit le Friday 04 Jul 08, 20:47 |
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Outis a écrit: | le grec ónagros (ὄναγρος) « âne sauvage, onagre », l'emprunt latin onager ayant aussi désigné une machine de guerre à lancer des pierres (probablement, en fait, à l'image d'une ruade) … |
Erreur bientôt rectifiée, (ὄναγρος) "âne sauvage".
Citation: | À l'Est, en indo-iranien, on a un tout autre mot, d'étymologie inconnue : skr. khara-, avest. ḫarō, iran., afghan ḫar, kurde ker, et un vieux-perse *ḫara-pati- « gardien d'ânes » emprunté dans l'élamite qarabatti. |
equus hemionus khur, Gujarat et Pakistan. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 05 Jul 08, 11:03 |
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Marsyas me conduit à préciser un peu le grec ὄνος [ónos] « âne ».
D'abord, comme beaucoup de noms d'animaux (βοῦς [boûs] « bœuf, vache »), ὄνος est épicène, désignant aussi bien l'âne que l'ânesse. Ce n'est que dans un papyrus que l'on trouve la précision d'un composé ὀνοθήλεια « âne femelle ».
On considère usuellement que les sens ὄνος « treuil, cabestan » et « pierre d'une meule » sont des métaphores basées sur l'idée de travail (voir, aujourd'hui, « chargé comme un âne »). Bien que rejetée par Beekes, une étymologie parallèle a été proposée dans les années 30 par Henri Grégoire (qui n'est pas l'Abbé Grégoire de la Révolution !) : ce serait un neutre sigmatique *ὄνος, gén. ὄνεος qui aurait été contaminé par le nom de l'animal, ce neutre sigmatique correspondant exactement au latin onus, gén. oneris « charge, fardeau » et au sanskrit anas, gén. anasas « voiture de charge ».
Ces neutres sigmatiques ont le degé e de la racine et le ton présuffixal et il faudrait donc poser un étymon *h₃én-os. Je n'ai pas lu l'article de Grégoire (Byzantion 13, p. 287) mais je suppose qu'il voulait aussi en tirer le nom de l'animal et que c'est cela que Beekes rejette, à juste titre. Il me semble cependant que ce pourrait être une justification simple des emplois dits métaphoriques du mot.
Un autre dérivé est le composé ὄναγρος « onagre », contraction de ὄνος ἄγριος [ágrios] « âne sauvage » (titre d'une comédie attique perdue) qui désigne tardivement (Strabon, LXX) des espèces orientales du genre Equus.
Mais ces espèces sont nommées par Homère ἡμίονος ἀγρότερα « mule sauvage » (de Paphlagonie) et par Aristote ἡμίονος Συρία « mule syrienne », ce qui introduit un nouveau composé, ἡμίονος [hēmí-onos] « semi-âne > mulet, mule ». Le sens d'hybride est bien attesté chez Hérodote, où βασιλεὺς ἡμίονος [basileús] « roi mulet » désigne dans un oracle le roi Cyrus (demi-Mède, demi-Perse).
C'est cependant ce mot, « hémione », qui, débarrassé de ses qualificatifs, évincera « onagre » chez lez zoologistes pour désigner les équidés d'Asie dont nous parlait marsyas.
Un autre nom du mulet est tiré de celui de l'âne. Le khotanais khaḍara- et le sogdien γrtr'k proviennent d'un *khara-tara- « l'autre de l'âne » au moyen du suffixe *tero- qui, avant de se spécialiser comme formateur de comparatifs, signifiait « l'autre de deux » comme il en reste des traces dans le grec ἀγρότερος « des champs > rustique, sauvage » par opposition à la ville. |
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marsyas
Inscrit le: 19 Jun 2007 Messages: 34 Lieu: Utopie, Alpes-Maritimes
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écrit le Saturday 05 Jul 08, 18:51 |
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Merci Outis,
juste préciser mon intervention qui soulignait qu'aujourd'hui encore on confond onagre et âne sauvage et ce même dans de très bonnes traductions grecques ou latines. Traduire ἡμίονος ἀγρότερα par "mule sauvage" montre assez que l'on manque de connaissance éthologique. Homère, aussi bien que Aristote, connaissait très bien les véritables ânes sauvages qu'il nommait ὄνος ἄγριος ou ὄναγρος. Syrie du nord et sud-est de l'Anatolie depuis l'holocène : equus africanus et equus hemionus onager tous deux reconnus dans tous les lexiques suméro-akkadiens et amorrites.
Citation: | C'est cependant ce mot, « hémione », qui, débarrassé de ses qualificatifs, évincera « onagre » chez lez zoologistes pour désigner les équidés d'Asie dont nous parlait marsyas. |
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Skipp
Inscrit le: 01 Dec 2006 Messages: 739 Lieu: Durocortorum
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écrit le Friday 11 Jul 08, 11:53 |
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dubsar a écrit: | En sumérien l'âne c'est anše [...] Et le plus surprenant c'est qu'en écoutant la conférence de C Rilly sur le méroïtique (langue très différente du sumérien, qu'on ne me fasse pas de mauvais procès), le conférencier a présenté une inscription où il est question de la capture de 25 ânes "ansu". |
Après vérification... il semble que de nouveaux éléments semblent démontrer que l'âne aurait été domestiqué en Afrique du nord-est... Son plus proche cousin génétique serait l'âne sauvage... de nubie... là où était parlé le méroïtique... Il pourrait donc bien y avoir eu un emprunt d'une langue en famille avec le méroïtique par le sumérien... Si quelqu'un peut confirmer ou non ?
A propos de l'origine nubienne de la domestication de l'âne:
http://www2.cnrs.fr/presse/communique/495.htm
Sait on d'où viennent les mots "hémione" (grec probablement) et mule ? Et en a-t-on l'étymologie, la signification d'origine ?
Et puis... si le terme pour désigner l'âne dans les langues celtes et germaniques provient du latin... et que le terme d'origine est supposé venir des sumériens... Quels ont été les intermédiaires entre le terme sumérien et latin ? Surtout que les locuteurs des langues sémitiques plus proches géographiquement parlant avaient eux un terme différent... |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Tuesday 29 Jul 08, 8:36 |
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Pour l'étymologie de « hémione », il suffisait de lire l'avant-dernier paragraphe de ma dernière intervention … |
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marsyas
Inscrit le: 19 Jun 2007 Messages: 34 Lieu: Utopie, Alpes-Maritimes
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écrit le Tuesday 29 Jul 08, 20:16 |
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... ou Shakespeare avec son Bottom qui n'est en fin de compte qu'un autre Mid-Ass ! |
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dubsar
Inscrit le: 07 May 2007 Messages: 448 Lieu: Altkirch (F68)
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écrit le Wednesday 30 Jul 08, 18:39 |
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En reprenant les données de Outis quelque questions se posent :
1. le latin asellus comme diminutif vient-il de *asinellus ? Si non, le -n- de asinus pourrait n'être qu'une augmentation de la racine i-e. Et cela expliquerait le manque de la nasale en arménien.
2. la dérivation asinus de anše, en admettant la métathèse et le passage de š, inexistant, en ś ou s, présente une voyelle infixée i. D'où viendrait-elle ?
3. le grec onos : s'il venait d'une prononciation cananéenne du mot on pourrait comprendre le timbre o de la première syllabe : anše > anśe > asne > āne > ōn-
Dans ce cas pourquoi ὀνος et non pas ὠνος ? |
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