Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
|
écrit le Sunday 17 Jun 07, 20:00 |
|
|
La smala vient de l'arabe
زملة
Ce terme désigne, en arabe classique, une réunion de tentes autour d'un chef (Robert)
en français, la smala désigne une famille nombreuse...
(je l'imagine comme la famille d'Abdallah quand elle s'installe dans le château de Moulinsart...)
Ce mot est devenu populaire en France, lors de la prise de la Smala, en mai 1843 par l'armée française commandée par le duc d'Aumale, Henri, fils du Roi des Français Louis-Philippe.
La smala désignait alors la "capitale" itinérante d'Abd El Kader qui devait comprendre environ 30 000 personnes (femmes et enfants compris).
Pour pouvoir mieux résister face à l'ennemi, Abd El Kader avait choisi d'être très mobile.
C'est un curieux destin : C'est le principal chef résistant face à l'armée française qui a conquis l'Algérie dans le sang sous les ordres du marquis de La Piconnerie & duc d'Isly, le maréchal Bugeaud.
La victoire de la smala ne fut pas décisive, mais porta un rude coup à la puissance d'Abd El Kader qui se rendra aux Français en décembre 1847.
Il restera prisonnier pendant 5 ans (pendant le IIe république) Et c'est le futur Napoléon III qui le délivrera : il part alors en exil en Turquie.
Pendant les émeutes antichrétiennes de 1860 au Liban et en Syrie, il se battra pour protéger les Chrétiens.
Cet ancien chef de la résistance contre les Français recevra alors la légion d'honneur et sera aussi décoré par le pape (ordre de Pie IX). |
|
|
|
|
Skipp
Inscrit le: 01 Dec 2006 Messages: 739 Lieu: Durocortorum
|
écrit le Sunday 17 Jun 07, 21:48 |
|
|
Eh bien... Je ne savais pas celà. Abd El Kader aura donc été un combattant de la liberté pour les siens, pour son pays, mais également hors de son pays pour des minorités chrétiennes. D'après ce que j'en ai lu sur le Net Napoléon III aura même été un de ses amis. |
|
|
|
|
Abdüssalâm
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 909 Lieu: Aiguillon
|
écrit le Monday 18 Jun 07, 11:32 |
|
|
Une autre étymologie possible donnée par Daniel Reig dans "as-sabîl" (dictionnaire français-arabe), de la racine "šml" شملة qui a pour sens "regrouper", mais il donne aussi celle mentionnée par Xavier.
Ce mot est toujours lié à l'émir Abd-el-Qâdir el- jazâ'irî (peut-être était-ce un nom propre?) et inconnu des Marocains contemporains sous cette définition ("zamla" y signifie: camaraderie, voire même camaraderie "particulière, puisque "zâmel" désigne un homosexuel).
Quant à l'Emir que Skipp qualifie de "combattant de la "liberté", il faut bien comprendre que cette idée de "liberté" telle qu'on l'entend aujourd'hui, était un concept un peu flou pour ne pas dire inexistant dans la culture islamique de cette époque. Son équivalent arabe "Hurriyät" signifiait à l'époque "ne pas être esclave de qqn", il prit une signification proche de "liberté" avec l'introduction de concepts occidentaux dans la culture arabo-islamique. Abd-el-Qâdir fut, selon les concepts en vigueur à cette époque un combattant de l'Islâm (mujâhid) et de la justice (3adl). Cette notion de justice "3adl" a toujours été l'idée forte, celle qui était plus propre à émouvoir le peuple qu'une idée de "liberté", un peu floue, voire dangereuse pour une pensée islamique traditionnelle. C'est dans ce même état d'esprit que l'emir vint en aide aux chrétiens d'Orient en butte aux persécutions des Druzes sous l'œil indulgent des Ottomans. Mais ce qui a rendu l'émir célèbre en France, c'est-à-dire son passé de Mujâhid, et qui fut un accident de l'Histoire, ne cache pas l'œuvre du soufî dans la lignée du "sheykh al- akbar" muHiy-d-dîn al-3arabî, dont il existe une traduction partielle "le livre des haltes" aus éditions seuil. L'Emir resta peu de temps à Istanbul, il rejoigni Damas où il enseigna les sciences islamiques. Il y mourut et fut enterré auprès du "shaykh akbar", avant que ses restes soient envoyés en Algérie après l'indépendance.
C'est grâce à cette aura de sage musulman que son intercession envers les Chrétiens connut le succès et non à son passé de combattant peu connu en Orient et c'est encore l'idée de justice qui le motiva, non pas celle de liberté au sens contemporain du terme.
Quant à Napoléon III, si ce personnage emporte un peu de ma sympathie c'est pour avoir accompli une promesse que les Républicains (partisan de la "liberté" et de la colonisation de peuplement en Algérie) n'avaient pas tenue. Il voulut même à un moment créer un "Royaume Arabe" en Algérie avec l'Emir à sa tête.
Dernière édition par Abdüssalâm le Monday 18 Jun 07, 17:30; édité 1 fois |
|
|
|
|
Abdüssalâm
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 909 Lieu: Aiguillon
|
écrit le Monday 18 Jun 07, 17:29 |
|
|
arabe littéral:
zamlät ou zumlät: famille, tribu, smala زملــة
zamîl, pl. zumalâ': camarade, collègue, confrère زميل ج زمـلاء
zamâlät: camaraderie زمــالة |
|
|
|
|
Charles Animateur
Inscrit le: 14 Nov 2004 Messages: 2528 Lieu: Düſſeldorf
|
écrit le Wednesday 28 Apr 10, 9:15 |
|
|
J'ai l'impression d'avoir surtout vu smalah avec un h, et je l'associe toujours au tableau monumental d'Horace Vernet. Le TiLF donne les deux orthographes (avec et sans h).
Ce h ne correspond à rien en arabe ? |
|
|
|
|
mansio
Inscrit le: 19 Feb 2005 Messages: 1125
|
écrit le Wednesday 28 Apr 10, 10:01 |
|
|
Charles a écrit: | J'ai l'impression d'avoir surtout vu smalah avec un h, et je l'associe toujours au tableau monumental d'Horace Vernet. Le TiLF donne les deux orthographes (avec et sans h).
Ce h ne correspond à rien en arabe ? |
L'alphabet arabe écrit normalement le h avec un ﻩ . L'écriture du Coran a d'abord été influencée par des prononciations dialectales. A la place du féminin en -at, la prononciation dialectale était -ah. Par la suite, les grammairiens musulmans se sont rendu compte que la bonne prononciation était -at pour le féminin. Comme il ne fallait pas toucher aux séquences de lettres par respect pour la révélation divine, ils ont résolu le problème en transformant le ﻩ en t en lui mettant les points du t de l'alphabet ﺕ.
Cette nouvelle lettre s'appelle ta marbouta ة. Tāʾ marbūṭa veut dire "t lié".
Elle se prononce théoriquement h lorsque le mot est en finale ou isolé, mais pratiquement sert uniquement de support à la voyelle a, et donc se prononce a.
Lorsque le mot est placé ailleurs qu'en finale ou isolé, elle se prononce comme le t. On doit donc prononcer -at.
Lorsque le mot est isolé ou en finale, les transcriptions hésitent toujours entre noter le ta marbouta par -ah ou par -a. Si on veut être fidèle à la lettre de l'arabe on écrira -ah, et si on veut être fidèle à la prononciation on écrira -a.
C'est la différence entre une translittération et une transcription. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11225 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Sunday 23 Mar 14, 6:32 |
|
|
Sur la question du "ta marbouta", brièvement mais clairement traitée ci-dessus par Mansio, voir aussi ICI. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11225 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 29 Oct 19, 21:46 |
|
|
Xavier a écrit: | La smala vient de l'arabe
زملة
Ce terme désigne, en arabe classique, une réunion de tentes autour d'un chef (Robert). |
Je ne sais pas où le Robert est allé chercher ça. La زملة zamala, c'est tout simplement la maisonnée : famille, domestiques, suivants, bêtes de somme et tout ce qu'elles transportent en cas de déplacement : petit mobilier, ustensiles divers.
J'ai appris aujourd'hui un nouveau mot espagnol, acémila : 1. mulet, bête de somme. 2. (fig.) âne.
Le mot est assez littéraire. Il vient de l'arabe الزاملة az-zāmila "bête de somme, bête de charge", de la même racine que le mot du jour.
Je suggère qu'il soit ajouté au titre et dans l'index. |
|
|
|
|
embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3883 Lieu: Paris
|
écrit le Tuesday 29 Oct 19, 23:28 |
|
|
Comme l'écrit le TLF, et comme repris sensiblement dans le DHLF, le mot français est :
Citation: | Empr. à l'ar. maghrébin zmāla (ar. class. zamāla) « grande agglomération de tentes regroupant l'entourage d'un chef arabe: famille, compagnons, serviteurs, soldats, ainsi que leurs troupeaux et leurs biens » (Dozy t. 1, pp. 603-604; Lar. 19e; Lanly, pp. 55-56). |
Il s'agit donc de l'arabe algérien zmāla ( زمالة ), et non de zmala ( زملة ).
Beaussier donne bien ce sens : camp, campement d'une tribu, d'un particulier. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11225 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 29 Oct 19, 23:58 |
|
|
Merci pour le renvoi à Dozy, qui éclaircit et précise :
1. Le mot s'écrit donc زمالة (et non زملة )
2. En parlant de l'Algérie sous la domination turque, ce mot se prononce zmala, a pour pluriel zmoul et signifie : "colonies formées de familles empruntées à diverses tribus qui venaient s'établir sur des terres appartenant au domaine, soit par droit de confiscation, soit par droit de vacance". |
|
|
|
|
Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
|
écrit le Wednesday 30 Oct 19, 0:52 |
|
|
Abdüssalâm a écrit: | Abd-el-Qâdir fut, selon les concepts en vigueur à cette époque, un combattant de l'Islâm (mujâhid) et de la justice (3adl). Cette notion de justice "3adl" a toujours été l'idée forte, celle qui était plus propre à émouvoir le peuple qu'une idée de "liberté", un peu floue, voire dangereuse pour une pensée islamique traditionnelle. C'est dans ce même état d'esprit que l'emir vint en aide aux chrétiens d'Orient en butte aux persécutions des Druzes sous l'œil indulgent des Ottomans. Mais ce qui a rendu l'émir célèbre en France, c'est-à-dire son passé de Mujâhid, et qui fut un accident de l'Histoire, ne cache pas l'œuvre du soufî dans la lignée du "sheykh al- akbar" muHiy-d-dîn al-3arabî, dont il existe une traduction partielle "le livre des haltes" aus éditions seuil. L'Emir resta peu de temps à Istanbul, il rejoignit Damas où il enseigna les sciences islamiques. |
Et, ce n'est pas contradictoire avec tout ceci, il fut initié franc-maçon … |
|
|
|
|
Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
|
écrit le Wednesday 30 Oct 19, 11:26 |
|
|
J'ajoute un lien vers le tableau d'Horace Vernet évoqué ci-dessus :
L'histoire par l'image : Prise de la smalah d'Abd-El-Kader à Taguin, le 16 mai 1843.
Ce tableau montre de manière démesurée un épisode relativement secondaire de la conquête de l’Algérie, puisqu’Abd el-Kader ne se rendit qu’en 1847. La dimension de cette toile révèle en fait une volonté de propagande de Louis-Philippe à un moment où son pouvoir était contesté. En magnifiant le courage de son fils le duc d’Aumale, il tentait de montrer combien ses fils et lui-même avaient œuvré à la grandeur de la France.
(commentaire de Jérémie Benoît) |
|
|
|
|
|