Ceux qui arrivent d’Italie

 

 

 

Mancariá pas qu’aquò !

 

         Milano est décédé en 1988. Auparavant, il avait fait construire un tombeau de granit poli. Le premier qu’on ait pu voir dans les cimetières des villages environnants. « Aquò, es li babis ! » Ça, c’est les babis.

         Le mot babi est encore présent dans les années 50. Surtout en périodes de conflits. A l’époque des élections municipales de 1959, on entend : « Saïque, ils vont pas nous gouverner, les babis ! Mancariá pas qu’aquò ! »  Il manquerait plus que ça. Les familles d’origine italienne soutiennent le chef de file de la gauche locale, Xavier Arnassand.

         Quant aux enfants, il leur arrive au cours d’une dispute de traiter de babis les enfants d’Italiens. Ce qui signifie sales Italiens, sans qu’on sache très bien ce que recouvre cette expression, surtout à un moment où le maître d’école vante le génie urbanistique romain, avec référence au Pont du Gard et aux Arènes de Nîmes.

         Ce mot est souvent évoqué au cours des discussions avec les anciens, mais que signifie-t-il au juste ? Marie-Jeanne, née en 1907, ne se souvient que d’une chose. « Le père d’Alfred Pisano disait que, les Italiens, pendant la guerre, quand ils voyaient une flaque avec des grapauds (crapauds), disaient : babi, babi ! »

         En fait, personne ici ne peut dire quel est le sens premier du mot babi. Les Italiens ou descendants d’Italiens n’en savent pas plus que les Français de souche. Mais le terme est bien connu en Provence. Dans le Trésor du Félibrige, Mistral traduit par crapaud, et signale le second degré, « terme de mépris : babouin, dadais. »

 

Source : R. Domergue, La parole de l'estranger, éd. L'Harmattan, p. 61

(Etude de l'intégration des étrangers dans les villages du pays de Nîmes, Gard)

 

 

 

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