Les immigrés Italiens et la pastachoute

 

 

 

On te lippait ça

 

         Les pâtes à la façon italienne, c’est la « pastachoute », comme on dit ici. Mais parmi les descendants d’Italiens, rares sont ceux qui connaissent le sens précis de ce mot. Pierre Fabbri, informateur privilégié du fait de sa passion pour la cuisine, est le seul au village à préciser que les Italiens écrivent pasta asciutta, qui pris littéralement signifie pâte sèche. Ce qu’il propose de traduire par pâtes garnies, dans le sens de pâtes accompagnées de sauce.

         Giovanni Doria, qui habite un village voisin, parle de la préparation des pâtes avec passion : « Les Français ! Ils mangent les pâtes avec un peeuu de beurre ! dit-il en faisant la moue. Nous, on les fait avec de la sauce. » Sa mère versait sur les pâtes une sauce faite de beurre cuit, de sauge et de tomate. « On te lippait ça ! » Lipper, lécher.

         Pierre Fabbri confirme : « Les Français font des pâtes à l’eau, ils les font bouillir, ajoutent un peu de beurre ou de fromage, c’est tout. Mon père disait : ça peut pas être bon, ça. » La sauce à l’italienne nécessite une longue préparation : foie et abats de volailles, persil, ail, oignon, champignons secs, tomates, aromates. Sans oublier de saupoudrer de parmesan.

– Les Français mettent souvent du gruyère...

– C’est une hérésie, s’indigne Gérard M., d’ascendance italienne.

         « Le gruyère, ça colle, ça fait des fils », explique Teo, qui préconise le parmesan ou plutôt le pecorino, bien sec. 

         En règle générale, les descendants d’Italiens ne font pas trop cuire les pâtes. « Les Français, ils te font de la pègue », de la colle. La pègue, c’est le produit d’une cuisson relativement longue, unique façon de faire dans les familles françaises de souche jusqu’à une date récente.

 

Source : R. Domergue, La parole de l'estranger, éd. L'Harmattan, p. 64

(Etude de l'intégration des étrangers dans les villages du pays de Nîmes, Gard)

 

 

 

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