L’amitié entre jeunes

 

 

 

 

Finalement l’Arabe a été invité

 

            Bassil découvre en France ce qu’est un anniversaire. Il n’est pas le seul. « J’ai jamais été invité à des anniversaires de Maghrébins, ils fêtent pas cela. J’ai toujours été invité par des Français », explique Salem. Il faut dire qu’à l’époque de son adolescence, au début des années 90, il n’y a pratiquement que des Français dans son village.

            Dans les années 80 on compte deux ou trois familles d’ouvriers agricoles marocains dans le petit village de Michel. Son fils fait alors partie d’un groupe bien soudé.

 

Les masets (les petits mas) sont très nombreux dans la campagne du pays de Nîmes.

 

- Une période, le dimanche, ils allaient manger dans un maset. Une mère leur faisait de la paella, une autre achetait des merguez. La mère de Saïd a préparé un couscous. Puis une autre mère a préparé quelque chose, mais elle dit à son petit : ‘Je veux pas que tu invites l’Arabe.’ Les copains n’ont pas été d’accord, ils lui ont dit : ‘Toi tu as bien mangé du couscous !’ Le jeune s’en foutait, mais ça venait de sa mère.

- Et comment ça s’est terminé ?

- Finalement l’Arabe a été invité.

            Pour les jeunes de la bande, Saïd n’était pas un ‘Arabe’, mais un ami.

 

Dans les petits villages où ils sont peu nombreux les jeunes garçons d’origine maghrébine font souvent partie des groupes de ‘maillots’ durant les fêtes votives. Dans les gros villages à forte présence maghrébine cela se voit moins souvent. Mais cela peut arriver, comme ici.

 

            Un événement tragique a eu lieu dans un village semblable à celui-ci. L’un des fils d’une famille maghrébine s’est noyé dans la rivière. « Il y a eu une quête pour rapatrier le corps au Maroc. Tout le monde [ou presque] a donné. Ce sont des gens impeccables. Il faudrait pas dire au père que son enfant t’a manqué de respect. Même s’il a trente ans » (Albert). La tradition de rapatriement des corps au pays est souvent présentée comme l’une des preuves que la population maghrébine ne cherche pas à s’intégrer. Il apparaît que dans ce contexte particulier, où les conditions de l’interconnaissance sont réunies, les réactions diffèrent.

 

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Il est fort improbable que l’on trouve une fille d’origine maghrébine dans ce groupe. Leurs parents sont très attachés à une conception rigoureuse de la pudeur (celle-là même qui régnait dans nos villages dans les années 50 encore).

 

 

Source : L’intégration des Maghrébins dans les villages du Midi, René Domergue,  Autoédition, 2011, p.50-51

 

 

 

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