L'intégration des Maghrébins dans les villages du Midi (France)
Réflexion sur l’intégration en France. Étude de la mixité sociale sur le terrain des villages.
Extraits du livre
- Précisions
sur le vocabulaire : Maghrébin, Français, Arabe
- Causes
du regroupement à la ZUP
- Le financement des belles voitures
- La
mixité sociale dans le foot
- La
mixité sociale autour des taureaux
- Le
choix de construire au Bled
- Les
conflits avec certains jeunes
- Le
point de vue des chibanis
- Intégration
maghrébine : méthode, introduction
Depuis une vingtaine d’années je mène des recherches sur le terrain des villages du Midi de la France. Divers ouvrages balisent ce parcours.
Des Platanes, on les entendait cascailler (Edisud, 1998, repris en autoédition) constitue un point de départ. Cet ouvrage rend compte du changement des rapports sociaux, ainsi que de l’évolution des normes et des valeurs dans un village, de 1900 à aujourd’hui. Dans la mémoire de la catégorie dominante, celle des paysans aisés (les pélos) et moyens, la convivialité règne aussi longtemps que la société rurale demeure solide sur ses bases, c’est-à-dire jusque dans les années 50-60. C’était « le bon vieux temps ». De leur point de vue, la question de la mixité sociale ne se pose pas, et les interroger sur l’intégration semblerait totalement saugrenu. Pourtant les mariages sont quasiment impossibles entre enfants de riches et enfants de pauvres, sans parler des unions entre catholiques et protestants. Pourtant les ouvriers agricoles ou les ouvriers maçons d’origine italienne et espagnole sont considérés avec beaucoup de condescendance et certaines expressions, examinées au travers d’une grille de lecture contemporaine, prennent vite une connotation raciste. Mais « on disait ça comme ça, pour rigoler »,...
Cette ambiguïté a été à l’origine d’une nouvelle recherche. La Parole de l’estranger (L’Harmattan, 2002) pose le problème de l’intégration et de la mixité sociale, sur le terrain des villages du Midi de la France. L’ouvrage est consacré à l’arrivée de ceux que les villageois considèrent comme des estrangers. Italiens qualifiés de babis (crapauds en Provençal) ou de manja-macaronis, Espagnols traités de manja-tomatas ou plus simplement d’espagnols de merde. Mais aussi étrangers plus proches : Cévenols et autres montagnards dénommés Gavots (attardés), voire étrangers venus de villages voisins. Au fil des pages se profile l’idée de l’universalité d’une attitude de mépris à l’égard des plus faibles : « Chacun est le gavot de l’autre ».
Avec L’intégration des Pieds-Noirs dans les villages du Midi (L’Harmattan, 2005) je me suis intéressé à une autre vague d’immigration, celle des Pieds-Noirs, arrivés en masse en 1962, au moment de l’indépendance de l’Algérie. Bien que Français, du point de vue des ‘gens d’ici’ « ce sont des estrangers comme les autres », et leur intégration ne va pas de soi. Pourtant dans ce cas comme dans les précédents la mixité sociale en œuvre dans les villages assure une intégration relativement rapide. Une ou deux décennies pour les Pieds-Noirs (quoi qu’ils en disent). Mais il faut attendre la troisième génération des populations originaires d’Italie ou d’Espagne pour que les mariages s’effectuent ‘selon les lois du hasard’ (c’est-à-dire pour que la probabilité de mariage entre une personne de cette origine et un ‘Français’ soit la même que pour n’importe quel Français).
En tirant le fil, j’en viens fatalement au présent ouvrage, consacré à l’arrivée dans nos villages du Midi de la France d’immigrés issus du Maghreb et à la question de l’intégration maghrébine. De nombreux ouvrages traitent de cette population et des aléas de l’intégration, mais pratiquement tous se focalisent sur les ‘banlieues’. Je pense qu’étudier la situation sur le terrain des villages donne une dimension nouvelle à l’analyse ; on y voit à l’œuvre par exemple le rôle de la mixité sociale, génératrice d’interconnaissance donc, presque fatalement, de respect de l’autre. Dès lors, le ‘Maghrébin’ n’est plus un élément d’une catégorie, mais un individu à part entière doté d’un nom (ou plutôt d’un prénom) et d’un visage. Je crois sincèrement que cette façon de procéder permet de renouveler les études sur l’intégration en France.
René Domergue, juin 2011
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