Le choix de construire au Bled

 

 

 

 

Il a préféré construire au Bled

 

            Parmi les Maghrébins évoqués, la majorité loue, mais d’autres achètent ou construisent. Certains préfèrent construire dans des secteurs où ils vont être entourés de ‘Français’, ou pour s’exprimer comme Ahmed, « pour pas se retrouver au milieu des Arabes ». C’est le choix de la mixité.

 

Dans les années 60-70, il était facile de trouver des terrains peu cher en bordure de village.

 

            Noura explique :

- Un de mes amis [maghrébin] a fait construire une villa dans un village. Il voulait s’intégrer.

- Il était assez riche pour pouvoir construire ?

- Non, il était ouvrier tourneur, mais avec cinq enfants il a pu emprunter et il rembourse facilement.

            La démarche date d’une dizaine d’années. Elle était encore plus facile dans les années 60-70 et même 80 où les terrains se vendaient à un prix bien plus bas qu’aujourd’hui. Pour les Maghrébins (et les autres) il était souvent possible de construire dans les villages où ils travaillaient ou à proximité. Ce choix a rarement été fait. « Mon père est à Sabatot [quartier HLM de Saint-Gilles], mais il avait les moyens de construire. Il a préféré construire au Maroc où il a plusieurs maisons » (Réda). « Mes parents, ça leur effleurait pas l’esprit de construire en France. Pourtant quand on était à Brousson, des promoteurs venaient nous voir, ils expliquaient que l’argent des allocations financerait le crédit. C’était possible, j’en connais qui l’on fait. Mon père a pas voulu » (Zinedine).

 

De nombreux smigris (émigrés), embauchés comme ouvriers agricoles ou autre, ont pu économiser suffisamment pour construire au Bled des maisons très confortables.

 

            « Ma famille pourrait habiter dans une villa, mais mon père ne veut pas devenir propriétaire alors que dans les HLM il paie presque rien », commente Fatiha.

- Est-ce que beaucoup pourraient faire comme lui ?

- Vous n’avez qu’à voir tous ceux qui ont construit au bled, une et parfois deux maisons. Même si c’est moins cher là-bas, il suffirait d’un emprunt complémentaire, facile à rembourser avec les APL. [Aides au logement]

            Il suffit de voyager entre Fès et Meknès en période de congés, pour voir des dizaines de voitures immatriculées 30. Et le tour de quelques villages ou petites villes en compagnie d’un autochtone permet de découvrir d’innombrables maisons pimpantes appartenant à des s’migris. Des émigrés.

 

Intérieur d’une maison ordinaire de smigri, ouvrier agricole à la retraite au Bled.

 

            Quantité de raisons expliquent ce choix d’investissement des Maghrébins dans les années 60-70. Au premier chef, le fait qu’ils pensaient retourner au pays, ce que d’ailleurs certains ont fait. Mais d’autres préoccupations existent. « Ce n’est pas qu’une question de retour. Pour comprendre, il faut connaître leurs conditions de vie au départ. Le plus souvent ils vivaient dans des gourbis. Les maisons c’étaient celles des riches, des propriétaires qui les employaient. Avoir une maison, c’est un rêve, c’est sortir de la pauvreté, c’est la sécurité, un toit pour les enfants » (Charif).  (...)

 

 

Source : L’intégration des Maghrébins dans les villages du Midi, René Domergue,  Autoédition, 2011, p.136-7.

 

 

 

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