Le point de vue des chibanis

 

 

 

 

Les chibanis qui critiquent sont très minoritaires

 

            « Monsieur Morel, bon cœur. Le chef d’équipe français, pareil », « Il m’a donné du travail... Le patron, il est gentil... » Beaucoup de vieux Maghrébins, chibanis, s’expriment ainsi. Avec force détails parfois. « J’ai arrivé en 67. Le patron... méfiant... regarde. [Il s’exprime par mimiques, un peu comme s’il reniflait.] Au début, il regarde, c’est normal, il connaît pas... Puis, si tu es droit... la confiance. En 67 j’arrive, en 69 j’ai les clefs de sa maison quand il est pas là. Puis j’ai toutes les clefs. Quand je suis en vacances au bled, si j’ai besoin d’argent, il envoie l’argent. Pareil avec ses fils après lui » (Belkassem).

 

Les chibanis sont les anciens, les cheveux gris. Les papets, quoi !

 

            Une vingtaine de chibanis se sont exprimés, certains en France où ils vivent encore, d’autres au Maroc où ils sont retournés au moment de la retraite. Quelques-uns effectuent la navette entre les deux pays.

            Il s’agit de travailleurs venus en France il y a longtemps, qui reçoivent une pension leur permettant une vie décente, ici et encore plus là-bas, et non de ceux qui, arrivés plus tard, ont étés victimes du retournement du marché du travail et se trouvent en difficultés.

 

Beaucoup de chibanis vivaient dans des maisons au confort rudimentaire. Ils se souviennent de cette époque

 

            La parole des chibanis contraste avec celle des jeunes qu’on a entendue précédemment. Si bien que la question de leur sincérité se pose. Deux ou trois personnes ont affirmé : « Ils vous mentent », « Ils parlent pour vous faire plaisir. » Or, chaque fois que des témoins fiables connaissaient bien ces chibanis, la parole recueillie a pu être confirmée.

 

                  

Les immigrés du Maroc viennent de régions où la terre est bien difficile à cultiver. Ils n’étaient pas propriétaires dans les plaines fertiles.

 

            Yanis tient des propos qui démontrent sa liberté de ton et sa parfaite connaissance de la population maghrébine des environs.

- Ceux qui critiquent sont très minoritaires. 

- Tu te souviens de ce que dit ton père ?

- Mon père, comme la majorité des autres, ne nourrit aucune rancœur.

- Tu n’entends jamais de critiques de la part des chibanis.

- Très peu, bien sûr il y a ceux qui sont usés par le travail, et qui se plaignent, mais ils savent que cela aurait été bien pire là-bas.

 

Dans certains villages existent des Jardins familiaux accordés par la Mairie. Ce sont des lieux où les chibanis rencontrent les jardiniers ‘d’ici’ dans un cadre privilégié.

 

 

Source : L’intégration des Maghrébins dans les villages du Midi, René Domergue,  Autoédition, 2011, p.177-8.

 

 

 

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