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Le latin classique : une langue artificielle ? - Forum latin - Forum Babel
Le latin classique : une langue artificielle ?

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Auteur Message
Maurice



Inscrit le: 25 May 2005
Messages: 435
Lieu: Hauts de Seine

Messageécrit le Sunday 03 Sep 06, 22:20 Répondre en citant ce message   

ANIMATION BABEL - CETTE QUESTION EST ISSUE DU FIL "LA PRIÈRE DU COEUR"

Vincenç a écrit:

Enfin je voulais aussi demander aux latinistes s'ils ne pensaient pas que le latin ait pu être une sorte de langue semi-artificielle, comme l'indonésien ou le turc actuels par exemple. J'avais lu quelque part que le latin archaïque avait été remanié, "régularisé", fixé (un peu à la manière du sanscrit) pour devenir une langue exclusivement écrite. Ainsi les Romains, même à l'époque de César parlaient un latin quelque peu différent de celui que le conquérant des Gaules écrivait.
Autre impression très subjective: je me souviens quand je commençai à apprendre le latin en 4ème j'avais l'impression de découvrir une langue artificielle, tout y est tellement "carré", hiératique...
Il semble que les Anciens accordaient beaucoup plus d'importance à la Parole que dans notre monde actuel, d'où ces langues très précises en termes de relations syntaxiques, aux déclinaisons surchargées, tout devait être marqué précisément, la parole ne devait pas mener à l'erreur.


Je n'ai pas d'opinion sur la question du latin, mais je voudrais profiter de l'occasion pour commenter le passage ci-dessus.

Je ne sais pas si le terme semi-artificiel est le meilleur pour parler de l'indonésien et du turc., mais en effet, ils ont été réglementés par les gouvernements pour faciliter leur propagation comme langues nationales dans le but d'unifier les dialectes; mais peux t'on dire que le basque unifié (celui de l'Espagne) ou bien le breton unifié sont des langues artificielles ? surement pas , et même, semi-artificiel me parait trop fort.
Après tout, le français a aussi été réglementé par l'Académie Française, parfois de façon un peu arbitraire, mais ça n'a rien à voir avec une langue artificielle entièrement inventée de toutes pièces.

En ce qui concerne le turc, la réforme a consisté essentiellement a restauré les mots turc à la place des mots persans dont la langue était truffée.

En ce qui concerne l'indonésien, je serais très intéressé à savoir en quoi a consisté la réforme. Pour moi, il s'agit surtout d'avoir promu comme langue nationale de l'Indonésie, la langue de la Malaisie qui elle-même était issue de la langue d'une région de Sumatra, nommée je crois Malayu, du nom du fleuve qui la traverse.

L'hébreu moderne a été ressuscité "artificiellement" par le gouvernement israëlien , mais à partir de l'hébreu ancien. Je pense que c'est le seul exemple d'une langue qui a été réglementée, non pas par un organisme comme l'Académie, mais par les représentants de l'Etat, la chambre des députés.
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Grammata



Inscrit le: 24 Aug 2006
Messages: 12
Lieu: Hambourg

Messageécrit le Tuesday 19 Sep 06, 23:47 Répondre en citant ce message   

Le latin tel que nous l'apprenons à l'école n'a effectivement sans doute jamais été parlé. L'écart entre latin parlé et latin écrit devait être celui qui existe entre le francais parlé et le francais écrit, entre toute langue écrite et parlée. Cicéron devait prononcer le -m d'accusatif de dominum dans ses discours au sénat, mais ne le prononcait certainement pas au quotidien. Les langues romanes issues de ce latin parlé donnent une idée de ce qu'il a pu être: "manducare" pour edere (manger), donnant le fr, manger et l'italien mangiare, "essere" pour esse (être), "testa" pour caput (tête), "caballum" pour equus (cheval) etc.
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Glossophile
Animateur


Inscrit le: 21 May 2005
Messages: 2283

Messageécrit le Wednesday 20 Sep 06, 1:51 Répondre en citant ce message   

Grammata a écrit:
Cicéron devait prononcer le -m d'accusatif de dominum dans ses discours au sénat, mais ne le prononcait certainement pas au quotidien.


Il ne le prononçait même pas au Sénat. Pour preuve, cette règle de prosodie qui veut que les finales en -m s'élident devant voyelle, exactement comme les finales vocaliques.
Ce mécanisme fonctionne déjà dans Plaute.
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Zep



Inscrit le: 19 Oct 2006
Messages: 11
Lieu: Montréal

Messageécrit le Friday 20 Oct 06, 22:23 Répondre en citant ce message   

Il existe des niveaux de langue dans le langage parlé : certain parlent un langage soutenu (quand ils s'écoutent parler), correct (en bonne société) ou familier (avec son esclave). De même, il y a des niveaux dans le langage écrit, par exemple ce qui est correct dans le langage parlé est familier dans l'écrit. César, Cicéron, Tite-Live ou Tacite ont un langage écrit que tout le monde comprend, mais personne ne parle comme dans ces écrits.
Si on veut avoir une petite idée du langage parlé, avec ses jurons, ses sautes d'humeur, ses vulgarité, c'est chez Plaute qu'on le trouve ou chez Aristophane en grec. Une anecdote intéressante à ce sujet : les éditions Les Belles-Lettres ont refusé une première traduction d'Aristophane parce qu'elle était trop crue.
Même les discours de Cicéron et de Démosthène ne sont pas tout à fait intégraux : ils sont été remaniés après avoir été prononcés. Dans le cas de Cicéron, Tiron prenait les notes pendant le discours et Cicéron remaniait la transcription avant de la publier. Mais de là à dire que Cicéron ne prononçait pas ses finales, il y a un pas que je ne franchirais pas sans hésitation. Il parle dans une grande salle, sans micro, et à des sénateurs qui ne sont pas toujours silencieux.
Les premiers temps où les acteurs de théâtre ont joué à la télévision, du moins ici au Québec, leur langage semblait ampoulé : ils avaient appris à exagérer un peu pour que tous les spectateurs comprennent dans la salle. Mais la télévision est plus intimiste. Quand ils jouent pour la télévision, maintenant, leur élocution est plus naturelle, même s'ils jouent Racine.
Vous donnez l'exemple des "m" élidés en scansion. mais la poésie ne se récite pas comme on prononce un discours. J'avoue toutefois ne pas avoir lu le volume sur les Clausules chez Cicéron. Si j'avais su! je n'aurais pas batifolé au temps de ma jeunesse folle.
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Schpwet



Inscrit le: 27 Oct 2007
Messages: 26
Lieu: Ozoir-la-Ferrière

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 22:58 Répondre en citant ce message   

Vincenç a écrit:
je me souviens quand je commençai à apprendre le latin en 4ème j'avais l'impression de découvrir une langue artificielle, tout y est tellement "carré", hiératique...

J'ai eu exactement la même impression que toi lorsque j'étudiais le latin au collège... d'où mon rebut à l'apprendre !
De la même manière, j'ai été extrêmement déçu lors de mes premiers cours de grec, je m'attendais à une langue harmonieuse et chargée de l'émotion si particulière propre aux langues des anciens, mais quelle fut ma déception en entendant baragouiner mon professeur des phrases à la phonétique complètement déstructurée, hétéroclite et surtout ultra-francisée !
Je pense que le problème c'est que nous sommes incapables de reproduire avec exactitude l'accent qu'avaient les anciens (aussi bien latins que grecs), sans lequel toute langue perd la petite étincelle qui la caractérise, et, je l'ai appris plus tard en reprenant mes cours de latin de mon propre chef, ces langues qui nous paraissent tellement artificielles et scolaires étaient au même titre que les langues actuelles des langues aussi fluides et naturelles que nos langues modernes.
Pour ce qui est des déclinaisons, au-lieu de les considérer comme des particularités rébarbatives et terriblement scolaires, il ne faut pas oublier que ce sont de formidables outils qui, bien que leur apprentissage peut être lourd lorsqu'on n'a pas l'habitude, simplifient merveilleusement la phrase dans son ensemble (que penseraient les latins de nos interminables pré/postpositions ?).

Pour ce qui est de l'apparente artificialité du latin, je t'invite à t'intéresser à la langue finnoise.
Pour ce qui est de la complexité des déclinaisons, je t'invite à t'intéresser à la langue islandaise.

La question que nous sommes en droit de nous poser est : pourquoi après avoir développé une telle richesse de leurs déclinaisons, l'ensemble des langues indo-européennes tendent à les abandonner ?
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gilou



Inscrit le: 02 Jan 2007
Messages: 1528
Lieu: Paris et Rambouillet

Messageécrit le Wednesday 14 Jan 09, 10:21 Répondre en citant ce message   

Citation:
La question que nous sommes en droit de nous poser est : pourquoi après avoir développé une telle richesse de leurs déclinaisons, l'ensemble des langues indo-européennes tendent à les abandonner ?
Je ne sais pas si c'est une explication valable, mais je constate que dans nombre de langues non indo-européennes à déclinaisons, les déclinaisons sont en général plus régulières qu'elles ne le sont dans les langues indo-européennes classiques.
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Sisyphos



Inscrit le: 06 May 2006
Messages: 140
Lieu: Bruxelles

Messageécrit le Wednesday 14 Jan 09, 13:43 Répondre en citant ce message   

Glossophile a écrit:
Grammata a écrit:
Cicéron devait prononcer le -m d'accusatif de dominum dans ses discours au sénat, mais ne le prononcait certainement pas au quotidien.


Il ne le prononçait même pas au Sénat. Pour preuve, cette règle de prosodie qui veut que les finales en -m s'élident devant voyelle, exactement comme les finales vocaliques.
Ce mécanisme fonctionne déjà dans Plaute.


Pourquoi alors cette règle prosodique ne s'applique-t-elle pas aux clausules oratoires?
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Horatius
Animateur


Inscrit le: 11 Apr 2008
Messages: 695

Messageécrit le Wednesday 14 Jan 09, 14:28 Répondre en citant ce message   

Sisyphos a écrit:
Pourquoi alors cette règle prosodique ne s'applique-t-elle pas aux clausules oratoires?


Mais si, elle s'applique ! En latin, quand on scande, que ce soit les clausules métriques en prose ou les vers en poésie, on ne compte pas les élisions.

"Amatum est" devait se prononcer "amatumst" (comme d'ailleurs on le trouve écrit notamment chez Plaute) et cela se scande "ămātūmst".
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Sisyphos



Inscrit le: 06 May 2006
Messages: 140
Lieu: Bruxelles

Messageécrit le Wednesday 14 Jan 09, 17:08 Répondre en citant ce message   

Ce n'est pas ce que dit la Grammaire de base du latin de Jacques Michel (grammaire scolaire j'en conviens). Dans le chapître concernant les clausules en prose on prétend que les -m finals suivi d'un mot commençant par une voyelle ne s'élident pas.

Dans le 1er Catilinaire, 1 ils scandent la clausule de nihil concursus bonorum omnium comme un trochée suivi d'un crétique.
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Horatius
Animateur


Inscrit le: 11 Apr 2008
Messages: 695

Messageécrit le Wednesday 14 Jan 09, 17:52 Répondre en citant ce message   

La question des élisions dans la prose d'art latine est certes discutée.
A l'intérieur des phrases, dans le cours des membres syntaxiques, rien n'est sûr et je n'entre pas dans les détails.
En revanche, en fin de phrase ou en fin de membres syntaxiques, là où interviennent les clausules métriques, il est d'usage de considérer que l'auteur avait calculé ses clausules en fonction d'une "diction liée", c'est-à-dire sans hiatus et avec les élisions.
La prédominance de l'élision sur l'hiatus semble être avérée par les déclarations mêmes de Cicéron:
"nobis ne si cupiamus quidem distrahere uoces conceditur" (Cic, Or, 152)
"Même si nous le voulions, nous n'avons pas le droit de séparer les voyelles" : il faut les unir dans des élisions.

Les ouvrages les plus récents que je connaisse en français sur la question adoptent ce point de vue selon lequel les élisions dans les clausules métriques sont les mêmes que les élisions dans les vers: cf. Jacques Aumont, 1996 ; Jacqueline Dangel, 1982.

La grammaire dont vous parlez et que je ne connais pas semble donc d'un avis contraire. Henri Bornecque, dans son vieux livre qui autrefois était une référence (1907 : les clausules métriques latines), dit que l'accord n'est pas établi sur la question. Je lis même ce raisonnement qui me paraît assez curieux et que semble suivre ce Jacques Michel : "dans certains passages, on ne peut obtenir de clausules métriques qu'en n'élidant pas les finales en -am, -em, -im, -um."
Le raisonnement me paraît un peu vicieux: il faut qu'il y ait une clausule connue et habituelle, donc on va enfreindre la règle prosodique normale pour réussir à la trouver.

Aujourd'hui, la tendance est à admettre l'élision. Mais je ne prétends pas que tout le monde sur la terre pense ainsi !

Par ailleurs, pour bien comprendre les choses, il faut se dire, du moins c'est mon avis, que la diction dépend largement du récitant, et qu'il est envisageable que parfois ces règles prosodiques n'étaient pas scrupuleusement respectées. Finalement, c'est, de façon plus stricte, le même problème que les liaisons en français. Une langue châtiée exige de faire toutes les liaisons nécessaires ; maintenant, tout le monde ne respecte pas cette règle.
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Horatius
Animateur


Inscrit le: 11 Apr 2008
Messages: 695

Messageécrit le Sunday 22 Jan 12, 17:07 Répondre en citant ce message   

Pour reprendre la question de départ, oui, le latin classique est une langue artificielle, si l'on prend ce mot au sens strict de "conçue par l'art (et pour l'art)", par opposition à "naturelle".

Il suffit d'aller voir ce que dit Cicéron dans le De Oratore sur ce que la rhétorique appelle elocutio (Livre III) :
Le bon orateur est celui qui sait parler "latine, plane, ornate", c'est à dire en recherchant la correction, la clarté, le brillant.
Et la correction linguistique, "latine loqui" consiste :
Citation:
non solum uerba efferimus ea quae nemo iure reprendat, et ea sic et casibus et temporibus et genere et numero conseruimus, ut ne quid perturbatum ac discrepans aut praeposterum sit, sed etiam lingua spiritus et uocis sonus est moderandus.
"Non seulement employer des mots que personne à bon droit ne pourrait critiquer, et cela en observant les cas, les temps, le genre et le nombre, de manière à éviter toute confusion de formes, tout désaccord avec les règles, toute construction anormale; mais aussi régler sa prononciation, sa respiration et jusqu'au son de sa voix".

Bref, le latin littéraire, défini par la rhétorique, est artificiel :
- dans sa prononciation
- dans le choix des mots
- dans le respect de règles morphologiques
- dans le respect de règles syntaxiques

Il faudrait cependant faire la différence entre latin littéraire et latin classique.

Le latin littéraire , (le seul que nous connaissions vraiment si l'on excepte le latin épigraphique) n'est pas un : selon les époques, selon les genres littéraires aussi, qui ont une influence sur l'écriture, les codes artistiques ne sont pas les mêmes.

Ce que nous appelons latin classique, c'est la langue des auteurs que la tradition scolaire a considérés comme "des écrivains de première classe", comme des modèles à imiter pour l'élève qui apprenait à écrire en latin. Ces auteurs, ce sont en tout premier lieu Cicéron et César, pour la prose, Virgile et Ovide, pour la poésie. Chez un Tite-Live, déjà, on reconnaîtra des traces post-classiques !...

Enfin, comme il a été dit plus haut, même un auteur classique, selon le genre qu'il pratique, n'écrira pas le même latin. Le latin de la correspondance de Cicéron n'est pas le latin de ses discours. Un simple exemple qui me vient spontanément à l'esprit, et qui concerne le choix des mots : l'importance des hellénismes dans la correspondance, alors que Cicéron dans ses discours évite le plus possible ces mots étrangers. Pour autant, la correspondance de Cicéron relève aussi d'un latin littéraire, mais d'un autre genre.
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