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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 1:21 |
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Je crois bien que si.
En consultant le vieux dico d'Olinger (chez Lexilogos), bien que, côté flamand, la page des meis… soit mal photographiée, on trouve, côté français, une distinction claire entre fillette « meisjen » et servante « meisken ».
C'est bien, semble-t-il, le sens de l'ancien français meschin qui, selon le TLF, viendrait, par l'italien meschino ou l'espagnol mezquino, de l'arabe miskin « pauvre ».
Le sens français actuel de mesquin, « qui fait preuve d'une parcimonie excessive », dérive probablement d'expressions du genre « c'est [d'un] mesquin » = « c'est le fait d'un valet ». |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 11:15 |
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Le Grand Dictionnaire Larousse d'Ancien français (2007) précise :
meschin
- jeune homme, jeune noble
- jeune
tu es meschins et jones chevaliers (Garin le Loherin, chanson de geste, fin XIIe)
a loi d'ome meschin : comme un jeune homme
- serviteur
meschine
- jeune fille
- femme ou fille de naissance noble
- servante
meschinete
- fillette
- petite servante
meschinage
- domesticité, service domestique
Dernière édition par José le Saturday 08 Dec 07, 12:07; édité 1 fois |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 11:57 |
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Le flamand meisken, comme meisje sont des diminutifs de meid (même origine que l'allemand Mädchen, lui-même aussi un diminutif)
L'emprunt du wallon meskène au flamand meisken peut sembler, a priori, évident.
Mais l'existence du terme méquêne en rouchi semble tout aussi évident pour une origine commune du terme picard et wallon. N'oublions pas que le wallon fait partie de la même famille que le picard.
L'origine commune de ces deux termes, picard et wallon, a été mis en valeur par de nombreux auteurs, dont Emile Littré.
Il serait cependant intéressant d'étudier les influences du flamand sur le wallon, chose que je ne maîtrise pas. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 12:56 |
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Xavier a écrit: | Le flamand meisken, comme meisjen sont des diminutifs de meid … |
Cette affirmation est peut-être osée. Je ne me prononcerai pas sur l'évolution phonétique mais le fait que le flamand possède les deux termes me conduit à examiner les isoglosses sémantiques :
- jeune fille :
fl. meisjen, all. Mädchen, angl. maiden
-servante :
fl. meisken, wall. meskène, rouchi méquêne, vx-fr. meschine
Il me semble que, de cet examen, on ne saurait exclure que le flamand meisken soit, au moins dans son emploi, un emprunt au wallon … |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 13:34 |
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Je ne suis pas un spécialiste du néerlandais, mais l'origine commune de ces deux diminutifs semble être admise
voir [url=http://books.google.fr/books'id=ahAJAAAAQAAJ&printsec=titlepage#PPA384,M1]Lambert ten Kate[/url]
Meis-ken est formé comme Mäd-chen : le même diminutif
J'aimerais bien connaître la différence entre -je et -ken dans la formation du diminutif. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 13:46 |
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Xavier a écrit: | J'aimerais bien connaître la différence entre -je et -ken dans la formation du diminutif. |
Quelques éléments de réponse sur cet excellent site . |
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felyrops
Inscrit le: 04 May 2007 Messages: 1143 Lieu: Sint-Niklaas (Belgique)
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 14:26 |
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En effet, sujet interessant. Les influences interculturelles flamand-wallon-picard datent de l'époque de Charlemagne.
"Les 'margraves' (du flamand Markgraaf = comtes de la Marche) étaient les gouverneurs impériaux dans les districts de frontière. Le margrave dépendait immédiatement de l'empereur, et non pas du duc du territoire dont le margraviat faisait partie. Au XIIe siècle la dignité des margraves devint héréditaire" (cité d'Eug. De Seyn).
Le mariage de Baudouin V de Hainaut avec Marguerite, fille de Thierry d'Alsace (+ 1168), comte de Flandre, réunissait ces deux comtés pour une longue période. Philippe d'Alsace y réunit encore la Picardie et le Vermandois.
Il est évident que dans cette union de diverses langues et cultures il y a eu des échanges, ça mérite une étude approfondie. |
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 15:05 |
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Meisje et Mädchen sont des diminutifs de Magd. La forme -eit- en lieu et place de -agt- (-agd-) est très répendue en moyen-haut allemand et en moyen-bas-allemand néerlandais. On le retrouve d'ailleurs encore en suisse allemand (gesagt => gseit). Le néerlandais meisje vient de magdeken > meitken > meisje. En fait, le -je, -tje, -sje sont des -ken palatalisés. La répartition géographique de ces diverses formes dans les dialectes traditionnels est assez compliquée et la vie moderne a un peu bousculé les choses. Le -ie est une version nord-hollandaise de -je, elle est depuis toujours la forme principale des diminutifs du parler d'Amsterdam. Mais bon, des vrais Amsterdammer, y'en a plus beaucoup, la propagation de cette forme est certainement due à d'autres facteurs. |
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felyrops
Inscrit le: 04 May 2007 Messages: 1143 Lieu: Sint-Niklaas (Belgique)
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 16:37 |
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Tout à fait d'accord, ElieDeLeuze, j'ai fouillé vers le sud, Picardie, Vermandois, mais il est évident que vers le nord, Zélande, Brabant, et plus haut, la Flandre avait des liens non négligeables, surtout sous les Bourguignons et les Bavaroises. Une grande famille, quoi!
Et même s'il n'y avait pas encore le gsm, on se communiquait très, très bien! |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 17:34 |
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Xavier a écrit: | … l'origine commune de ces deux diminutifs semble être admise … |
Passons sur le fait que ce qui est admis n'est pas toujours vrai puisque je n'ai pas mis en cause l'étymologie mais l'emploi.
Admettons que les Flamands aient formé deux diminutifs, meisjen et meisken, pour « jeune fille », ça n'est pas le problème.
Mais considères-tu vraiment comme une pure coïncidence que ce soit le second (pas le premier) qui ait dérivé vers le sens de « servante » (glissement banal attesté dans d'autres langues, angl. maid, fr. fille) et que c'était justement le sens de meskène chez leurs voisins ?
Maintenant, ce que j'en dis … |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 21:11 |
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Il n'y a pas seulement la distinction jeune fille / servante, il y a aussi le fait que ce terme est employé au féminin (jeune fille) et non au masculin.
C'est une énigme : la proximité des deux termes est troublante.
Ce que je trouve aussi étrange, c'est la présence du s en wallon alors qu'il n'existe pas dans le terme picard.
Je n'exclue pas un passage du flamand au wallon et au picard. |
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Maisse Arsouye
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 2037 Lieu: Djiblou, Waloneye
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écrit le Saturday 08 Dec 07, 21:49 |
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La conservation du "s" est tout à fait logique. Le wallon est la langue d'oïl qui garde le plus les "s" : baston, tchestea, fiesse, tiesse,... De même le "ène" au lieu du "ine". Ca correspond à la phonologie wallonne.
Pour le "k", c'est moins clair. Il y a des "ch" français et des "k" picards" qui donnent des "tch" chez nous : chien, kin, tchén. Mais il y a aussi des "ch" français qui deviennent "k" ici : charger, kerdjî.
C'est même pire que ça : les groupes "sk" sont fréquents dans l'ouest (côté picard, donc) qui deviennent "ch" à Namur puis "H" à Liège : diskinde, dichinde, diHinde pour descendre.
J'avoue que je ne sais pas trop quoi en penser. Si Outis peut débrouiller ça avec plus d'infos, qu'il me demande comment se dit tel ou tel mot ici. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 27 Sep 10, 9:11 |
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Je déterre ce sujet car il y a quelques petites choses que j'aimerais dire :
1. Je n'arrive pas très bien à suivre les aller-retours entre l'hypothèse orientale et la néerlandaise. Je crois qu'il serait utile de faire la part des choses, peut-être de créer un autre fil, car s'il y a un consensus sur l'origine orientale de mesquin, il n'est pas inintéressant de conserver quelque part ce qui se dit ici de la jeune servante flamande.
2. Je voudrais faire le point sur la racine S-K-N سكن en arabe. En fait, il y a au moins trois racines S-K-N "homoconsonantiques"
- SaKaNa, nom d'action SuKUN : "s'apaiser, se calmer". La seule forme participiale de ce verbe est la forme SAKiN : "calme".
- SaKaNa, nom d'action SaKN ou SuKNA : "habiter, séjourner, demeurer". Le participe présent SAKiN (homonyme du précédent) signifie tout naturellement "habitant", et le participe passé MaSKUN, "habité".
- SaKuNa, nom d'action SuKUNa : "être pauvre, misérable", dont le seul dérivé est la forme participiale (rare) MiSKIN, "pauvre, misérable".
L'Arabic Etymological Dictionary considère pour sa part les deux premiers verbes comme issus de la même racine sémitique Sh-K-N :
Citation: | sakana : be quiet; dwell, stay put [Sem sh-k-n, Akk shakanu (put), mashkanu (place), Heb shakhan (settle), mishkan (residence), Syr shekan (settle), JNA skn, Hrs sekon (stay, dwell), Uga shkn (settle), mshkn (residence)] Swa sakini borrowed from Ar |
Peut-être a-t-il raison. Mais, et c'est ce qui nous intéresse, il fait une place à part à MiSKIN dont - sans mentionner la forme verbale SaKuNa - il dit
Citation: | miskin : wretched [Sem sh-k-n, Akk mushkenu, Heb missken, Syr meskina, JNA miskena, Amh meskin] Ful miskin, Hau miskini, Hin miskin, Ind miskin, Per meskin, Swa maskini, Tat mesken, Tur miskin borrowed from Ar |
La racine, on le voit, est encore une racine sémitique Sh-K-N, mais ce ne doit pas être la même car l'auteur n'aurait pas manqué de faire le rattachement. Il est aussi possible qu'il ait manqué d'audace, car l'hypothèse de Dubsar est tout à fait plausible.
Dernière édition par Papou JC le Tuesday 31 Jan 12, 11:41; édité 1 fois |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1887 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Monday 27 Sep 10, 18:03 |
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Xavier et d'autres l'ont dit: meisje et meisken coexistent en Flandre, je précise, toujours avec le sens de jeune fille, et non de servante. Ils sont synonymes, la différence étant que meisje (et tout diminutif en -je) est considéré comme flamand correct et meisken (dimin. en -ke) comme patois. Par contre, le wallon mèskène (archaïque) signifie uniquement "servante". Ceci dit sans me prononcer sur l'étymologie arabe ou flamande de mesquin.
Plus généralement, le wallon connaît le diminutif -ke (transformé en -èkè) dans un sens de dérision. Ainsi, la pièce de Molière "Le malade imaginaire" est-elle traduite en wallon par "Le maladèkè", le faux malade.
Dernière édition par dawance le Tuesday 28 Sep 10, 9:20; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 27 Sep 10, 18:51 |
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Revenons donc à l'article du TLF dont Outis parle plus haut sans le citer. Je le cite en l'allégeant de ses références :
Citation: | 1. 1604 au fig. «qui manque de grandeur» ; 2. 1645 «chiche, ladre». Empr. − soit à l'ital. meschino, att. aux sens 1 et 2 dep. le xiiie s., proprement «pauvre, chétif» (début xive s., Intelligenza, ibid.) − soit à l'esp. mezquino, att. au sens 2 dep. 1526, proprement «pauvre, indigent», tous deux empr. à l'ar. miskin «pauvre» (à l'orig. de l'a. prov. mesquin «id.», a. fr. meschin «jeune homme, serviteur»). |
Je crois que le TLF se trompe : comme le montre bien le sémantisme, l'ancien français meschin est à mon avis issu du flamand ou du wallon. Il n'y a qu'une coïncidence homophonique entre ce mot du nord et l'ancien provençal mesquin, qui est lui d'origine arabe, via l'espagnol ou l'italien.
Dernière édition par Papou JC le Monday 06 Feb 12, 16:01; édité 1 fois |
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