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jacklouis
Inscrit le: 26 Dec 2006 Messages: 259 Lieu: Québec (canada)
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écrit le Monday 11 Feb 08, 15:24 |
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Bravo et merci outis...
C'est vraiment le point final, je crois. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Monday 11 Feb 08, 16:41 |
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Une influence de "itineror", à travers du bas latin "itinerare", est possible, mais...
"Errare" est plus specifique que "itineror": le premier verbe indique "aller sur un chemin incertain, prendre une voie erronée", par contre, "itineror" est le fait de "aller sur un chemin bien marché" (iter).
"Iterare" est plutôt "faire le même itineraire"
Je n'ai pas de convictions absolues.
On pourrait dire que "edrer/esrer" soit venu d'une forme germanique, avec une tentative de justification latine.
Outis a ecrti:
Citation: | Dans la basse latinité des dérivés ont été créés, les uns sur les cas obliques, itineror « voyager » (= grec hodoiporéō), itinerārium « itinéraire », un autre sur le nominatif-accusatif, iterāre « faire son chemin ». |
Et bien..."iterare" existait déjà dans la latinité classique, mais avec le sens de "passer deux fois sur un mème sillon"/"refaire le même chemin/repeter/renouveler" |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Monday 11 Feb 08, 18:09 |
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Attention à ne pas confondre mots et époques.
Le iterāre attesté à basse époque au sens de iter facere et dont serait issu l'ancien français edrer/errer n'a rien à voir avec le iterāre de Cicéron « répéter > labourer une seconde fois » > esp. edrar !
(et, en français, par dérivation savante, réitérer, itérer)
Ce dernier est issu de l'adverbe iterum « pour la deuxième fois », ancien comparatif neutre du pronom is que l'on retrouve dans le sanskrit itara- « autre ». |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Monday 11 Feb 08, 22:48 |
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N'est pas un peu drôle de penser que vôtre "errant" (chevalier errant) soit derivé d'une forme "iterante"
e l' "errante" italien (acavliere errante) d'une forme "errante"?
Je penserais à un croisement. |
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dubsar
Inscrit le: 07 May 2007 Messages: 448 Lieu: Altkirch (F68)
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écrit le Monday 11 Feb 08, 22:59 |
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C'est bien d'apprendre que le chevalier et le juif savent où ils vont et ne divaguent pas.
Cependant ces deux mots sont tellement semblables que la confusion-fusion doit être ancienne : idée là dessus ? |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Monday 11 Feb 08, 23:07 |
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Encore une chose.
En italien existe le mot "aria" dans la locution "aver l'aria" = ressembler.
"Ha l'aria dello scienziato/dell'imbecille".
C'est clair que celle "aria" soit une chose differente de la normale "aria" = "air"....c'est plutôt "l'allure", le comportement, l'aspect...
En français aussi...
Citation: | 1re moitié du XIIe s. « voie, chemin » (Psautier de Cambridge, éd. F. Michel, p. 2 [Ps. 1, 7] : l'eire des feluns) |
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Zwielicht
Inscrit le: 30 Jan 2007 Messages: 1227 Lieu: la rencontre des eaux
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écrit le Monday 11 Feb 08, 23:31 |
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D'où le avoir l'air français; ressembler (aver l'aria). (message de giòrss)
Pour en revenir à erre, c'est vrai qu'il est très vivant au Québec. L'exemple de la balancine* par exemple:
se donner de l'erre pour monter plus haut dans les airs .
On dit (se) prendre de l'erre assez souvent:
j'me prends de l'erre pour monter la côte
Je le mentionne car Larousse ne donne pas cette forme explicite (se prendre de l'..), qui est loin d'être désuète ici.
Cette erre est donc une sorte de quantité de mouvement.
*balançoire dans une cour d'école |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Tuesday 12 Feb 08, 11:26 |
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Les remarques de giòrss sur l'italien aria m'ont conduit à en regarder les aspects romans. Voici une traduction de l'article ària du Vocabolario Etimologico della Lingua Italiana de Ottorino Pianigiani :
Citation: | ària roum. aer: prov. aer-s, aire; fr. air; esp. aire; port. ar.
De ÀERE par l'intermédiaire d'un adjectif supposé AÈREA, ou du gréco-latin AÈREA accusatif de ÀER « air ».
Synonyme de « aere » qui est le fluide subtil qui nous entoure et que nous respirons. Signifie aussi « aspect, attitude, contenance de visage » et ceci par un sens dérivé de souffle, émanation, expression de l'esprit et aussi par une métaphore prise à l'atmosphère où l'air est tantôt clair, tantôt obscur (d'autres en tiennent pour l'allemand Art « manière, façon »).
Le provençal dit « aer » pour aere et « aire » pour aria dans le sens de « aspect ». |
Dans l'article air³ (sens musical) du TLFi — et non dans air² (sens d'aspect) !— on trouve un avis plus complexe :
Citation: | Calqué sur l'ital. aria³ « mélodie qui accompagne les paroles d'une composition en vers, qui peut être chantée et sur laquelle on peut danser » (attesté dep. 1555-1557, Varchi, V, 51 ds BATT. t. 1 1961) dérivé de l'ital. aria² « aspect, expression » (attesté dep. Pétrarque 1304-1374) emprunté lui-même à l'a. fr. aire au sens « espèce, sorte », refait sur l'ital. aria¹ « air¹ », lui-même du lat. aer « air » sous la forme de l'acc. grec āera (d'après DEI, s.v. aria² et aria³). |
Si je suis la piste de l'ancien français aire, mon petit dictionnaire (Grandsaignes) me propose :
Citation: | aire² n.f. (XIe-XVe s.) 1° Origine, race.
2° Manière d'être, disposition de l'âme : Malvais home de put aire. (XIe s., Roland)
Etym. Douteuse. Peut venir de agrum « territoire », ou de area « aire ». Pour les sens ce mot a subi l'influence du mot « air ». |
Quant au provençal, Mistral dans le Trésor du félibrige donne pour aire les trois sens du français air dont je n'extrais que ce qui concerne le nôtre :
Citation: | avé bon aire, avoir bon air ; un ome de bon aire, un homme noble, généreux, aimable, en vieux provençal, d'où le français débonnaire ; douna d'aire en quaucun, avoir de l'air de quelqu'un ; de l'aire que lou dis, à l'air dont il le dit |
Ce que j'en pense (avec les réserves d'usage).
- je crois évident qu'il y a eu entre tous ces mots (erre, air, aire, edre, esre, eire, etc.) des contagions multiples, dans chaque langue comme d'une langue à l'autre (et non seulement de sens mais aussi d'orthographe) et qu'il est aujourd'hui pratiquement impossible de les démêler ;
- je ne crois pas trop à la piste de l'allemand Art, mot qui appartient à la grande famille de la racine *h₂er- « ajuster, mettre en ordre, joindre » (skr. ṛta « ordre cosmique », gr. árthron « articulation », lat. rītus « rite », etc.) mais qui est peu productive en germanique ;
- je remarque que dans la plupart des exemples où le français air (comme le provençal aire) a le sens « aspect, manière d'être », ce mot peut être remplacé par « allure », dérivé de « aller », et qu'il en est plus ou moins de même pour le français et le québécois erre. Ceci pourrait être un argument sérieux pour faire remonter, au moins en partie, l'expression « avoir l'air » à un *« avoir l'erre » au sens de « avoir l'allure » et renforcerait sémantiquement l'hypothèse d'une origine iterāre pour erre … |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Tuesday 12 Feb 08, 12:02 |
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En Piemontais:
avé l'aria = avé l'àndi = avoir l'allure/l'aspect |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Tuesday 12 Feb 08, 12:50 |
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Un élément supplémentaire à verser au dossier est un rare mot anglais, eyre, inconnu du Robert & Collins et de etymonline, mais que le site http://www.yourdictionary.com/ nous précise :
Citation: | eyre (er)
noun
a tour or circuit: chiefly in the phrase justices in eyre
a circuit court held by justices in eyre
Etymology: ME & Anglo-Fr eire < OFr erre < errer, to travel: see errant |
en suivant le lien avec errant :
Citation: | er·rant (er′ənt)
adjective
1. roving or wandering, esp. in search of adventure; itinerant a knight-errant
2. a. Etymology: OFr, prp. of errer (see err), confused with errer, to rove, travel erring or straying from what is right or the right course
b. shifting about an errant wind
3. OBSOLETE arrant
Etymology: ME erraunt < OFr errant, prp. of errer < ML iterare, to travel < L iter, a journey: see itinerant |
puis le lien avec err :
Citation: | err (ʉr, er)
intransitive verb
1. to be wrong or mistaken; fall into error
2. to deviate from the established moral code; do wrong
3. OBSOLETE to go astray; wander
Etymology: ME erren < OFr errer < L errare, to wander, go astray, err < IE *eras- > race, Ger irren, to err |
Ce site confirme bien l'existence de deux verbes errer en ancien français et l'application de l'anglais eyre à la tournée d'une cour de justice itinérante élimine complètement toute idée de divagation dans celui qui provient de iterāre et qui conduit au français erre. Comme j'avais fait plus haut les mêmes analyses, je me dispense de traduire.
En revanche, l'allusion à une forme eurindienne *eras- « course, courant » reste pour moi très mystérieuse, tant pour la forme (qui serait plutôt celle d'un neutre sigmatique en germanique commun) que pour le sens, s'il s'agit de proposer une étymologie *h₁r-os- à l'anglais race « course » (< moy.-angl. rās) … |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Tuesday 12 Feb 08, 13:07 |
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Je connaissais pas cette forme latine médievale "iterare"= voyager (tres drôle et barbare).
D'autre part, l' "eyre" anglais ne peut venir que d' "iter", par-ce-que avec la "y" on exprimait la chûte du -te-...alors, je crois que tu aies raison.
Mais, la forme écrite plus moderne du verbe français ("errer"), montre un desire de remonter au latin "errare" (certainement plus classique qu' "iterare").
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je voudrais signaler des autres contaminations.
P.e. le mot anglais "eyre"= "circuit", derivé de "iter", peut-être influencée par un mot "aire" venu de "aira" (mot attesté en plusieurs patois neolatin medievaux), derivé de "area".
J'ai trové en Piemont un microtoponyme "L'Erré", qui designe un lieu plan, hors d'un vieux circuit de murailles d'une petite ville.
On voit aussi plusieurs lieux nomme "Airasca/Erasca/Airali" et microtoponymes comme "Era", qui peuvent deriver de "area". |
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Piroska
Inscrit le: 13 Sep 2005 Messages: 1067 Lieu: Basse-Marche (France)
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écrit le Tuesday 12 Feb 08, 14:01 |
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Moi, ce qui m'intrigue, c'est l'étymologie d'"aire" au sens de "souche", "origine", "extraction".
"de bonne aire", qui a donné "débonnaire" me fait trop penser au grec "ευγένικος" (pron. moderne : "evyénikos" = de bonne naissance) qui veut dire "noble" aujourd'hui et d'où viennent les jolis prénoms Eugène et Eugénie.
(Je ne suis pas du tout pour l'eugénisme par contre !) |
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Zwielicht
Inscrit le: 30 Jan 2007 Messages: 1227 Lieu: la rencontre des eaux
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écrit le Tuesday 12 Feb 08, 14:43 |
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Un signe de la confusion entre avoir l'air et avoir de l'erre au Québec (sans se prononcer sur la nature de cette confusion; si elle émane d'une origine commune des expressions ou d'un mélange populaire), est la tendance que certains de nous avons ( ) à dire avoir d'l'air X.
En plus d'avoir l'air fou (ou autre), on dit parfois avoir d'l'air fou. Cette introduction du partitif (le d') dans le parler quotidien non-soutenu de certaines régions peut facilement s'expliquer par une confusion avec avoir de l'erre, qui demande presque toujours le partitif (rarement la situation demande de dire prends-toi l'erre que ça prend).
Sinon, je me souviens aussi d'un type de la région de Matane qui disait "se prendre des enerres" (ou elères). Je pense qu'il vaut mieux parfois ne pas trop essayer de comprendre. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Tuesday 12 Feb 08, 15:25 |
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Piroska a écrit: | Moi, ce qui m'intrigue, c'est l'étymologie d'"aire" au sens de "souche", "origine", "extraction" |
Je n'avais pas encore rencontré ce sens. Où donc serait-il attesté ? |
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Piroska
Inscrit le: 13 Sep 2005 Messages: 1067 Lieu: Basse-Marche (France)
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écrit le Tuesday 12 Feb 08, 15:40 |
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C'est vous qui l'avez cité, Outis :
Citation: | aire² n.f. (XIe-XVe s.) 1° Origine, race.
2° Manière d'être, disposition de l'âme : Malvais home de put aire. (XIe s., Roland)
Etym. Douteuse. Peut venir de agrum « territoire », ou de area « aire ». Pour les sens ce mot a subi l'influence du mot « air ». |
Je suis persuadée que le terme "de put aire" dans la Chanson de Roland est plutôt du premier sens. C'est le contraire de "de bonne aire". Il existe dans le même texte : "chevaler de bon aire".
Cela se réfère à la naissance. |
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