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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Friday 28 Mar 08, 17:18 |
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À propos du mot du jour pauvre, écrit autrefois povre.
En ce qui concerne l'exemple méditerranéen, sur ce plan, le français méridional est plus pauvre que le français des pays d'oïl.
Le français du nord possède un o ouvert et un o fermé.
Le français du sud ne possède qu'un seul o, et dans ce cas, c'est la voyelle fermée qui disparait.
le français du nord distingue "sotte" et "saute"
le français du sud prononce ces deux termes de la même façon, comme "sotte"
L'italien et l'espagnol ne me semblent pas connaître ce o fermé.
Est-ce lié à l'accent tonique méditerranéen ?
On a la même évolution en grec :
Le grec ancien distinguait le o fermé (omicron, petit o) du o ouvert (oméga, grand o)
En grec moderne, le o fermé a disparu e ces deux lettres se prononcent de la même façon : n o ouvert.
Dernière édition par Xavier le Friday 28 Mar 08, 21:30; édité 1 fois |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Friday 28 Mar 08, 18:18 |
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Le coréen par exemple distingue :
- le o ouvert : 어
- du o fermé : 오
Idem pour l'italien :
- pero (o fermé) : poirier
- però (o ouvert) : mais |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Friday 28 Mar 08, 21:37 |
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Pour l'italien, il s'agit de l'accent tonique, donc cela n'a rien à voir avec le o fermé ou ouvert.
però est un ouvert
Mais pour pero, je ne peux pas voir un o fermé !
C'est un o plutôt muet.
Je pense que le -o fermé en voyelle finale ne peut qu'être accentué (l'accent tonique portant dessus).
sinon on devrait dire "pérô" |
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Sunday 30 Mar 08, 23:16 |
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Xavier a écrit: | En ce qui concerne l'exemple méditerranéen, sur ce plan, le français méridional est plus pauvre que le français des pays d'oïl.
Le français du nord possède un o ouvert et un o fermé.
Le français du sud ne possède qu'un seul o, et dans ce cas, c'est la voyelle fermée qui disparait. |
Pas forcément. Dans le Pas-de-Calais, rose et mauve se prononce avec un o ouvert. Dans le sud, tôt et chaud se prononcent avec un o fermé.
La seule caractéristique typique du sud, langue d'oc, c'est que le o s'ouvre en syllabe fermée et se ferme en syllabe ouverte. Dans le nord, c'est plus compliqué et le domaine picard est différent du reste d'oïl. A noter que le domaine arpitan a trois o, ouvert, fermé et long. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Monday 31 Mar 08, 10:03 |
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Xavier a écrit: | Pour l'italien, il s'agit de l'accent tonique, donc cela n'a rien à voir avec le o fermé ou ouvert.
però est un ouvert
Mais pour pero, je ne peux pas voir un o fermé !
C'est un o plutôt muet. |
Il n'y a pas 36 façons de prononcer un o. En italien du moins, il est prononcé ouvert ou fermé. L'accent tonique final transforme le o devenu ò en o ouvert.
Dans "pero", le o n'est pas muet du tout, il est atténué. En corse, les voyelles finales sont souvent muettes, pas en italien.
On ne peut pas non plus tout ramener à l'accent tonique. Ainsi :
- dans Otranto (ville des Pouilles), l'accent tonique porte sur le o initial, prononcé de manière franche et clairement fermée, un peu comme dans "château".
- il n'est donc pas prononcé du tout comme le o final avec accent tonique, comme dans "però" (o ouvert)
Maintenant, je suis d'accord avec toi que dans "pero", le o final sans accent tonique (fermé pour moi ) est bien plus doux que dans "château" par exemple. |
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Lou caga-blea
Inscrit le: 05 Sep 2006 Messages: 513 Lieu: Nissa
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écrit le Monday 31 Mar 08, 14:04 |
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Il y a quelques confusions, non ?
Pour l'italien, l'exemple de José ne va pas, puisqu'il compare deux phonèmes séparés par 2 traits distinctifs, le degré d'aperture et la prosodie (l'accent) ; or on ne peut mettre en évidence ainsi deux phonèmes (c'est-à-dire deux éléments phoniques minimaux, irréductibles et constitutifs du système phonologique d'une langue), car le trait de prosodie (accentuation) contraint, en italien, la réalisation phonétique d'une voyelle (ainsi ces oppositions sont en général neutralisées en position post-tonique).
Mais José a raison de dire que l'italien [précisons standard] connaît une opposition entre le phonème o ouvert et le phonème o fermé : bòtte "coups" (pl. de bòtta) vs. bótte "tonneau". Cette opposition entre dans un système, comme en français, qui oppose e ouvert à e fermé (pésca "pêche (activité de pêcher)" vs. pèsca "pêche (fruit)"). On fera néanmoins remarquer que 1) l'opposition o ouvert vs. o fermé est peu productive en italien (en français, elle l'est relativement peu aussi) ; 2) nombre de parlers italiens l'ignorent (en particulier dans le sud).
Pour l'occitan et le français sur substrat occitan : la neutralisation de l'opposition entre les deux o du français, s'explique par la nature du système vocalique de l'occitan, déséquilibré par rapport au français ; le o fermé de l'ancien occitan (hérité, comme pour les autres langues romanes, du système phonologique du latin tardif) se ferme en /u/ : trobador prononcé /trobador/ au Moyen Age avec des o très fermés passe à /trubadur/, mais ò ouvert se maintient sous l'accent ròsa /roza/ (et uniquement sous l'accent) – c'est ce qui explique que la graphie dite classique utilise la lettre o pour noter /u/ et ò pour noter /o/). Mais ce point ne suffirait pas à expliquer la "déformation" du français dans les terres à substrat occitan, où rose est mal prononcé par rapport aux canons standard, tandis que rôt l'est parfaitement. Il faut faire intervenir l'accent : en occitan un ò ouvert n'existe que sous l'accent et se mue en /u/ dès qu'il n'est plus sous l'accent : pròvi /'provi/ "je prouve, j'essaie" vs. provam /pru'van/ "nous prouvons/essayons". D'où l'impossibilité d'associer o fermé et syllabe accentuée dans le français de ces régions. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Monday 31 Mar 08, 16:11 |
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La remarque de Lou caga-blea est pertinente : c'est intéressant de replacer dans ce contexte avec cette évolution en /u/.
Cependant, il faudrait aussi le comparer avec le français, car le français connait aussi cette même évolution
ancien français : dolor > douleur mais douloureux (et non douleureux)
ancien provençal dolor > doulour et doulourous
Mais sommes-nous sûrs que le o de l'occitan ancien était fermé ?
Est-ce que l'origine n'est pas ailleurs, dans l'opposition voyelle brève/longue du latin ?
par exemple, rŏsa (latin) était bref
L'occitan a peut-être conservé le son o quand le latin était bref et dans le cas où l'accent tonique porte sur le o
Mais ce n'est qu'une hypothèse qu'il faudrait vérifier.
exemple :
latin : pŏpŭlus > peuple
en provençal : pople et poupulàri
latin prŏba > preuve, prouver en français
on a provo (nom) et prouva (verbe) en provençal |
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András Animateur
Inscrit le: 20 Nov 2006 Messages: 1487 Lieu: Timişoara, Roumanie
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écrit le Monday 31 Mar 08, 17:10 |
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ElieDeLeuze a écrit: | le domaine arpitan a trois o, ouvert, fermé et long. |
Je ne m'y connais pas en arpitan, mais je me demande si on peut opposer aperture et quantité. Le o long aussi doit avoir un certain degré d'aperture. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Monday 31 Mar 08, 23:54 |
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En Piémont se dit "popoul", mais "poupoular".
doulour
reusa
"preuva", mais "prouvé" |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Tuesday 01 Apr 08, 8:55 |
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LouCB a écrit: | Pour l'italien, l'exemple de José ne va pas, puisqu'il compare deux phonèmes séparés par 2 traits distinctifs, le degré d'aperture et la prosodie (l'accent) ; or on ne peut mettre en évidence ainsi deux phonèmes (c'est-à-dire deux éléments phoniques minimaux, irréductibles et constitutifs du système phonologique d'une langue), car le trait de prosodie (accentuation) contraint, en italien, la réalisation phonétique d'une voyelle (ainsi ces oppositions sont en général neutralisées en position post-tonique). |
Je n'ai pas compris ce qui n'allait pas dans mon exemple. En fait, je n'ai pas bien compris ton paragraphe, très "linguistique universitaire" (rien de péjoratif), donc peu accessible à l'amateur que je suis.
Dans mes exemples (pero/però et Otranto), j'ai volontairement pris les différents o que l'on trouve en italien. Si on parle du o, il ne faut en exclure aucun. Et j'ai volontairement abordé la question du o ouvert et fermé ET de l'accent tonique.
Je n'avais jamais fait de distinction à propos de la prononciation de pesca, grazie LouCiBi . |
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Nikura
Inscrit le: 08 Nov 2005 Messages: 2035 Lieu: Barcino / Brigantio
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écrit le Tuesday 01 Apr 08, 9:18 |
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En français méridional aussi il existe deux /o/.
pot / rose > dans ce cas le français du nord ne fait pas de différence.
Donc le français méridional n'est pas plus pauvre.
En catalan, la distinction o ouvert/fermé existe aussi (tout comme la distinction é / è). Elle pose d'ailleurs problèmes aux hispanophones qui ont des difficultés à distinguer la différence entre les deux /o/.
Dernière édition par Nikura le Tuesday 01 Apr 08, 15:09; édité 1 fois |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Tuesday 01 Apr 08, 11:11 |
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José, je te l'explique tout simplement:
en Italie, on fait la difference entre l'accent obbligatoire (qu'il faut toujours mettre quand tu écris) et l'accent facultatif (qu'il faut mettre seulement pour souligner l'ouverture de la voyelle).
Alors, tu ne peut pas mettre ensemble "pero" et "però" (la "ò" de però est obligatoire). |
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Lou caga-blea
Inscrit le: 05 Sep 2006 Messages: 513 Lieu: Nissa
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écrit le Tuesday 01 Apr 08, 20:08 |
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Pour comparer les 2 /o/ il faut qu'ils soient dans des contextes semblables : dans però le /o/ a, outre sont trait d'aperture (en l'occurrence "ouvert") un trait prosodique ("accent") que n'a pas le /o/ de pero. Du coup ça fausse le problème.
Pour répondre à Xavier :
Ton intuition est juste : un traitement différent a été réservé aux voyelles selon qu'elles étaient longues ou brèves. En fait, il faut remonter au latin postclassique où la distinction de longueur vocalique disparaît, ce qui modifie profondément le système vocalique du latin. On passe en effet d'un système à 10 voyelles à un systèmes à 7 voyelles où seul le lieu d'articulation (le timbre) et le degré d'aperture comptent :
lat. class. : ī ĭ ē ĕ ā ă ŏ ō ŭ ū
lat. tard. : i e ɛ a o̹ o̩ u
(i. e. i long donne /i/ ; i bref et e long se confondent en e fermé ; e bref donne e ouvert ; a long et bref se confondent en a ; o bref donne o ouvert ; o long et u bref donnent o fermé ; u long donne /u/).
C'est ce système dont hérite le roman, et sur cette même base, les langues romanes vont évoluer différemment ; mais intervient d'autres facteurs, en particulier, comme il a été remarqué, le caractère entravé ou non de la syllabe.
Pour o fermé du roman (en syllabe accentuée, et non entravée, i.e. dans une syllabe terminée par une voyelle), hérité de lat. ō et ŭ, aboutit à français -eu- à travers un stade en -ou- ; l'occ. s'est arrêté à ce stade -ou- /u/ (mais pas à l'époque médiévale où l'on avait bien le o fermé conservé en italien et esp.)
honōrem > fr. honneur vs. oc. onor /u'nur/ vs. it. onore /o'nore/ (avec o fermé)
gŭla(m) > fr. gueule vs. oc. gola /'gula/ vs. it., esp. gola
Le fr. goulet s'explique par le déplacement de l'accent (cf. jeu prouver / preuve).
Le problème du o ouvert du roman, issu de lat. class. ŏ est que sous l'accent en syll. non entravée, est intervenue ce qu'on appelle la "diphtongaison romane", i.e. o > afr. ue (fr. mod. > -eu-), ital. uo, esp. ue ; seuls le port., l'occ. et le cat. ne la connaissent pas :
novu(m) > afr. nuef (> fr. mod. neuf), it. nuovo, esp. nuevo vs. port. novo, oc., cat. nòu. En revanche, il se maintient bien en syllabe fermée (cf. fr. port, it. porto, oc. pòrt…) |
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yves
Inscrit le: 07 Aug 2007 Messages: 397 Lieu: Nevers
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écrit le Tuesday 01 Apr 08, 23:00 |
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Pour compléter ce qui est dit, la vision d'un modeste amateur de langues : étudier d'autres langues romanes permet parfois de comprendre des bizarreries phonétiques du français (comme celles citées, avec "preuve" et "prouver" par exemple). |
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Nikura
Inscrit le: 08 Nov 2005 Messages: 2035 Lieu: Barcino / Brigantio
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écrit le Wednesday 02 Apr 08, 8:44 |
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Lou caga-blea a écrit: | ...seuls le port., l'occ. et le cat. ne la connaissent pas :
novu(m) > afr. nuef (> fr. mod. neuf), it. nuovo, esp. nuevo vs. port. novo, oc., cat. nòu. En revanche, il se maintient bien en syllabe fermée (cf. fr. port, it. porto, oc. pòrt…) |
pòrt > ici moi je prononce avec diphtongue: [pwar(t)] ou [pwor(t)]
Dans ma variété d'occitan le ò est diphtongué en /wa/ ou /wo/. |
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