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Les Arabes et l'arabe - Forum arabe, berbère, hébreu - Forum Babel
Les Arabes et l'arabe
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José
Animateur


Inscrit le: 16 Oct 2006
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Lieu: Lyon

Messageécrit le Monday 16 Jul 07, 17:09 Répondre en citant ce message   

@ Luc et Abdu : Si votre débat (très intéressant) sur le maltais doit se prolonger, il vaut mieux le faire sur le fil qui existe déjà à ce sujet, ceci afin de ne pas faire de ce fil-ci un fourre-tout. Merci.
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Adel514



Inscrit le: 11 Jun 2010
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Messageécrit le Friday 11 Jun 10, 22:37 Répondre en citant ce message   

Je n'ai rien d'un spécialiste des langues mais ne peux m'empêcher de sourire chaque fois que je tombe sur l'argumentation qui consiste à dire que l'arabe dialectal maghrébin est de l'arabe littéraire (ou standard ou encore scolaire). Avec ce type de raisonnement, on peut aboutir à la conclusion que le latin, le français, l'italien, l'espagnol et le portugais constituent une seule et même langue.

Il est clair que cet arabe dialectal est en grande partie issu de l'arabe littéraire, mais il a subi des transformations importantes qui en ont fait une langue différente. Écrivez une rédaction en arabe dialectal et remettez la à votre professeur d'arabe. Vous verrez la note que vous obtiendrez.

Le problème de tous les Arabes, et des Maghrébins en particulier, aujourd'hui, est que personne ne parle la langue arabe enseignée dans les écoles. Cela crée une sorte de schizophrénie collective. La solution à ce problème n'est certes pas facile mais elle réside sans aucun doute dans l'intégration des tournures et du lexique du dialectal dans la langue standard enseignée. On obtiendrait ainsi une langue (des langues) à mis chemin entre les deux. La langue standard ne permet pas aujourd'hui d'exprimer le vécu du Maghrébin. Quiconque l'utiliserait dans la rue ou à la maison passerait pour un snob qui veut faire l'intéressant.

On pourrait enseigner en parallèle l'arabe littéraire en tant que langue classique, mais les médias, par exemple, devraient encourager l'intégration du dialectal, même à l'écrit. C'est à cette seule condition que les Maghrébins pourraient retrouver un équilibre et que la création littéraire pourrait faire un bond qualitatif en intégrant le vécu et en se mettant à la portée du plus grand nombre.

Quant à l'argument de l'isolement, il ne me paraît pas peser lourd. L'Italie est-elle isolée? Israël est-il isolé? Les Maghrébins (Maroc, Algérie, Tunisie) sont plus de 80 millions aujourd'hui. S'ils commençaient par créer deux académies, une pour la langue arabe maghrébine et une autre pour le tamazight, et qu'ils unissaient leurs efforts, les résultats ne se feraient pas attendre. Hélas, ils préfèrent s'accrocher au mythe de la Nation Arabe parlant une seule langue de l'Atlantique au Golfe. Le problème est certes politique, mais il me semble que les programmes des chaînes de télévision maghrébines devraient s'adresser aux populations locales dans les langues qu'elles comprennent et non pas s'adresser à l'élite des pays arabes.

Si nous revenons à l'histoire, il est clair que le Maghreb se distingue du reste des pays arabes par le fait qu'il est le domaine amazigh. Il s'est aussi très tôt détaché politiquement du Moyen-Orient. La proximité de l'Europe et les échanges qui eurent lieu avec l'Espagne, la France et l'Italie (dans les deux sens) lui ont également donné des traits particuliers.

Exemples de phrases en arabe dialectal algérien:

wouach râk eddir? (Qu'est-ce que tu fais?) En arabe standard on dirait mâdhâ taf'3al?

râni rayah ellemsîd (Je m'en vais à l'école) = innî dhâhiboun ilâ lmadrassati

barka messmâTa (Arrête tes âneries) = kafâ mina lghbâ'

Veuillez noter qu'il n'y a aucun mot d'origine française dans ces phrases.

P.S. Une petite rectification : Ibn Khaldoun est né à Tunis (et non Biskra), il a écrit sa célèbre Muqaddima près de Tiaret (Algérie) et il est mort au Caire.
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Xavier
Animateur


Inscrit le: 10 Nov 2004
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Messageécrit le Friday 11 Jun 10, 23:43 Répondre en citant ce message   

Quel est l'arabe parlé ou écrit dans les médias ? Est-ce l'arabe littéraire ou bien dialectal ?

Et l'arabe du Coran est-il compris / bien compris / peu compris ?
Et existe-t-il une traduction du Coran en arabe dialectal ?
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Adel514



Inscrit le: 11 Jun 2010
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Messageécrit le Saturday 12 Jun 10, 22:02 Répondre en citant ce message   

@Xavier


1- Dans tous les pays arabes, les journaux utilisent soit l'arabe standard (littéraire), soit la langue de l'ancien colonisateur (français, anglais, etc.) Les chaînes de télévision, quant à elles, présentent un tableau plutôt cocasse. Imaginez que dans les pays dont la langue officielle est issue du latin (France, Italie, Espagne, Portugal) - et qui se proclameraient Nation Latine - les personnages des séries télévisées s'exprimeraient dans la langue du pays (Français, etc.) et les journaux télévisés et les documentaires utiliseraient le latin. Bien entendu, les écoles, lycées et universités dispenseraient leur enseignement en latin, alors que la population s'exprimerait, dans la rue, au marché et à la maison, dans la langue du pays. C'est cette situation que vivent les pays arabes. La chaîne arabe la plus représentative de cette situation est Al-Djazira.

Ceux qui poursuivent cette politique absurde pensent, qu'avec le temps, tous les Arabes finiront par parler l'arabe standard enseigné à l'école. La réalité montre, malheureusement, qu'après plus de 50 ans, les populations continuent d'être attachées à leurs langues nationales (qu'elles soient issues de l'arabe littéraire ou de langues berbères, kurdes, etc.)

Je vais vous raconter une petite anecdote. Il y a quelques années, mon fils, après avoir passé la première année primaire dans une école publique algérienne, entra en deuxième année dans une école française à l'étranger (déplacement exigé par mon travail). Après la première année (à l'école algérienne), il parlait couramment l'arabe algérien (que nous parlons à la maison) et ne connaissait pas un mot de français. Il ne parlait pas, non plus, l'arabe standard enseigné à l'école. En deuxième année (école française), après seulement 2 mois, il parlait couramment le français, sans aucun accent. Sa sœur, après 5 années à l'école algérienne ne parlait pas l'arabe standard non plus. L'explication est très simple: les enfants qui étudient en arabe standard dans les écoles publiques en Algérie (et dans tout le Maghreb) oublient complètement cette langue, une fois hors de la classe. Dans la cour de récréation, tout le monde, y compris les maîtres d'école, parle l'arabe dialectal du pays. Jusqu'à présent, le dialectal reste la langue la plus utilisée au Maghreb, y compris par les lettrés. Le refus de faire évoluer l'arabe scolaire, en y intégrant du dialectal, ne me semble pas être la meilleure solution.

Cet arabe dialectal est méprisé par les intellectuels arabisants. Pour eux, ce n'est pas une langue, c'est un charabia, une dégénérescence de l'arabe classique. Il vouent le même mépris aux langues amazighes (kabyle, chaoui, mozabite, targui, chenoui, chelhi, etc.)

2- La langue du Coran est proche de l'arabe littéraire moderne, mais il y a cependant beaucoup de passages difficiles à comprendre, même pour ceux qui maîtrisent l'arabe standard, car de nombreux termes ont disparu de l'usage (nous parlons ici de la langue des lettrés et non du dialectal). Il en va de même pour la poésie anté-islamique. Il y a de nombreux livres qui commentent et expliquent le Coran pour le mettre à la portée du plus grand nombre. Je n'ai personnellement jamais vu une traduction du Coran en arabe dialectal, ni en tamazight. Il faut dire que, jusqu'à présent, ces langues n'étaient pas écrites.

La plupart des adversaires de l'arabe dialectal et de tamazight mettent en avant le lien qui existe entre la connaissance de l'arabe classique et la propagation (le maintien) de l'islam, car la lecture du Coran n'est possible que dans cette langue (ce qui n'est pas le cas de la Bible). Ils oublient, cependant, que les Arabes ne constituent plus que 20% des Musulmans aujourd'hui. Faudra-t-il imposer l'arabe comme langue officielle en Turquie, en Iran, au Pakistan, en Indonésie et dans tous les pays musulmans non arabes?

Ne serait-il pas plus logique d'écrire le dialectal (en utilisant le même alphabet arabe) et de l'enrichir progressivement en encourageant les médias et les créateurs à généraliser son utilisation, en parallèle avec l'arabe scolaire.

Pourquoi dire akalnâ (nous avons mangé) au lieu de klîna, Hidhâ'î au lieu de sebbâTî? N'est-ce pas ainsi que les Maghrébins parlent et se comprennent parfaitement?
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Xavier
Animateur


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Messageécrit le Saturday 12 Jun 10, 23:07 Répondre en citant ce message   

Très intéressant !

Est-ce que l'on peut oser une comparaison avec la France du XIXe siècle ? Une langue française que l'on enseigne dans tout le pays, et le patois qui reste encore parlé à la maison ?
En France, certains affirment que c'est l'école qui a tué le patois. Ce qui n'est pas évident et la situation de l'arabe peut nous aider à mieux comprendre ce qui s'est passé en France. En effet, pourquoi l'école aurait réussi en France et pas dans les pays du Maghreb ?
On peut aussi s'imaginer que le pouvoir politique a pu prendre comme exemple l'école de France.

Cependant, si les informations télévisées utilisent l'arabe standard, il doit quand même être bien compris par la population ?
Ou bien, il ne s'informent pas ?

Sinon, quelle est la langue la plus utilisée entre l'arabe standard et le français ?
D'après ce que tu écris, j'ai l'impression qu'il y a un blocage, voire un rejet, avec l'arabe standard. Comme si, tout compte fait, on préfère le français à l'arabe standard. Et bien sûr, un désir de défendre l'arabe dialectal, la "véritable langue maternelle".

Et peut-on dire que les Arabes sont en majorité bilingues ? standard-dialectal, voire trilingue avec le français ?
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Papou JC



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Messageécrit le Sunday 13 Jun 10, 5:22 Répondre en citant ce message   

Il y a une différence de taille entre le français du XIXe siècle et l'arabe standard : cette dernière langue n'a jamais été - et j'oserai dire, ne sera jamais - une langue maternelle. Nulle part dans le moindre recoin du monde arabe on parle aux bébés dans cette langue. Alors que le français a tout de même été la langue maternelle de beaucoup de Français, au moins dans l'aristocratie et la bourgeoisie, des siècles passés.

Un deuxième point : comprendre une langue, c'est une chose, et la parler une autre. Donc oui, on comprend les infos en arabe standard, mais ce n'est pas pour autant qu'on va se mettre ensuite à parler comme un livre, voire comme Le Livre. Et les journalistes qui dispensent les infos dans cette langue lisent des infos qui ont été écrites, rédigées (comme partout, d'ailleurs), ils ne les improvisent pas.

La langue la plus utilisée ? Forcément le français, pour la raison que j'ai donnée plus haut. Le français est une langue parlée vivante parce que vécue tôt dans les oreilles et la bouche des enfants francophones. Alors qu'une langue de type espérantiste comme peut l'être l'arabe standard (langue "écrite" qu'on voudrait rendre "parlée") sonne comme morte et artificielle en comparaison avec le français. Elle ne fait pas le poids. Sans parler de l'effort scolaire considérable que représente son apprentissage. En fait, dans les pays arabophones, la première langue étrangère apprise à l'école, c'est l'arabe ! C'est un comble !

Bilingues ? trilingues ? L'arabe standard, on le voit, ne joue pas dans la même cour que les autres (dialectal, berbère et français). Il faut l'exclure du décompte. J'appellerai trilingue celui qui maîtrisera trois langues parlées, non deux parlées et une écrite.
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Luc de Provence



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Messageécrit le Sunday 13 Jun 10, 9:10 Répondre en citant ce message   

A titre documentaire je cite la Constitution de 1979 de la République Islamique d'Iran :


Seizième Principe
Dès lors que la langue du Coran et des sciences et connaissances islamiques est l’arabe, et que la littérature persane en est complètement imprégnée, cette langue doit être enseignée après le cycle primaire jusqu’à la fin du cycle secondaire dans toutes les classes et dans toutes les branches de l’enseignement.
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Papou JC



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Messageécrit le Sunday 13 Jun 10, 9:32 Répondre en citant ce message   

Dans les pays musulmans non arabophones, les choses sont beaucoup plus claires : l'arabe y est une langue religieuse, point final. Il y a d'abord et surtout une langue maternelle qui a le statut de langue nationale, dans laquelle ont peut s'exprimer, écrire, parler, avec des documents littéraires et historiques, un passé. Il faut garder un peu d'optimisme pour ces pays, il n'auront pas à se dépatouiller entre littéral et dialectal, dans une recherche stérile et stérilisante d'identité linguistique où religion et politique finissent par freiner le développement des populations en feignant de vouloir les faire progresser.
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Xavier
Animateur


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Messageécrit le Sunday 13 Jun 10, 12:20 Répondre en citant ce message   

Merci Papou : je commence à comprendre...

Mais cela me paraît quand même un peu complexe d'écrire dans une langue et parler dans une autre !
Même si on l'a fait en France autrefois avec le latin.

Prenons l'exemple du journal télévisé. C'est un arabe standard. Mais si un journaliste accueille une personne sur son plateau, la discussion se fait alors en quelle langue ? L'invité est-il capable de (bien) s'exprimer en arabe standard ?
Et les reportages ? Si on interroge les gens dans la rue, dans quel arabe parle-t-on ?

Et la littérature arabe ? Existe-t-elle en arabe dialectal ? Les romans ou bien les chansons sont écrits dans quelle langue ?
Et cet arabe standard n'est-il pas un frein pour la littérature arabe ?

Enfin, quel arabe enseigne-t-on en France ? Je suppose qu'il s'agit de l'arabe littéral. Imaginons un élève d'origine maghrébin qui apprend cette langue en France. S'il séjourne au Maghreb (par exemple dans le cadre d'un échange entre lycées), parle-t-il la langue arabe enseignée à l'école (comme le fera l'élève qui apprend l'espagnol en Espagne). Mais avec qui va-t-il parler cette langue ? Je doute fort qu'un Espagnol aura envie de parler avec moi si je parle le latin...
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Papou JC



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Messageécrit le Sunday 13 Jun 10, 13:29 Répondre en citant ce message   

Recourir à Benveniste ne sera pas inutile. Pour quiconque est familier avec la distinction qu'il fait entre histoire et discours, on peut dire que l'arabe littéral est au dialectal ce que l'histoire est au discours. Dès qu'il y a dialogue, il y a dialecte, forcément, faute de quoi on parle comme un livre. On peut le faire, ce n'est pas interdit, mais ça fera quand même un peu bizarre. Une comédie écrite en littéral ? Impensable. Une tragédie, oui. Tout un roman en dialectal ? impensable. La narration sera en littéral et les dialogues en dialectal. La chanson et la poésie jouent sur les deux. Le grand poète égyptien Abd-er-Rahman El-Abnudi, qui fait un tabac chaque fois qu'il va en Tunisie, écrit en dialectal égyptien. Et est compris par les Tunisiens, bien sûr. Je doute que l'inverse soit possible.

Je vais avoir l'air de prêcher pour ma chapelle mais je voudrais dire ceci à quiconque aurait envie d'apprendre l'arabe : apprenez l'arabe du Caire. J'aurais bien aimé qu'on me donne ce conseil, à 15 ans, quand j'ai commencé l'étude de l'arabe littéral ... Une méthode datant de 1980 avait le culot de s'intituler "Du golfe à l'océan" ! (Voir note). Combien d'apprenants ont eu ensuite la désagréable surprise de constater que la langue de cette méthode (avec des dialogues, s'il vous plaît !) - et d'autres - n'était parlée nulle part entre le golfe et l'océan ! L'arabe du Caire quant à lui est compris par les arabophones du monde entier et parlé par la moitié d'entre eux. C'est quand même intéressant à savoir, non ?

Note : Je viens de vérifier que cette méthode est toujours utilisée !


Dernière édition par Papou JC le Wednesday 16 Jun 10, 18:54; édité 1 fois
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Adel514



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Messageécrit le Sunday 13 Jun 10, 20:28 Répondre en citant ce message   

Je crois qu'on peut dire sans trop se tromper qu'il y a en gros deux grandes familles d'arabe parlé ou dialectal : une famille maghrébine et une famille moyen-orientale - le dialecte libyen se trouvant à cheval entre les deux.

Des trois pays du Maghreb anciennement colonisés par la France, la Tunisie est le plus arabisé et celui où la population berbérophone est la moins nombreuse, le Maroc étant le pays où sa présence est la plus forte. En Algérie, on retrouve les trois variétés de dialectes maghrébins : la langue parlée à Annaba et Tébessa est très proche du tunisien et celle qui est parlée à Tlemcen et Maghnia ressemble beaucoup au marocain. D'ailleurs les Moyen-orientaux n'arrivent pas à faire la différence entre les trois.

Il est clair que la cohabitation entre la langue arabe et le berbère, qui dure depuis 14 siècles, a donné naissance à une langue arabe maghrébine relativement unifiée et qui se distingue fortement de l'arabe parlé au Moyen-orient, resté très proche de l'arabe littéral.

La colonisation française a également laissé des traces dans la langue maghrébine. Des mots comme tabla, kouzina, tomobil, tilifoune sont devenus indéracinables et il ne viendrait à l'esprit d'aucun algérien moyen de dire tâouila, maTbakh, siyyara ou hâtef, sauf s'il veut montrer à ses interlocuteurs qu'il connaît l'arabe classique (et qu'il méprise profondément le dialectal).

Pour ce qui est de la poésie et de la chanson, on trouve des textes aussi bien en arabe dialectal qu'en arabe classique. En Algérie, les textes des chanteurs populaires sont en dialectal. Un artiste qui veut se faire un nom au Moyen-orient doit cependant chanter en égyptien ou en arabe classique.

Le dialecte égyptien est-il compris au Maghreb? Difficile de répondre de manière définitive. D'abord c'est un phénomène très récent, lié à la prolifération des feuilletons télévisés importés d'Égypte. Ensuite, cette compréhension, si elle existe, se trouve certainement chez les populations urbaines jeunes. D'une façon générale, le degré de compréhension de l'arabe littéral (et donc des journaux télévisés) est proportionnel au niveau d'instruction (en Algérie, l'enseignement est totalement arabisé, jusqu'au BAC, depuis la fin des années 70).

Il me semble que les lettrés arabes refusent d'admettre que la langue a évolué et que l'arabe moderne est le dialectal. Il y a eu simplification et modification de la langue classique. Le refus d'adopter la langue dialectale fait qu'un Maghrébin instruit est obligé de passer en permanence d'un registre à un autre (langue du quotidien - langue savante) en recourant à l'arabe littéral ou au français. En effet, le dialectal ne peut pas exprimer une pensée abstraite et le littéral ne peut pas exprimer le vécu avec toute sa charge affective et émotionnelle. Comment dépasser cette situation? Il me semble que la solution réside dans l'écriture du dialectal et son utilisation dans tout ce qu'il permet d'exprimer et son enrichissement par des termes empruntés au littéral (ou créés) lorsque les concepts nécessaire à la pensée abstraite manquent.

Il me semble que la tendance dans les langues est à la simplification et la langue ampoulée qu'affectionnent particulièrement certains lettrés arabes n'a plus cours aujourd'hui. De plus, le retard considérable pris par les pays arabes dans la traduction des ouvrages scientifiques (sciences humaines et sciences «dures») fait que l'arabe littéral a de moins en moins de chances de s'imposer comme une langue de science. La tendance dans tous les pays est à l'adoption de l'anglais dans les divers secteurs de la recherche scientifique. Au Maghreb, l'avenir appartient peut-être à une palette de langues : les langues maternelles (issues de l'arabe ou de tamazight) pour la communication de tous les jours (y compris les médias et l'administration), l'anglais pour l'enseignement des sciences, et l'arabe classique pour l'accès au patrimoine littéraire et religieux.

Ce n'est que par la pratique qu'une langue s'enrichit. Ceux qui misent sur la disparition des dialectes et leur remplacement par l'arabe littéral ont-ils raison? Jusqu'à présent, rien ne permet d'envisager cette issue au Maghreb.

L'arabe dialectal maghrébin est une langue à part entière, qui a ses propres règles. A titre d'exemple, je citerai le cas de la négation, qui consiste à ajouter systématiquement ch après le verbe ( klît = j'ai mangé ---> mâ klît'ch = je n'ai pas mangé), règle qui n'existe pas en arabe littéral. Ceux qui considèrent ces règles comme des fautes, en se basant sur la langue classique (et celle du Coran) ont un blocage et, bien que l'arabe dialectal soit leur langue maternelle et celle dans laquelle ils s'expriment au quotidien, ils lui refusent le statut de langue et l'empêchent d'aller à la conquête des sphères savantes.

Le français était dans la même situation par rapport au latin du temps de Descartes! Qui peut dire aujourd'hui que le Discours de la Méthode n'est pas une œuvre philosophique à part entière?
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Lwahranya



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Messageécrit le Wednesday 16 Jun 10, 19:36 Répondre en citant ce message   

Ο Γαλλος a écrit:
8. Y a-t-il des mouvements en faveur de la reconnaissance des arabes dialectaux locaux comme langues officielles ? je me souviens d'une lettre ouverte de Boualem Sansal aux Algériens ou il se faisait l'avocat chaleureux de l'arabe dialectal algérien et considerait comme une catastrophe la politique d'arabisation menée en Algérie.

En Algérie, le linguiste Abdou ELIMAM et le chroniqeur Kamel DAOUD (qui contribue au journal "Le quotidien d'Oran") militent pour cela. J'apprend ici que Boualem SANSAL s'inscrit dans cette dynamique.
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Lwahranya



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Messageécrit le Wednesday 16 Jun 10, 20:43 Répondre en citant ce message   

Abdüsseläm a écrit:
Pour créer de toutes pièces une "langue algérienne" quels éléments du lexique qui ne se trouvent pas dans le dialecte traditionnel va-t-on officialiser? les mots français? des mots empruntés de l'arabe littéral?"

Pour ma part, je crois que c'est un faux débat. L'algérois étant compris par tous les algériens, les lois pourraient être rédiger dans cette langue. Et tous les mots qui se sont lexicalisés auraient "le droit" de paraître dans un dictionnaire algérien. Pourquoi choisir entre les mots d'origines françaises et ceux d'origine arabe?

Citation:
Et pour les berbères, (...) devront-ils créer de toutes pièces aussi un tamazight algérien à partir des différents dialectes?

A mon avis, cette option est à exclure tant le berbère risquerait de devenir un langue artificielle.

Citation:
Et quel alphabet utiliser? Le latin qui lui est plus adapté?

Pourquoi l'alphabet latin serait-il plus adapté à l'arabe maghrébin?

Citation:
Abdüsseläm a écrit: L'arabe littéral est une langue à l'unité spatio-temporelle particulière puisque celui qui la connait peut aussi bien lire des textes écrits il y a plus de mille ans

COINCIDENCE? L'arabe "fassih" a justement cessé d'être langue maternelle au Xème siècle=>c'est une langue morte depuis dix siècles=>elle a peu évolué depuis ce temps là.

Citation:
Si un certain nombre d'Arabes (...) ne maîtrisent pas parfaitement l'arabe littéral, ce n'est pas dû à la structure de la langue (...), mais au condition socio-économique et politique des pays où elle se parlent"

C'est aussi et surtout parce que ,à l'instar du latin, ce n'est pas une langue maternelle.
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Lwahranya



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Messageécrit le Wednesday 16 Jun 10, 21:04 Répondre en citant ce message   

Adel514 a écrit:
Au Maghreb, l'avenir appartient peut-être à une palette de langues : les langues maternelles (issues de l'arabe ou de tamazight) pour la communication de tous les jours (y compris les médias et l'administration), l'anglais pour l'enseignement des sciences, et l'arabe classique pour l'accès au patrimoine littéraire et religieux.

tout à fait d'accord mais il ne faut pas oublier le français
Adel514 a écrit:
(...) il me semble que les programmes des chaînes de télévision maghrébines devraient s'adresser aux populations locales dans les langues qu'elles comprennent et non pas s'adresser à l'élite des pays arabes

Il existe aujourd'hui deux journaux en marocain("Nichane" et "Khbar Bladna") et une chaîne de télévision en maghrébin(Nessma TV).


Dernière édition par Lwahranya le Tuesday 20 Jul 10, 17:44; édité 4 fois
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Adel514



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Messageécrit le Wednesday 16 Jun 10, 22:57 Répondre en citant ce message   

Voici quelques différences que j'ai recensées entre l'arabe algérien et l'arabe littéral:

- inexistence du duel (mouthannâ)
- ajout de na devant le verbe au passé à la première personne du singulier (nemchi, nakoul)
- non différenciation de la conjugaison des verbes à la troisième personne du pluriel entre le masculin et le féminin (errdjâl ighannîou we nnsâ yechT'hou)
- le verbe fa3ala devient f3el (yaf3alou devient yef3el)
- au passé, la deuxième personne du pluriel passe de fa3altoum à f3eltou
- pour le verbe, la négation se construit ainsi : mâ + verbe +ch (klît ---> mâ klît'ch, nâkoul ---> mâ nakoulch)
- pour l'adjectif : machi + adjectif (kbîr ---> machi kbîr)

Un petite liste de mots et expressions que la plupart des Algériens utilisent dans la vie quotidienne mais qu'un Arabe du Moyen-Orient ne comprendra pas ou bien ne saura pas décoder, même si c'est de l'arabe (exemple : labâs, ya3Tik essaha) :

- wech, a3lâch, kifâch, weqtâch, qeddach, achHâl, bâch, râni (équivalent de l'auxiliaire être), ih (ou bien wâh), erouâh
- ga3, bezzef, chouiya, Hebiqoul, lhassone, ba3dou dounou, barakât, wach râk, labas, festi, dhork (dhorkatik), gana (ganatik), lhîh,
- zawech, mriqma, khouTTayfa, 3eZZi, 3mîcha, bouferTeTTou, bZiZa, ferd, 3edjmi, serdouk, fellous, bellâredj
- guess3a, Tebssi, beqrêdj, Tadjine, Touidjna, kasrouna, qezdira, qoulla, keskâs, mermiTa, qedra, mghirfa, moghref, ghorrâf, mous, fourchita,
- kouzina, tabla, tomobil, machina, vilou, kamiou, kâr, troli, tilifoun, frigidaire, tilivizioun, tiyou, tournevis, bouloun, berwiTa, pala, fourcha, serbita, sebbâT, sberdîna, belgha, krafâch, balto, vista, trikou, qmedja, slip, kilouTa, stilou, criyou, gouma, rigla, zoudj biyout ou kouzina, salon, sallamangi,
- tchina, bekhsis, kroumbît, chiflor, qernoun, khourchef, 3îna, berqouq, selq, besbâs, guernîna, dalîs, doum, eddalia, koummessâra,
- mehboul, mesloub, mdigouti, mrufez, bandi, digourdi, mâ 3endich ezz'her, tâHet bîh, klâ râssou, târetlou, rahou m'rouwwen,
- snitra, derbouka, ghaïta, djouâq, mandole, seffâra,
- mengoucha, khelkhâl, braceli, snisla, qerdoun, hâchia,
- qourracha, moukhTâf, mqâdef, flouka, babour,
- rechta, maqaroun, fdawech, farina, qnidlât, berkoukess, mhâdjeb, charbât,
- endouwech, el3oumân, etteHouas, khef rouhek, ezreb, mezroub, Tâbes, Hebbes, khallini ndjouz,
- ya3Tik (ya3Tikoum) essaHa, 3asslama, 3la slamtek, sahha 3idek, kif kif, kima, za3ma, chouf,
- iriyyeH, yesta3fa, yerqoud, inodh, inoum (il rêve), yahbaT

etc.

Ceci sans compter tous les mots d'origine arabe qui se prononcent différemment en Algérie et qui deviennent donc incompréhensibles pour les autres Arabes. Comprendre et parler une langue, c'est être capable de participer à une conversation entre deux locuteurs natifs, ce qui est très difficile (pour ne pas dire impossible) pour un Arabe du Moyen-Orient qui écoute parler deux Algériens.

Un petit dialogue algérois entre une femme et son mari, pour vous mettre en appétit:

- ChHâl rahi ssa3a?

- Rahi essetta ta3 ssbaH. Nodh barka merrqâd, dhork irouh 3lik el car ou tewsal roTar lelkhedma.

- Khellini nzîd chouiya, mâ chbe3tch en3âs.

- Berka messmâTa. Enta daymen kif kif, etbât sahrân we ssbâh mâ teqderch etnôdh. Ray Tabet el qahoua. Noudh eghsel wedjhek iTir 3lik en3âs. Echreb q'hioua mqa3da etHess rouHek mlîH.

- Lâzem netkeyyef garro. A3Tini eZZalamiT.

- Hak briki. Yakhkhi 3la bâlek belli ddoukhân idherrek.

- Wach 3lîh. Râni dija m'tifes. Eddeniya akhret'ha mout. Hadhak el garro houwa lli iTella3 li l'moral.

- Ayya, rouh tSewwer khoubbeztek.

- Râni râyah, berkay mâ t3ayTi 3liya m3a ssbah. Bqay 3la khir.

- Ellah issehhel. Et'hella fi rouHek.
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