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Lou caga-blea
Inscrit le: 05 Sep 2006 Messages: 513 Lieu: Nissa
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écrit le Wednesday 17 Sep 08, 19:44 |
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La disparition du neutre s'explique par deux facteurs :
- le neutre, comme les deux autres genres du latin, n'a pas de fonction sémantique, du moins dans le classement des inanimés, c'est-à-dire que les substantifs (désignant des inanimés, pour les animés c'est partiellement différent) ne sont pas tous neutre : domus est féminin et désigne une maison alors que templum "temple" est neutre. Du coup, il n'y a pas de logique générique, comme en anglais par ex., où les animés sont masc./fém. selon le genre naturel correspondant, alors que certains animés (animaux, et encore) et les inanimés (à quelques exceptions près : les noms de bateau, par ex.) sont neutres, et le système peut apparaître comme inutilement compliqué : le masculin peut être mis en rapport avec le genre naturel "mâle" et le féminin avec le genre naturel "femelle", mais le neutre n'a aucun correspondant.
- la déclinaison des noms neutres latin est morphologiquement peu différente de celle du masc. au pl. (à part pour la classe des noms de 3e déclinaison en -en : nomen, flumen, etc. dont l'acc. reste nomen, flumen…, alors que les masc. de la 3e decl. on un acc. en -e(m) -- ce -m est labile). Au sg., pour les noms de 2e décl., le n. ne se distingue du masc. qu'au nom.-voc. (templum : dominus), pour tous les autres cas la forme est identique (templum, templi, templo : dominum, domini, domino); et encore, au nom. le -m final étant labile, et le -s du masc. ayant une tendance à l'amuissement, cette distinction pouvait très facilement passer à la trappe.
Ces deux raisons combinées peuvent très bien expliquer que le latin populaire/parlé se soit débarrassé très tôt de ce genre. Les solutions sont comparables, même si on décèle des traitements différents selon les langues.
En règle générale, un nom neutre est traité comme un masculin, en raison de la convergence formelle citée plus haut : n. templum > masc. tempio (it.), temple (occ., fr.), etc.
Parfois, un nom neutre lat. passe au fém. en roman : on l'explique d'ordinaire par la confusion entre la désinence n. pl. (cas directs) en -a (pl. de templum : templa) avec la flexion des noms féminins en -a (1re déclinaison, rosa, ae, f.) : fr. feuille < lat. folia, c'est-à-dire le pl. de folium (cf. in-folio), pris pour un fém. sg. L'italien conserve dans sa flexion des traces de ces noms neutres : il braccio "le bras" fait au pl. le braccia (fém. pl.) et reflète très précisément la flexion lat. n. sg. bracchium, pl. bracchia. Et le changement de genre en italien démontre que la finale en -a du n. pl. était "prise" pour une forme de féminin. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Thursday 18 Sep 08, 10:00 |
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Deux questions concernant les pluriels italiens :
1. tempio (= temple) a 2 pluriels :
- tempi et templi
La forme templi rappelle directement le latin templum. Mais pourquoi le pluriel a-t-il gardé son "l" là où le singulier l'a perdu ? On peut penser par ailleurs qu'on a gardé la forme templi pour éviter la confusion avec tempi, pluriel de tempo (= le temps).
2. les pluriels italiens en -a
Lou caga-blea a écrit: | L'italien conserve dans sa flexion des traces de ces noms neutres : il braccio "le bras" fait au pl. le braccia (fém. pl.) et reflète très précisément la flexion lat. n. sg. bracchium, pl. bracchia |
Tous les pluriels italiens en -a, qui semblent plutôt "incongrus" au profane, doivent-ils leur existence à la raison que tu donnes (conservation de la flexion) ?
Cela marche-t-il pour, entre autres :
- il lenzuolo (= drap) : le lenzuola
- il muro (= mur d'une ville) : le mura |
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semensat
Inscrit le: 20 Aug 2005 Messages: 863 Lieu: vers Toulouse
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écrit le Saturday 20 Sep 08, 8:21 |
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Pour il muro, ça ne marche pas, la forme latine est masculine. |
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Lou caga-blea
Inscrit le: 05 Sep 2006 Messages: 513 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 20 Sep 08, 9:55 |
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Pour lenzuolo, oui (< linteolum, pl. linteola, avec déplacement de l'accent sur le -o- -- il était initialement sur le e). Pour murus, il faut penser à une réfection analogique. A tout hasard (je n'ai pas les outils avec moi pour vérifier), on pourrait penser à une influence de moenia, n. pl., de même sens que muri : "les murailles, les remparts". |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Saturday 20 Sep 08, 12:25 |
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tempo (sing) -> tempi (pl.)
tempio (sing) -> tempii (anc. tempij)/tempî/templi (pl.) --> un pl. tempi (sans ^) serait un erreur, mais c'est tellement frequent qu'on commence à l'accepter dans les journaux. La forme templi pourrait être definie un "cultismo" (mot de savants) |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Saturday 11 Dec 10, 18:57 |
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Lou caga-blea a écrit: | Pour lenzuolo, oui (< linteolum, pl. linteola, avec déplacement de l'accent sur le -o- -- il était initialement sur le e). Pour murus, il faut penser à une réfection analogique. A tout hasard (je n'ai pas les outils avec moi pour vérifier), on pourrait penser à une influence de moenia, n. pl., de même sens que muri : "les murailles, les remparts". |
D'après ce que je peux lire, pour murus, ce n'est pas un cas de réfection : le problème est également lié à celui des noms neutres.
Dès l'époque latine, il y a eu des confusions entre les noms neutres et les noms masculins de deuxième déclinaison, entre templum et murus. Ces confusions se sont faites dans les deux sens. Chez Plaute, on trouve au nominatif singulier nasum à côté du régulier nasus, et inversement collus à côté du régulier collum.
A l'époque romane, ces formes au singulier se sont confondues.
Au pluriel, en revanche, des mélanges ont continué, là encore dans les deux sens. Par confusion au singulier entre membrum et *membrus, on trouve au pluriel membri à côté du régulier membra. Par confusion entre digitus et *digitum, on trouve au pluriel digita à côté du régulier digiti.
Ces pluriels en -a se sont maintenus dans l'Est de la Romania (Italie, Rhétie, Roumanie).
Je ne vais pas plus loin dans ces explications qui me dépassent un peu, et je renvoie les curieux à Bourciez (linguistique romane), § 96, 218 et 428 c |
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