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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Friday 28 Jan 11, 15:58 |
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Puisque mon ami Papou joue les naïfs et prête sa voix au diable (comme l'avocat d'icelui), j'apporterai quelques précisions :
— bien sûr, toutes les médecines sont censées être bénéfiques mais la pharmacie traditionnelle abondait en qualificatifs qui, s'ils nous semblent aujourd'hui assez vagues, avaient à l'époque des sens techniques précis et tous ne soulageaient pas (fortifiant, revigorant, contraceptif, emménagogue, expectorant, carminatif, etc.) ; en revanche il apparaît bien que les deux termes latins reprimere « refouler, arrêter, contenir » et refrigere « refroidir, rafraîchir » aient un bon accord avec ce que Wikipedia dit aujourd'hui de la morelle noire : « La morelle est par ailleurs une plante médicinale aux vertus antispasmodique, analgésique et sédative. » et qui correspond assez précisément à l'idée générale de soulagement puisque spasmes et douleurs sont des crises ;
— un soulagement apporté par une plante vénéneuse est d'une extrême banalité et nous savons déjà depuis le grec φάρμακον « poison, remède » que seules les substances interagissant avec notre corps peuvent nous empoisonner et/ou nous guérir selon l'état de notre corps et/ou leur dosage. Pendant ma phlébite la vitamine K aurait pu me tuer, les insuffisants cardiaques prennent de la digitaline et le curare est d'un emploi courant en anesthésie ;
— toutes les solanées ne sont pas toxiques (tomate, pomme de terre, etc.) et/ou ne le sont qu'à des degrés très divers ; et il ne faut pas se laisser abuser par le grec στρύχνον : la strychnine est essentiellement extraite de la noix vomique qui n'est pas une solanée ;
— les CRS ne sont guère pour moi que le paradigme de l'obéissance irréfléchie car, dans le monde entier, tous les gouvernements autoritaires ont besoin de corps qui puissent matraquer leurs propres concitoyens sans états d'âme, y compris vieillards et adolescents ; je n'ai pas d'exemples récents plus clairs de soumission à l'autorité. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 28 Jan 11, 18:09 |
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Toute précision est la bienvenue.
Si rappeler une théorie communément admise est se faire l'avocat du diable, j'y perds mon latin...
Justement, le latin, revenons-y.
Le soleil, ce n'est pas seulement l'astre dont dépend notre vie à nous, pauvres terriens, c'est aussi un dieu, le dieu "Sol", qui a donné son nom (je copie Gaffiot) à une ville d'Egypte, Solis oppidum, autrement dit Heliopolis, probablement, à une île, Solis insula, à une source, Solis fons, et à une pierre précieuse, Solis gemma. Je doute que ces choses-là aient été ainsi nommées à cause d'"un rapport pertinent avec le soleil" (Je cite Outis).
Je ne suis donc pas du tout gêné lorsque la communauté scientifique - que nous respectons, généralement, et non à qui nous obéissons aveuglément - me dit que solanum a quelque chose à voir avec le soleil. Je suppose ces gens suffisamment sérieux pour avoir envisagé la possibilité d'un lien avec solari avant de tous se décider pour sol. Ils doivent bien avoir leurs raisons. D'autant plus que rien ne leur interdisait de tempérer leurs affirmations, comme ils le font généralement, par de prudents "peut-être" ou "probablement". |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 29 Jan 11, 12:18 |
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J'ai fait des recherches pour déterminer qui a prétendu le premier que sōlānum était issu de sōl et non de sōlor.
Pokorny est de faible secours, il ne donne aucun dérivé de sōl (p. 2569) ni de sōlor (p. 2601). Köbler ne fait guère mieux en donnant sōlārium « der Sonne ausgesetzter Ort, flaches Dach, Söller, Terrasse » sous sōl mais toujours rien sous sōlārī.
Walde apporte la première piste avec (reconnaissance imprécise des caractères) :
« solago ^hehotropiuin*', solamim ^Nachtschatten": zu sol <Vanicek 347) »
qu'on peut facilement restituer et traduire en :
solago « héliotrope », solanum « morelle noire » : sous sol (Vaniček 347)
Alois Vaniček est un linguiste qui a commis un Etymologisches Worterbuch der lateinischen Sprache (2. Aufl., Leipzig, 1881) et, Walde s'y référant souvent, on peut interpréter 347 comme un numéro de page dans cet ouvrage.
Hélas, il ne semble pas que cet ouvrage ait été numérisé par Google car il en existe une réimpression moderne (trop cher pour moi). D'un autre côté, il n'a que 388 pages (selon Amazon.de) et, comparant avec les 833 de Ernout et Meillet, il n'est pas sûr qu'il y ait beaucoup à en attendre.
Tout ceci permet peut-être de relativiser le discours :
PJC a écrit: | la communauté scientifique - que nous respectons, généralement, et non à qui nous obéissons aveuglément - me dit que … |
Cette communauté est ici bien peu diserte, fort ancienne, mal fournie, et, comme elle ne donne guère à voir, notre obéissance ne peut être qu'aveugle.
Cela ne me satisfait pas. Je crois tout bêtement que ces braves linguistes, qui avaient sans doute des choses plus importantes à étudier que l'origine de sōlānum, une plante à détermination imprécise, se sont simplement appuyé sur la proximité de sōlāgō « héliotrope » où le rapport avec le soleil est flagrant pour mettre notre solanée dans le même wagon.
Enfin, je conteste bien sûr l'affirmation selon laquelle Solis oppidum, Solis insula, Solis fons et Solis gemma n'auraient pas de rapport pertinent avec le soleil. Ces mots du Gaffiot n'ont pas été trouvés sous l'entrée sōl « soleil » mais sous Sōl « le Soleil [divinité] ».
Nommer des lieux en rapport avec une divinité n'a rien de très étonnant et qui aurait oublié le nom d'Athènes pourrait songer à Saint-Denis ou Saint-Étienne.
Quant à la pierre précieuse de Pline, même si son identification précise nous échappe, on ne saurait s'étonner de cette association brillante, d'autant plus que nous connaissons toujours une pierre de soleil.
Je maintiens donc fermement mon point de vue. Il est libre à quiconque d'avoir un avis contraire, comme je l'avais d'ailleurs indiqué dans mon premier message par un « Pour moi ». |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 29 Jan 11, 12:44 |
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Voilà du Outis comme on l'aime ! Merci !
Une question subsidiaire, quand même : n'a-t-on pas d'exemples, en grec ou en latin, de noms de plantes portant le nom d'un dieu ou d'une déesse ?
Je réponds à ma propre question :
- atropine, du grec Atropos, nom d'une Parque.
- jacinthe, du grec Huakinthos, favori d'Apollon.
- mercuriale, du latin Mercurius.
- morphine, de Morphée, dieu grec du sommeil.
- narcisse, du grec Narkissos, personnage mythologique ....
Liste ouverte.
Dernière édition par Papou JC le Saturday 29 Jan 11, 14:12; édité 1 fois |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 29 Jan 11, 14:01 |
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Si, bien sûr, et d'autres pourront disserter sur l'artémise ou la joubarbe … |
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felyrops
Inscrit le: 04 May 2007 Messages: 1143 Lieu: Sint-Niklaas (Belgique)
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 29 Jan 11, 14:20 |
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@Outis : Il ne s'agit pas de disserter mais de me dire simplement s'il existe une possibilité ou non pour que le dieu latin Sol ait quelque chose à voir avec le nom solanum. Si la planète n'est pas pertinente, se pourrait-il que le dieu le fût ?
Autant que toi, je cherche une explication, puisque nous en sommes tous réduits aux hypothèses.
Après, on passera à autre chose. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 29 Jan 11, 16:09 |
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Comme tu t'en doutes, je n'en sais rien et j'ai un peu épuisé mon abonnement-recherche sur le sujet.
En général, les rapports qu'entretiennent un animal ou une plante avec une divinité font l'objet d'un petit récit étiologique comme on en trouve en abondance chez les mythographes tardifs. Je n'en connais pas pour ce cas-là mais ça ne prouve pas qu'il n'en existe pas et encore moins qu'il n'en a pas existé. Tant de choses se sont perdues …
Cependant, comme nombre d'érudits ont fatigué tous ces vieux textes, si on avait quelque chose (chez Suidas ou d'autres), on le saurait probablement.
En regardant avec les techniques « pétrole Hahn » (qui permettent de tirer par les cheveux à volonté et sans dommages) j'ai trouvé un rapport magnifique entre le morelle et le soleil et je m'en vais l'exposer.
Pline et Celsus (cf. plus haut) ont bien précisé que l'équivalent grec de sōlānum était στρύχνον et Chantraine nous assure que ce nom pouvait désigner le coqueret, comme Liddle-Scott le précise :
στρύχνον ἁλικάκκαβον, winter cherry, Physalis Alkekengi, Dsc. 4.71, Plin.HN 21.177.
Si nous nous intéressons à ce coqueret ou coquerelle, plus connu sous les noms de physalis, d'alkékenge ou d'amour en cage, on remarquera que :
1) la forme ronde et la couleur jaune/orangé/rouge du fruit sont explicitement solaires et son inclusion dans une fragile enveloppe semi-transparente évoque irrésistiblement le halo des jours de brume ;
2) les noms de coqueret et coquerelle font appel au coq, non seulement par la couleur de sa crête mais surtout par sa valeur symbolique et chantante d'annonciateur du soleil.
Et, bien sûr, nous oublierons discrètement que, sans qualificatif, στρύχνον n'est que Solanum nigrum et que le coq n'est, couramment, que l'animal symbolique d'Asklépios.
Quant à moi, je garderai le cheveu court … |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 29 Jan 11, 17:48 |
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Magnifique ! Grâces te soient rendues !
Je me bornerai à ajouter qu'il y a beaucoup de physalis en Égypte - une pensée pour ce beau pays -, et qu'on peut en faire de délicieux clafoutis... |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 02 Oct 11, 11:01 |
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Il y a une solanée dont nous n'avons pas du tout parlé ici, mais nous en avons parlé ailleurs : l'aubergine. |
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