Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
|
écrit le Wednesday 30 Jun 10, 11:25 |
|
|
Un article récent du quotidien espagnol El Pais mentionnait le terme arabe katiba :
El Pais a écrit: | - el jefe de la katiba (grupo / célula) que opera en el Sahel
= le chef de la katiba (groupe / cellule) qui opère au Sahel |
Une recherche sur le Net me donne ces éléments à propos de katiba :
- groupe, cellule, section, phalange
- camp d'entraînement mobile pour combattants islamistes en Afrique du Nord
- katiba fait référence à la guerre d'Algérie :
Wikipedia a écrit: | La Katiba est une unité principale de l'ALN, (branche armée du FLN) pendant la guerre d'Algérie, équivalent d'une compagnie légère, qui peut atteindre cent hommes, ou la section, d'une trentaine d'hommes. L'action offensive exige de la Katiba (ou la section) qu'elle se déplace clandestinement, et rapidement, d'un point à un autre, aussi éloignée que possible. L'unité de l'ALN pratique l'effet de surprise. Les marches se font, pour une bonne part, de nuit. |
Mes questions :
- katiba provient-il de la racine trilitère كتب / k-t-b (écrire...) ?
- ou bien y aurait-il eu déformation de la forme arabe lors de la translittération (t emphatique par exemple) ? Il s'agirait alors d'une autre racine.
- y a-t-il une ta marbouta finale, marque du féminin ?
Si katiba provient de k-t-b, comment fait-on le lien sémantique avec l'écrit / l'écriture ? Est-ce affaire de trace ? Je pense au tracé dû au "déplacement (des membres) d'un point à un autre" (citation de Wikipedia) ? |
|
|
|
|
Adel514
Inscrit le: 11 Jun 2010 Messages: 89 Lieu: Montréal Canada
|
écrit le Wednesday 30 Jun 10, 17:22 |
|
|
Une petite recherche ici donne ceci:
والكَتِـيبةُ: ما جُمِعَ فلم يَنْتَشِرْ؛ وقيل: هي الجماعة الـمُسْتَحِـيزَةُ من الخَيْل أَي في حَيِّزٍ على حِدَةٍ.
وقيل: الكَتيبةُ جماعة الخَيْل إِذا أَغارت، من المائة إِلى الأَلف.
والكَتيبة الجيش.
وفي حديث السَّقيفة: نحن أَنصارُ اللّه وكَتيبة الإِسلام. الكَتيبةُ: القِطْعة العظيمةُ من الجَيْش، والجمع الكَتائِبُ .
katîba (qui s'écrit avec tâ marbûTa) signifiait à l'origine un groupe (jamâ3a) de cavaliers (de 100 à 1000). Cela pouvait aussi désigner toute une armée. Le terme est ancien, puisqu'il est cité dans un Hadîth du Prophète, où il est question de katîbat al islâm (l'armée de l'islam?).
Aujourd'hui, dans l'armée algérienne, ce terme désigne la compagnie, qui comprend plusieurs sections (généralement 4), chaque section étant composée d'une trentaine de soldats. La compagnie en comprendrait donc une centaine.
Ce qui est intéressant, c'est le sens original du verbe kataba (écrire), d'après le même dictionnaire en ligne, qui est attacher les lettres entre elles pour former des mots. Cela vient du sens premier du même verbe qui est celui de rassembler les chevaux pour former une armée.
وكَتَّبَ الكَتائِبَ: هَيَّـأَها كَتِـيبةً كتيبةً؛ قال طُفَيْل: فأَلْوَتْ بغاياهم بنا، وتَباشَرَتْ * إِلى عُرْضِ جَيْشٍ، غيرَ أَنْ لم يُكَتَّبِ وتَكَتَّبَتِ الخيلُ
أَي تَجَمَّعَتْ. قال شَمِرٌ: كل ما ذُكِرَ في الكَتْبِ قريبٌ بعضُه من بعضٍ،
وإِنما هو جَمْعُكَ بين الشيئين. يقال: اكْتُبْ بَغْلَتَك، وهو أَنْ تَضُمَّ بين شُفْرَيْها بحَلْقةٍ، ومن ذلك سميت الكَتِـيبَةُ لأَنها تَكَتَّبَتْ
ومنه قيل: كَتَبْتُ الكِتابَ لأَنه يَجْمَع حَرْفاً إِلى حرف؛
Dernière édition par Adel514 le Wednesday 30 Jun 10, 17:35; édité 2 fois |
|
|
|
|
José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
|
écrit le Wednesday 30 Jun 10, 17:27 |
|
|
Merci pour tes explications, Adel !
La tâ marbûTa me semblait évidente et intuitivement j'imaginais assez bien le i long de katîbat.
Adel514 a écrit: | Ce qui est intéressant, c'est le sens original du verbe kataba (écrire), d'après le même dictionnaire en ligne, qui est attacher les lettres entre elles pour former des mots. Cela vient du sens premier du même verbe qui est celui de rassembler les chevaux pour former une armée. |
C'est passionnant ! |
|
|
|
|
José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
|
écrit le Wednesday 26 Jan 11, 14:45 |
|
|
Le Figaro du 04.01.2011 :
- l'enlèvement par cette même katibat de 7 étrangers dont 5 Français au Niger
Jusqu'à présent, j'avais toujours rencontré la forme katiba. C'est la première fois que je vois la forme katibat, translittération la plus fidèle, dans la presse. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Saturday 29 Jan 11, 7:50 |
|
|
Je me permets d'exprimer quelques doutes sur cette étymologie de la racine K-T-B, que je rencontre ici pour la première fois. Il y a quand même loin du rassemblement de chevaux à l'écriture, même en passant par la liaison des lettres entre elles. Je pencherais plutôt pour un cas d'homonymie.
J'aimerais bien que Dubsar nous donne son avis avec l'éclairage des autres langues sémitiques. |
|
|
|
|
dubsar
Inscrit le: 07 May 2007 Messages: 448 Lieu: Altkirch (F68)
|
écrit le Wednesday 09 Mar 11, 21:22 |
|
|
Je ne trouve qu'en arabe cette notion de bataillon à la racine KTB.
En cherchant sur les variantes emphatiques : l'akkadian qatapu signifie cueillir. Ca ne colle pas.
En hébreu rien.
En arabe : qatab : bât. Relation lointaine ; rien en hébreu sur cette signification.
En akkadien katappû, bride, mais vient sans doute du sumérien KUSH.KA.TAB.(ANSHE), "cuir.bouche.lier(âne)". Tout cela ne me semble pas cohérent.
Finalement, l'arabe a pu utiliser par analogie les lettres rangées en bataillon pour une armée en rang de bataille ? |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Wednesday 09 Mar 11, 22:22 |
|
|
Curieux de trouver ce lien entre la notion d'écriture et celle de troupe armée. Elle n'est pas sans rappeler nos conscrits et la conscription ... Mais pure et simple coïncidence, évidemment.
Peut-être pas. Comment se recrutaient les soldats dans l'antiquité ?
ANIMATION : on verra plus loin qu'après de longs détours je reviens sur cette possibilité de lien sémantique.
Dernière édition par Papou JC le Wednesday 02 May 12, 8:19; édité 1 fois |
|
|
|
|
iStoiko
Inscrit le: 27 Apr 2008 Messages: 22
|
écrit le Friday 10 Jun 11, 2:27 |
|
|
José a écrit: | ...- katiba provient-il de la racine trilitère كتب / k-t-b (écrire...) ? |
D'après Ibn ManDhur, oui.
José a écrit: |
Si katiba provient de k-t-b, comment fait-on le lien sémantique avec l'écrit / l'écriture ? Est-ce affaire de trace ? Je pense au tracé dû au "déplacement (des membres) d'un point à un autre" (citation de Wikipedia) ? |
Vu que la racine k-t-b a plusieurs sens autres que "écrire" ("instituer" ou "légiférer" par exemple, sens très courants dans le coran qui sont liés avec l'écriture par le fait qu'une loi "c'est gravée dans la roche"), il faudrait peut-être chercher dans les autres significations.
Adel514 a écrit: | Aujourd'hui, dans l'armée algérienne, ce terme désigne la compagnie, qui comprend plusieurs sections (généralement 4), chaque section étant composée d'une trentaine de soldats. La compagnie en comprendrait donc une centaine. |
Dans l'armée algérienne et dans les autres armées arabes, une "katiba" est un "bataillon", qui est souvent constitué de 3 compagnies et donc de 300 hommes environ. La "compagnie" se dit "sariya". |
|
|
|
|
beauceronyx
Inscrit le: 19 Aug 2011 Messages: 87 Lieu: Ile-de-France
|
écrit le Thursday 25 Aug 11, 13:39 |
|
|
Papou JC a écrit: | Curieux de trouver ce lien entre la notion d'écriture et celle de troupe armée. Elle n'est pas sans rappeler nos conscrits et la conscription ... Mais pure et simple coïncidence, évidemment.
Peut-être pas. Comment se recrutaient les soldats dans l'antiquité ? |
En fait, si on est bilitéraliste, on considère que des trois occlusives k, t et b, l'une est épenthétique puisque la base du radical trilitère est bilitère.
Ce type d'épenthèse diffère de l'épenthèse habituelle en arabe de sonantes : nasales, liquides et semi-voyelles, aussi faudrait-il conjecturer une origine ancienne.
Selon la théorie MER (Matrices, Etymons, Radicaux) de G. Bohas, l'étymon de ktb est soit kt, soit kb, soit tb.
L'étude des verbes sourds, envisagée avec permutation, permet une première approche du problème : katta, takka, kabba, bakka, tabba et batta.
Ensuite, on peut aborder les dérivés classiques par épenthèse...
Toutefois, nous dit Bohas, il peut y avoir fusion de deux étymons.
Ainsi, ktb serait la fusion de kt et kb ou de kt et tb ou de kb et tb.
Donc, ktb signifierait au plus l'ensemble des sens des 6 verbes sourds. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 26 Aug 11, 7:24 |
|
|
Merci pour la démonstration. Je m'attendais à un résultat, car Bohas, on connait (on en a parlé sur divers autres fils, taper "Bohas" dans le cartouche de recherche), mais on ne sait toujours pas ici si katiba a quelque chose à voir avec le verbe kataba, ou s'il ne s'agit pas tout simplement de mots issus de racines homonymes...
Moi, j'ai une autre hypothèse. Ayant constaté que l'arabe a emprunté au latin un certain nombre de mots de son vocabulaire militaire, je suis allé fouillé de ce côté-là et j'ai trouvé le mot caterva, -ae f. qui signifie : "corps de troupe, bataillon, troupe, bande guerrière", et même "escadron" chez Virgile. De caterva à katiba, il n'y a qu'un pas que je franchirais volontiers mais, pour le moment, il ne s'agit que d'une pure et simple hypothèse. J'espère que d'autres Babéliens pourront la confirmer ... ou l'infirmer.
NB : le mot caterva survit tel quel en espagnol avec le sens de "bande, ramassis de gens inorganisé" |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Saturday 27 Aug 11, 17:13 |
|
|
1. Le mot kabyle tarva3t est peut-être une piste intéressante ...
2. katība ou katībat ? Pour ce qui est de la transcription romanisée des noms féminins avec ou sans -t, la question a fait l'objet d'une discussion ICI. |
|
|
|
|
José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
|
écrit le Friday 14 Oct 11, 14:15 |
|
|
- le loro "Qatiba", le unità combattenti
= leurs "katiba", les unités de combat
Il Corriere della Sera - 14.10.2011
(à propos de la situation à Syrte, en Libye)
La forme avec ce Q initial est surprenante, tout autant qu'erronée. |
|
|
|
|
beauceronyx
Inscrit le: 19 Aug 2011 Messages: 87 Lieu: Ile-de-France
|
écrit le Sunday 29 Apr 12, 6:48 |
|
|
Papou JC a écrit: | Merci pour la démonstration. Je m'attendais à un résultat, car Bohas, on connait (on en a parlé sur divers autres fils, taper "Bohas" dans le cartouche de recherche), mais on ne sait toujours pas ici si katiba a quelque chose à voir avec le verbe kataba, ou s'il ne s'agit pas tout simplement de mots issus de racines homonymes...
Moi, j'ai une autre hypothèse. Ayant constaté que l'arabe a emprunté au latin un certain nombre de mots de son vocabulaire militaire, je suis allé fouillé de ce côté-là et j'ai trouvé le mot caterva, -ae f. qui signifie : "corps de troupe, bataillon, troupe, bande guerrière", et même "escadron" chez Virgile. De caterva à katiba, il n'y a qu'un pas que je franchirais volontiers mais, pour le moment, il ne s'agit que d'une pure et simple hypothèse. J'espère que d'autres Babéliens pourront la confirmer ... ou l'infirmer.
NB : le mot caterva survit tel quel en espagnol avec le sens de "bande, ramassis de gens inorganisé" |
katîba, forme épenthétique (épenthèse de t, comme dans la forme 8) d'une base biconsonantique kb avec kubba : Détachement de cavalerie, troupe nombreuse, troupeau et kubâb : Troupeau d'animaux, page 851 tome 2 du Kazimirski.
Quant à caterva, caterva < * casterva, par effacement de s < castra, * caster allophone de * castel ?
Castra désigne le camp fixe comme castellum alors que caterva, par synecdoque, tout groupe en mouvement telles une armée, une troupe (de soldats, d'artistes, d'animaux...), une bande. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Sunday 29 Apr 12, 8:08 |
|
|
Moi je postule l'effacement du r, j'explique le b par le v - ce que vous ne faites pas - et je n'ai pas besoin d'un t épenthétique.
Et j'inscris le mot dans une petite liste de vocabulaire militaire d'origine latine.
Mais bon, chacun son truc. |
|
|
|
|
beauceronyx
Inscrit le: 19 Aug 2011 Messages: 87 Lieu: Ile-de-France
|
écrit le Sunday 29 Apr 12, 20:32 |
|
|
En lexicologie, tout projet lexical s'appuie sur une théorie principale, qui doit recouvrir un maximum de lexèmes ; ceux qui y échappent, que certains appellent accidents, sont le fruit de collisions ou d'emprunts, qu'il appartient au lexicologue de mettre en évidence par une théorie complémentaire, dont l'existence rend la théorie principale falsifiable : en modifiant quelques propriétés, il est possible de faire varier la taille de la théorie complémentaire...
L'épenthèse de t sur base biconsonantique est avéré en arabe d'après G. Bohas, qui donne une liste importante de mots illustrant ce phénomène.
Votre hypothèse est plausible, encore faut-il montrer qu'elle est réalisée plus d'une fois sinon les sémitistes diront que vous versez dans le ad hoc pour produire des hapax...
En l'occurrence, le problème n'est pas sur la consonantisation de u/w en b mais sur l'effacement de r, par exemple en grammaire contextuelle :
a - > b / c qui se lit "a devient b dans le contexte c"
r - > ø / ? dans quel contexte r disparaît-il ?
Pour nous convaincre, d'autres exemples sont les bienvenus. |
|
|
|
|
|