Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Wednesday 30 Mar 11, 14:39 |
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Il m’est venu l’envie d’approfondir un petit peu l’histoire de l’alphabet latin. Cet alphabet emprunté aux Étrusques qui, eux-mêmes, l’avaient pris aux Grecs, a connu quelques modifications pour s’adapter aussi bien à la langue latine qu’aux évolutions de celle-ci.
Voyons ainsi la lettre Z.
Les Étrusques notaient un phonème [ts] ou [tz] grâce au zêta grec : cette lettre est la septième des alphabets étrusques, et elle y a plus ou moins la forme d'un I.
C’est sans doute autour du VIIe siècle avant J.C. que les Latins ont commencé à écrire leur langue grâce à l’alphabet de leurs voisins étrusques. On a conservé un abécédaire latin du IVe siècle :
On peut voir effectivement ce zêta (I) à la septième place, entre le F et le H.
Mais, en réalité, à part dans de tels abécédaires (je ne sais pas si on en possède d’autres), ce zêta n’est nulle part employé. Et pour cause : dans la langue latine, le phonème [tz] ou même simplement le [z] n’existent pas. Le zêta est donc ce que Michel Lejeune appelle une « lettre morte » : une lettre héritée d’un alphabet étranger, effectivement présent dans les abécédaires, mais totalement inutile pour écrire la langue en question (pourtant, il est vrai qu’on pourrait imaginer qu’elle soit utilisée occasionnellement pour noter, par exemple, un nom propre étranger, mais on n’en a aucune trace épigraphique).
A un moment donné, il est vrai, le [z] a dû exister comme phonème latin : entre deux voyelles, le [s] s’est en effet sonorisé. Mais s’est ensuite produit le phénomène de rhotacisme (vers le milieu du IVe siècle av JC) : le [z] a évolué en [r]. Ainsi, le génitif de flos : *flosis > floris, et on doit supposer qu’entre les deux, pour que la transition se fasse, il a dû exister un *flozis.
Mais quoi qu’il en soit, on ne conserve aucune trace épigraphique d’un emploi de ce zêta ancien.
Le zêta était donc inutile aux Latins, on pouvait donc le supprimer des abécédaires. Martianus Capella (III 261) rapporte que Appius Claudius Caecus (censeur en 312) aurait donné l’ordre de supprimer cette lettre :
« z uero idcircuo Appius Claudius detestatur, quod dentes mortui, dum exprimitur, imitatur »
Appius Claudius repoussa ce Z, parce que, quand il était prononcé, il imitait les dents d’un mort.
Pascal Quignard, dans ses Petits Traités, a fait une belle méditation sur cette phrase…
Pendant trois siècles, cette lettre disparaît donc. Elle réapparaît, sous la forme Z, au Ier siècle av JC (1ère attestation : 81 av JC). Cette nouvelle introduction n’a qu’une fin : noter plus correctement des mots étrangers empruntés au grec et contenant un phonème étranger au latin. C’est dans ce même but que vers la même époque on introduit le upsilon, noté Y. Ces deux nouvelles lettres sont placées, assez logiquement à la fin de l’alphabet.
Ces deux nouvelles lettres seront toujours senties comme des lettres étrangères :
Probus (cité par Isidore de Séville) : has (z et y) latinitas de graeco fonte deriuauit non tam suorum necessitate uerborum quam Graecorum nominum ratione.
La langue latine a tiré ces deux lettres de la source grecque, non tant pour ses propres mots qu’à cause des noms grecs.
Sergius (cité par Donat) : Y autem Z ideo non numerantur in Latinarum numero litterarum quod causa Graecorum nominum repertae sint.
Y et Z ne sont pas comptées au nombre des lettres latines, parce qu’elles ont été trouvées pour les noms grecs.
Dernière édition par Horatius le Sunday 09 Feb 14, 10:11; édité 1 fois |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Wednesday 30 Mar 11, 19:22 |
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Le phénomène de rhotacisme (* flosis> * flozis> floris) est daté du IVe siècle avant Jésus-Christ, et n'a touché que les mots existant à l'époque. C'est un phénomène décrit par les écrivains d'époque classique :
Varron :
in multis uerbis, in quo antiqui dicebant s, postea dicunt r : foedesum foederum, plusima plurima...
Dans de nombreux mots, où les anciens prononçaient [s], on prononce depuis [r]
Quant à l'étape *flozis, elle est simplement postulée par les linguistes pour expliquer le passage de la fricative sourde [s] à la roulée sonore [r] : entre deux, on doit imaginer une fricative sonore [z] (prononcée comme le /z/ français) |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Wednesday 30 Mar 11, 20:40 |
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Merci pour la réponse à la première question, mais les questions étaient deux et différentes.
De toute façon je n'ai jamais dit que le rhotacisme était un phénomène du IVeme s. après J. Ch. Tu dois avoir mal compris et mélangé les deux questions: évidemment je n'ai pas su m'exprimer en français.
Venons au cas de "Propertius"...si nous le lisons à la manière ecclésiastique il devient Properzius (et en ce cas le z n'est pas une fricative sonore)...donc je voulais savoir si l'évolution est due à des influences étrangères sur le latin (influences germaniques???).
HORATIUS - LA RÉPONSE À CETTE QUESTION, NE CONCERNANT PLUS LA LETTRE Z, A ÉTÉ DÉPLACÉE DANS LE FIL SUIVANT : différentes manières de prononcer le latin |
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