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GREC ANCIEN - origine de la particule τε - Forum grec - Forum Babel
GREC ANCIEN - origine de la particule τε

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Horatius
Animateur


Inscrit le: 11 Apr 2008
Messages: 695

Messageécrit le Wednesday 14 Mar 12, 18:28 Répondre en citant ce message   

Horatius - Ce fil est issu d'une discussion du forum latin portant sur le -que des pronoms indéfinis quisque / quicumque

Athanasius a écrit:
Horatius a écrit:

Dans le très précieux appendice grammatical de l'édition classique Hachette de l'Odyssée, je lis : "très souvent, chez Homère, τε s'emploie dans les phrases exprimant une vérité générale ou un fait habituel. On peut le traduire par "d'habitude", "d'ordinaire". Ce sens est fréquent dans les comparaisons" :
Citation:
ἀλάλησθε οἷά τε ληιστῆρες ;
Errez-vous comme le font d'ordinaire les voleurs ?

Selon les auteurs, et contrairement à ce que dit Bailly, le relatif ὅστε signifie "celui qui d'habitude"
Citation:
οὐδέ τι πηδάλι ' ἐστί, τά τ ' ἄλλαι νῆες ἔχουσιν
Ils n'ont pas le gouvernail que possèdent d'habitude les autres navires.


Mais même dans les exemples homériques que vous citez, ce τε pourrait à la rigueur être traduit (ou compris) comme signifiant «et».

Il serait intéressant de savoir quelle est l'origine commune du τε copulatif et généralisant, ainsi que du -que copulatif et du -que généralisant; car il me semble inimaginable (plutôt que «tentant», mais là j'ergote!) de ne pas leur supposer une origine commune, même si à l'évidence «de nombreux emplois ne sont pas [ou plus] copulatifs».

Eh bien, non, je ne crois pas que dans les exemples cités, on puisse traduite τε par "et"
Dans les citations données, "te" n'est pas une copule : il souligne un élément en l'opposant à un autre (les voleurs / vous - les autres navires / ils), mais il n'a pas un sens copulatif.

En revanche, évidemment, on peut repérer un rapport de sens (une filiation sémantique) avec la copule ; et c'est, je crois, parce qu'il y en a un, je suis bien d'accord avec vous.

Entre le sens généralisant et le sens copulatif, il y a un rapport (je disais plus haut que c'était "tentant" de l'admettre, mais c'était une précaution rhétorique) : généraliser, c'est passer de la réalité au concept (pour dire vite), c'est faire un lien entre plusieurs objets singuliers pour s'élever au général : il y a donc bien l'idée de liaison, comme dans la copule.

Il y a donc bien, je crois, une valeur sémantique commune. Je propose de la traduire par "aussi, également", mais ce n'est qu'un pis-aller : on ne peut pas donner, en un mot, le sens exact et originel d'une particule de ce type, c'est comme pour les racines indo-européennes.


Dernière édition par Horatius le Saturday 17 Mar 12, 15:56; édité 2 fois
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Athanasius



Inscrit le: 23 Feb 2009
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Messageécrit le Wednesday 14 Mar 12, 20:25 Répondre en citant ce message   

Horatius a écrit:
je ne crois pas que dans les exemples cités, on puisse traduite τε par "et"

Je répète, en soulignant: «à la rigueur». J'avoue que c'est un peu mon ignorance sur toutes les nuances attachées à τε qui m'a conduit, depuis longtemps, à permettre à mes élèves de traduire ce mot par «et»... pour constater assez vite (malgré le vague souvenir de mes cours universitaires consacrés à ces nuances) que, généralement, cela ne posait aucun problème pratique!

Je prends un des deux exemples que vous citez plus haut: οὐδέ τι πηδάλι ' ἐστί, τά τ ' ἄλλαι νῆες ἔχουσιν. On pourrait traduire: «Ils n'ont pas de gouvernail, ni même [= et] celui que possèdent les autres navires» (ou encore: «... et [pourtant] les autres navires en ont»).

Avec une prudence tout récemment acquise, je dirais qu'il est en tout cas tentant de traduire ainsi !
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Horatius
Animateur


Inscrit le: 11 Apr 2008
Messages: 695

Messageécrit le Wednesday 14 Mar 12, 20:46 Répondre en citant ce message   

Mouais !!!...
A la rigueur, comme vous dites, pour cet exemple : ce que vous avez fait, c'est voir dans la relative un renchérissement, qui ajoute (donc avec une copule) une idée supplémentaire. Cela est possible, parce que, dans la principale, on avait un nom auquel cette relative peut être coordonnée. Je pense que vous auriez un peu plus de mal, pour le premier exemple !

Mais, quoi qu'il en soit, ce n'est pas ça, la question. Que cela soit possible à la rigueur, mais seulement à la rigueur, prouve deux choses :
1. Ce serait nier l'évidence de ne pas reconnaître qu'il existe des tournures où -que / te n'a pas un sens copulatif immédiat. Te / -que peut donc avoir plusieurs sens.
2. Il paraît clair que, cependant, tous ces sens de -que/ te peuvent converger vers un sens originel commun.

C'est cela que j'avais voulu dire, tout simplement...
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Athanasius



Inscrit le: 23 Feb 2009
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Messageécrit le Wednesday 14 Mar 12, 21:13 Répondre en citant ce message   

Horatius a écrit:
Je pense que vous auriez un peu plus de mal, pour le premier exemple!

Je vous attendais au tournant! Justement, le premier exemple n'était pas complet; ne me rappelant que trop vaguement des mots qui précédaient, je me suis contenté provisoirement du second. Voici donc, après recherche, la première citation plus complète:

Η τι κατα πρηξιν η μαψιδιως ἀλάλησθε οἷά τε ληιστῆρες;

Ici aussi, on pourrait à la rigueur traduire: «Est-ce pour des affaires que vous errez, ou dans des desseins trompeurs, et comme des brigands?»

Et immédiatement après (Odyssée IX, 254 ainsi que III, 73), il apparaît un autre τε qu'on peut traiter d'une manière comparable.

Horatius a écrit:
Cependant, tous ces sens de -que/ te peuvent converger vers un sens originel commun. C'est cela que j'avais voulu dire, tout simplement.

J'ai voulu illustrer exactement la même chose: τε doit, sans aucun doute, se comprendre et se traduire de plusieurs manières, selon le contexte; mais le fait qu'il puisse à la rigueur se traduire par «et» (là où les dictionnaires prônent une autre traduction), indique qu'à l'origine, il y a une sorte de sens unique qui s'est légèrement diversifié.
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Mechthild



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Messageécrit le Thursday 15 Mar 12, 19:07 Répondre en citant ce message   

Une autre tournure avec τέ, c'est οἷός τέ εἰμί (je suis capable) dont l'origine serait intéressante. Mon dictionnaire grec affirme que le τέ y est copulatif...
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Athanasius



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Messageécrit le Thursday 15 Mar 12, 19:13 Répondre en citant ce message   

Intéressant! Cela mériterait un éclaircissement.
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u pistùn



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Messageécrit le Thursday 15 Mar 12, 19:52 Répondre en citant ce message   

Mechthild a écrit:
Une autre tournure avec τέ, c'est οἷός τέ εἰμί (je suis capable) dont l'origine serait intéressante. Mon dictionnaire grec affirme que le τέ y est copulatif...


S'il est copulatif, la tournure, littéralment, serait : capable et je suis ou, peut-être mieux, je suis et (aussi) capable = je suis capable
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Athanasius



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Messageécrit le Thursday 15 Mar 12, 20:07 Répondre en citant ce message   

Si le τε y est vraiment copulatif à l'origine, le sens premier de l'expression serait plutôt: «et tel que je suis».

Je me suis plus d'une fois demandé, en «oubliant» un peu ce τε, comment οἷός pouvait signifier ici «capable», alors que ce sens serait plus logique avec une forme démonstrative correspondante comme τοĩος, littéralement «tel» (devenant alors, avec un infinitif, «ayant la qualité de»). Mais le τε copulatif (s'il l'est vraiment) offrira peut-être une explication.


Dernière édition par Athanasius le Thursday 15 Mar 12, 20:10; édité 1 fois
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Horatius
Animateur


Inscrit le: 11 Apr 2008
Messages: 695

Messageécrit le Thursday 15 Mar 12, 20:09 Répondre en citant ce message   

En fait, le sens des tournures très classiques οἷός τέ ειμι (je suis capable) / οἷόν τε εστίν (il est possible) est dérivé des comparaisons dont nous parlions plus haut. Etre capable de quelque chose, c'est être à la hauteur de cette tâche (et l'on voit là, l'idée de comparaison).
D'ailleurs, ce sens de οἷoς peut se retrouver même sans τε : il arrive facilement qu'une construction comparative prenne ce sens :
Je cite l'exemple du dictionnaire Bailly, extrait de la Cyropédie de Xénophon :
Citation:
τοιοῦτοι πολῖται οἷοι πονηροῦ τινος ἕργου ἐφίεσθαι
Des citoyens capables de mettre la main à quelque méchante action.

Donc, en réalité, cette construction dérivée de la précédente n'apporte rien de plus sur le sens de "te".

Dans le dictionnaire étymologique de Chantraine, J'ai consulté l'article "te" et ne peux mieux faire que le citer (vous m'excuserez, les mots grecs sont en alphabet latin [problème de police et flemme de tout réécrire]) : en fait, il n'apporte rien de franchement décisif, est (forcément pour un dictionnaire) un peu allusif mais il fait le point sur la question, et la dernière hypothèse me plait bien (j'essaierai d'aller voir l'article cité, à l'occasion) :

Citation:
La particule enclitique provient du mycénien qe. L'emploi de cette particule pose des problèmes difficiles, cf. en dernier lieu Ruijgh, Autour de te épique. En mycénien, la particule qe est l'outil ordinaire de la coordination ; elle est employée pour des noms de personne, d'objet, etc.
Dans le grec postérieur te fonctionne rarement comme coordonnant isolé, mais surtout répété, notamment dans des tours comme oute… oute…

En dehors de ces emplois, te est utilisé, chez Homère et les poètes qui l'imitent, pour souligner un fait permanent, mais cet usage largement majoritaire n'est pas constant et les données sont confuses. Le plus grand nombre des exemples s'observe avec le relatif dans os te, d’où secondairement des tournures de te, gar te... Ruijgh estime que l'origine du tour se trouve dans l'expression os te où le te connexif a pris une valeur nouvelle ; ce savant pense aussi que os te s'est établi dans la langue après l'époque des tablettes mycéniennes et qu'à l'époque d'Homère il tendait à disparaître.

Mais il y a d'autres théories.
On peut écarter celle de A. Bloch, qui voit dans le te généralisant une particule différente de la conjonction : elle signifierait « comme on sait » et se rattacherait soit à une interjection soit au pronom de seconde personne.

Une autre analyse différente de celle de Ruijgh semble plus défendable, c'est celle qui rattache te au thème de l'indéfini, à la fois pour sa valeur générale désactualisante et sa fonction connexive. Il s'agirait alors d'un archaïsme, cf. lat. quisque, voir, avec diverses nuances, Gonda, Mnemosyne 4e s., 7, 1954, 177-214 et 265-29.


Une chose paraît cependant acquise : il ne faut pas vouloir donner à toute force un sens copulatif (ou connexif) à toutes les emplois d'Homère. Homère n'est pas premier, il est le fruit d'une évolution antérieure à lui, dont nous ne savons malheureusement pas grand chose.


Dernière édition par Horatius le Saturday 17 Mar 12, 12:05; édité 2 fois
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Athanasius



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Messageécrit le Thursday 15 Mar 12, 20:17 Répondre en citant ce message   

Merci, Horatius, de cette citation. Oui, la dernière hypothèse, celle qui rapproche ος τε et quisque est à première vue bien pertinente.
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Athanasius



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Messageécrit le Friday 16 Mar 12, 23:30 Répondre en citant ce message   

Horatius a écrit:
Une chose paraît cependant acquise: il ne faut pas vouloir donner à toute force un sens copulatif (ou connexif) à tous les emplois d'Homère.

Je reviens un peu sur cette affirmation après avoir consulté le Bailly sur τε. Sauf erreur de ma part (ai-je lu ou survolé trop vite?), il n'y est nulle part question du τε indéfini... Le dictionnaire distingue principalement le τε copulatif et le τε «au sens relatif»!

En fait, dans ce dernier cas, τε est toujours associé à un pronom relatif ou à un adverbe relatif (ayant valeur de conjonction de subordination). Je vois une explication (hypothétique) à la présence de ce τε à côté d'un relatif, dont il n'a pas encore été question précédemment:

Le relatif a au départ un sens démonstratif, comme c'est suffisamment établi à propos du pronom relatif ος («qui» mais aussi «lui») et d'un adverbe comme ως («comme» mais aussi «ainsi»). Serait-il donc impensable qu'une tournure comme ος τε («qui») signifie à l'origine simplement: «et lui», et un mot comme ωςτε («de sorte que», «par conséquent»), à l'origine simplement: «et ainsi»?

En y réfléchissant, je trouve cette explication tellement simple que je me demande par quel miracle il n'en a pas encore été, au moins, question plus haut dans la discussion!... (Dans le dernier passage cité par Horatius, il semble y avoir une allusion à cette hypothèse - à propos des explications de Ruijgh -, mais ce n'est pas très net.)
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Mechthild



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Messageécrit le Sunday 25 Mar 12, 20:52 Répondre en citant ce message   

Une remarque à part pour rafraîchir un peu les esprits après la discussion sur le τε copulatif ou non copulatif: le τε/-que attaché à un mot se retrouve en gothique, où il y a le mot ni-h (= lat. neque), qui a survécu jusqu'à maintenant en néerlandais et allemand sous la forme "noch".


Il en va de même pour doch (mais, pourtant): le -ch, anciennement -h, est une particule de renforcement, comme τε/-que.
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Athanasius



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Messageécrit le Monday 26 Mar 12, 6:06 Répondre en citant ce message   

Mechthild a écrit:
Il en va de même pour doch (mais, pourtant): le -ch, anciennement -h, est une particule de renforcement, comme τε/-que.

Et le premier élément, do-?

Soit dit en passant, cela fait penser, pour la seule forme (le sens est tout autre), à l'ancien français don-que. (J'ai profité de votre remarque pour parler du «particule de renforcement» dans le fil latin consacré aux coordinations et / atque / -que.)
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Mechthild



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Messageécrit le Monday 26 Mar 12, 17:19 Répondre en citant ce message   

En ce qui concerne l'élément do-, voici une citation du dictionnaire DWDS (http://www.dwds.de/?qu=Doch&view=1):

Citation:
...das sich wohl aus dem ursprünglichen Pers.pron. der 2. Pers. Sing. (ie. *tū̌ [...]) zur hervorhebenden und auffordernden Partikel entwickelt hat (jedoch wird auch Anschluß an den Pronominalstamm ie. *te-, *to- erwogen [...])

En français: ...qui provient probablement de l'ancien pron. pers. de la 2ème pers. sg. (ie. *tū̌ [...]) et est devenu une particule de soulignement et d'invitation (cependant, il est aussi rapproché de la racine pronominale indo-européenne *te-, *to-[...]).
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