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sopalin
Inscrit le: 07 Nov 2005 Messages: 29 Lieu: Peuwisse
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écrit le Sunday 30 Dec 12, 20:34 |
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Un grand nombre de langues connaît le gérondif. Exemples :
- to be + V. en ing en anglais
- estar + V. en ando en espagnol
- V. en te + imasu en japonais
En français pourtant, malgré l'existence de la forme en + v. en ant, on passe dans un certain nombre de cas par une expression toute faite, "être en train de". D'où vient cette expression ? D'autant que le mot train n'a pas toujours véhiculé une idée de déplacement, de continuité (le Robert historique donne "ensemble de cadavres dont la terre est jonchée" comme premier sens au 12è siècle, et celui de "convoi de bête" en 1190, mais l'idée d'allure n'apparaît qu'au 16è siècle).
Est-ce qu'en vieux français, l'expression existait déjà ou la formait-on différemment ?
Avant que les trains aient des roues, disait-on "être en cheval de" ?
Et y a-t-il des équivalents de construction similaire dans d'autres langues ? |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3861 Lieu: Paris
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écrit le Sunday 30 Dec 12, 21:43 |
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Le TLFi atteste l'expression seulement en 1512 :
Citation: | c) 1512 être en train de faire qqc. « en pleine action » (Corresp. de l'empereur Maximilien Ieret de Marguerite d'Autriche, éd. M. Le Glay, t. 2, p. 66); 1567 être en train de « être en voie de » (Amyot, Démosthène, éd. L. Clément, p. 53); 1731 « id. » loc. servant à exprimer l'aspect duratif d'une action (Marivaux, Marianne, éd. J. Janin, 9); |
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Sunday 30 Dec 12, 22:41 |
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sopalin a écrit: | Et y a-t-il des équivalents de construction similaire dans d'autres langues ? |
Dans les langues germaniques continentales, il y a une sorte de structure avec une préposions ou des adverbes. C'est moins naturel qu'en anglais et aussi lourd qu'en français.
allemand: sein beim + infinitif substantivé
C'est très courant en suisse-allemand, nettement moins en allemand standard au point d'être considéré comme maladroit. On préfèrera rajouter tout simplement gerade au verbe conjugué normalement au présent. A noter qu'une construction avec une infinitive encore plus lourde existe en combinant les deux: gerade dabei sein, zu + Infinitif. Ne pas en abuser.
néerlandais: zijn aan het + infinitif
On trouve aussi la version abrégée en aan 't + infinitif. La structure est assez naturellement employée même à l'écrit.
danois: at være ved at + infinitif
Renforcé assez souvent par l'adverbe lige. Ce n'est pas d'une grande élégance mais c'est correct et si le reste de la phrase n'est pas trop lourd, ça passe très bien à l'oral comme à l'écrit. Remarquez, à l'oral, tout va tellement vite en danois que rien n'a le temps d'être pesant. |
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Breizhadig
Inscrit le: 12 Nov 2004 Messages: 860 Lieu: Penn ar Bed / Finistère
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écrit le Sunday 30 Dec 12, 23:22 |
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Il existe aussi une tournure ce de type dans les langues celtiques, voilà ce qu'il en est pour la branche britonnique (breton, gallois, cornique):
breton : bezañ (forme progressive: ema-) + o (particule verbale) + infinitif; exemple: emaon o kousket (je dors)
gallois : bod + yn + infinitif : dw i'n cysgu
cornique : bos (forme progressive: yth es-) + ow + infinitif : yth esov vy ow koska
Note : la particule verbale "o" a un équivalent principalement utilisé dans le pays vannetais: "é", ce qui semble se rapprocher du gallois "yn".
En gallo (langue romane parlée en Haute Bretagne), il existe la tournure "èstr a + infinitif" qui est utilisée systématiquement dans ce contexte, par exemple: je soe a dormi.
Pour ce qui est du gérondif, en breton on utilise "en ur" ou "e-serr" suivi du verbe à l'infinitif, par exemple: emaon o lenn ul levr e-serr selaou sonerezh (je lis un livre tout en écoutant de la musique) |
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sopalin
Inscrit le: 07 Nov 2005 Messages: 29 Lieu: Peuwisse
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écrit le Monday 31 Dec 12, 0:17 |
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Je ne l'ai pas précisé mais le détail n'est pas inintéressant :
en anglais le gérondif se forme avec to be : ("être", comme en français)
en espagnol avec le verbe estar : ("être", mais avec la nuance d'état provisoire)
en japonais avec le verbe imasu ("il y a", à l'exclusion des objets inanimés)
Ce sont donc des constructions similaires dans leur forme, mais elles ne disent pas exactement la même chose.
Dans les langues nordiques et celtiques, on retrouve également l'équivalent de "être" ? Avec certaines nuances propres à la langue je suppose ?
Par ailleurs dans les expressions que vous citez, certaines font appel à un substantif non verbal comme "en train de" en français ? |
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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6525 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Monday 31 Dec 12, 0:24 |
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En anglais, pour expliquer le gérondif, on dirait :
in the process of : dans le processus (dans l'acte) de ...
I am singing = I am in the process of singing = litt. je suis dans le processus (dans l'acte) de chanter. |
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Tjeri
Inscrit le: 13 Sep 2006 Messages: 996
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écrit le Monday 31 Dec 12, 19:51 |
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En finnois on exprime cela avec le verbe olla (être) + l'inessif de l'infinitif qui substantivise le verbe de l'action.
L'inessif est le cas locatif qui indique l'état statique à l'intérieur d'un endroit.
Autrement expliqué, on dit "être dans l'action de..."
olen syömässä: je suis en train de manger |
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alloa
Inscrit le: 27 Aug 2008 Messages: 82 Lieu: Córdoba - Argentine
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écrit le Tuesday 01 Jan 13, 14:32 |
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En piémontais, c'est la tournure esse an camin a + infinitif /che + indicatif qui est utilisée, par ex.:
A l'era an camin ch'as cogiava = il/elle était en train de se coucher. |
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Geremi
Inscrit le: 12 Jan 2006 Messages: 181 Lieu: Nissa
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écrit le Friday 04 Jan 13, 4:50 |
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En niçois (occitan ) , on a la forme:
estre à + infinitif
ex: Siéu à faire quaucaren = je suis en train de faire quelque chose |
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Gotthelf
Inscrit le: 25 Jul 2012 Messages: 51
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écrit le Friday 04 Jan 13, 9:48 |
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La locution verbale 'être en train de' vient de 'être en voie de':
"(…) 1512 être en train de faire qqc. « en pleine action » (Corresp. de l'empereur Maximilien Ieret de Marguerite d'Autriche, éd. M. Le Glay, t. 2, p. 66); 1567 être en train de « être en voie de » (Amyot, Démosthène, éd. L. Clément, p. 53) (…)"
http://www.cnrtl.fr/etymologie/train
Origine: via (Latin) = rue; in viam se dare |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Friday 04 Jan 13, 17:26 |
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yiddish :
On se sert de la tournure : האַלטן אין = haltn in + infinitif
Ainsi, je suis en train d'écrire se dira : איך האַלט אין שרײבן : ikh halt in shraybn
Si l'on veut marquer l'aspect progressif continuel ( je suis en train d'écrire et je continue à le faire) on utilisera:
האַלטן אין אײן = haltn in eyn + infinitif
=איך האַלט אין אײן שרײַבן = ikh halt in eyn shraybn = je continue d'écrire ou plutôt : je ne fais qu'écrire |
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gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
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écrit le Friday 04 Jan 13, 18:30 |
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Dans un certain nombre de langues, la situation est assez simple:
On utilise une tournure verbale signifiant "être dans l'état réalisant l'action" pour dire "je suis en train de réaliser l'action", bref on passe d'une vision dynamique et éventuellement transitive à une vision statique.
Exemple en japonais :
Vocabulaire:
本 hon [nom] livre
読む yom-u [verbe transitif]lire (quelque chose)
いる i-ru être (quelque part). [verbe intransitif d'existence pour un être animé]
本を読んだ. hon-o yonda.
-o est la marque de COD du verbe transitif.
yonda < yom+ta ou -ta est la marque de l'accompli.
livre-COD lire-TA -> j'ai lu un livre/des livres.
Par contre,
本を読む。 hon-o yomu.
livre-COD lire.
Ça ne peut signifier "je suis en train de lire un livre". Le verbe sans marque peut soit indiquer une action générale sans référence a une réalisation précise: "Je lis des livres (par nature, par habitude)", "je suis lecteur". Ou bien, si le contexte est clair, ça peut indiquer une action future: "Je lirais le livre".
Pour indiquer une action en cours, on a recours a une construction forme en -te du verbe principal suivi du verbe iru.
本を読んでいる。hon-o yonde-iru.
livre-COD lire-TE-iru.
-te est une particule qui "adverbialise" ou "circonstancialise" la proposition qu'elle qualifie.
"je suis dans l'état 'lisant un livre'" ie "je lis un livre" (j'ai commencé à le lire).
On peut transposer cela à l'accompli:
本を読んでいた。hon-o yonde-ita.
livre-COD lire-TE-i-TA.
"j'ai été dans l'état 'lisant un livre'" ie "je lisais un livre"
La forme en -te+iru est tellement courante en japonais, qu'elle est prononcée comme si le -te et le iru faisaient partie du même mot, ie prononcée -te:ru avec un e long, et ou -teru (je penche plus pour une apocope du i que pour une abréviation d'une voyelle longue pour cette dernière forme).
本を読んでいる。hon-o yonde-iru. est souvent traduit par "Je suis en train de lire un livre", mais si on veut préciser que c'est ce qu'on est en train de faire à ce moment précis, on va utiliser la même tournure suivie de tokoro da:
本を読んでいるところだ。hon-o yonde-iru tokoro da. "Je suis maintenant en train de lire un livre"
Remarque 1:
Tout ce qui précède ne concerne que les verbes d'action (par opposition aux verbes d'état) duratifs (par opposition aux verbes ponctuels).
Pour les autres classes de verbes, la forme en -te-iru aura d'autres sens:
Pour les verbes (ponctuels) de changement d'état, le sens est celui d'être dans l'état résultant de l'action de changement d'état:
窓が開く。mado-ga aku. La fenêtre s'ouvre. (la fenêtre passe de l'état fermé à l'état ouvert).
窓が開いている。mado-ga aite iru. La fenêtre est ouverte. (énoncé d'un fait: la fenêtre est à l'état ouvert)
et pour être complet:
窓を開けている。mado-o akete-iru. Quelqu'un est en train d'ouvrir la fenêtre. -> La fenêtre est en train d'être ouverte.
窓が開けてある。mado-ga akete-aru. La fenêtre a été ouverte. (énoncé d'une conséquence: la fenêtre est dans l'état résultant de son ouverture par quelqu'un)
Remarque 2:
Les construction en -te+verbe "auxiliaire" sont assez fréquentes en japonais.
forme en -te+dasu: commencer à faire l'action du verbe
forme en -te+owaru: finir de faire l'action du verbe
forme en -te+naosu: refaire l'action du verbe
forme en -te+nareru: s'habituer à faire l'action du verbe
etc.
En Nahuatl, on a une construction similaire, mettant en jeu la base du prétérit du verbe suivi d'un morphème -ti- ("ligature verbale") et du verbe cah "être (quelque part)"
Tlein ticchīhua? - Ca zan oc nitlacua. [λe-in ti-k-čīwa] -[ka san ok ni-λa-kʷa]
tlein: pronom interrogatif quoi? dans sa forme longue
chīhua: faire, fabriquer (qque chose)
cua: manger (qque chose)
ti- pronom sujet 2e Personne du singulier
ni- pronom sujet 1e Personne du singulier
-c-: pronom objet (défini) 3e personne. Objet défini, car reflétant le pronom interrogatif
-tla-: pronom objet (indéfini) 3e personne
"Quoi tu-le fais?" "En fait (Ca), ce que je me contente de faire (Zan), pour l'instant (Oc), c'est de manger (qque chose)" -> "Que fais tu? Je mange."
D'ou
Tlein ticchīuhticah? - Ca zan oc nitlacuahticah. [λe-in ti-k-čīw-ti-ka'] -[ka san ok ni-λa-kʷa'-ti-ka']
"Qu'es-tu en train de faire? Je suis en train de manger." |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1887 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Saturday 05 Jan 13, 10:44 |
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Citation: | En Niçois (occitan Occitanie) , on a la forme:
estre à + infinitif |
C'est la même forme en wallon.
Exemple: dji so a moûde, litt. je suis "à" traire. |
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