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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Thursday 09 May 13, 16:38 |
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Dans le poste de Qassim en arabe algérien, je lis "kima", qui, je suppose, se traduit par "comme".
J'imagine que c'est l'équivalent de l'arabe littéraire كما "kamâ"...
En égyptien, celui-ci est remplacé par "zayy" (comme, comment), mais on trouve "kamân" pour "aussi". Je me demandais si ce mot venait de "kamâ", puisque le sens est proche.
Et utilise-t-on أيضا "ayDan" comme en arabe littéraire pour dire "aussi" dans d'autres dialectes? |
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Qassim
Inscrit le: 06 May 2013 Messages: 203
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écrit le Thursday 09 May 13, 17:13 |
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Pour le kima ou le ki en arabe maghrébin (mais plus typique de l’Algérie), il y a deux théorie qui s'affrontent:
-il s'agit d'une réduction de la particule pan-maghrébine "kif" (comme et quand), et "kima" serai donc issue de "kifma" et non pas du "kama" classique, on écrirai donc pour "il est mort comme un chien": مات كي الكلب
-C'est une variante maghrébine du comparatif classique 'ka', les andalous employaient cette particule dans leur dialecte et j'ai lu quelque part que les phéniciens (ou les araméens?) avaient pour comparatif ki, le phénicien à eu un grand rayonnement dans le Maghreb dans l'antiquité, ces deux paramètres ont pu contribué à l'apparition de cette particule. La phrase du dessus s'écrirai : مات كِالكلب
Pour le mot "aussi", c'est la première fois que je voit "kaman", nous n’utilisons jamais "ayDan" dans notre quotidien, mais plutôt :
ثاني"tâni'
ڨانا gânâ (un mot turque)
كذالك kedâlik (plutôt rare)
كيف كيف kîf kîf
سوا سوا swâ swâ
قد قد qed qed |
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Tobias
Inscrit le: 14 Apr 2012 Messages: 46 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 09 May 13, 19:21 |
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En hébreu comme se dit kemo , k'mo et comment se dit kama. Donc il s'agit probablement d'une racine sémitique en arabe. |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Thursday 09 May 13, 19:30 |
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J'ai quand même remarqué qu'avec la scolarisation en arabe, les formes classique كذالك et أيضا sont parfois utilisés sans efforts particuliers (à vrai dire, moi même qui ne suis pas arabophone de naissance, il m'arrive de les utiliser lorsque j'essaie de parler en darija).
Quand à la survivance punique, ça me semble difficile à croire si l'on considère que l'arabe maghrébin doit principalement son origine aux tribus bédouines venues par le Sahara (excepté quelques dialectes appelés "pré-hilaliens') alors que les établissements phéniciens étaient exclusivement sur la côte ; et qu'au début de l'arabisation massive, les Puniques avaient perdu leur hégémonie depuis plus mille ans. Quant au punique, difficile de dire quand il a cessé d'être utilisé même si certains affirment, plus par idéologie à mon sens, qu'il y a une continuité entre le punique et l'arabe maghrébin. |
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Qassim
Inscrit le: 06 May 2013 Messages: 203
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écrit le Thursday 09 May 13, 21:10 |
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@Azwaw
Le seul témoignage que nous avons sur ce sujet est celui d'Augustin d'Hippone, d'après lui, c'était encore la langue de certains ruraux au 5ième siècle ap-JC, soit moins de 2 siècles avant les conquêtes islamiques. Il y a aussi ce récit du voyageur Al-Bakri du 11ième siecle:
"Les habitants de Sirte parlent une espèce de jargon qui n´est ni arabe, ni persan, ni berbère, ni copte; personne ne peut les comprendre, excepté eux-mêmes".
Et puis quand on sait l'importance du bilinguisme dans les sociétés humaines, il n'est pas impossible que le punique ai pu servir de koinè pour les échanges commerciaux bien après la chute de Carthage. |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Thursday 09 May 13, 21:20 |
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Augustin dit que certains habitants se disent "chanani" mais il me semble qu'il ne donne aucune information sur la langue que ces ruraux (je ne pense pas qu'Augustin maîtrisait le punique). D'aucuns pensent qu'ils parlaient en fait berbère même s'ils se disaient d'origine cananéenne. Après tout, il n'est pas rare d'entendre des kabyles dire, en kabyle, "nukni s waƐraven" (nous les Arabes) sans pour autant qu'ils soient Arabes.
Après la théorie est intéressante et peut être que dans certaines régions isolées de l'ancienne influence punique certains groupes sont passé de la langue punique à la langue arabe. Cependant, je ne pense pas que le punique soit à l'origine de l'arabe maghrébin. La ressemblance entre le ki maghrébin et le ki punique tient plutôt de la coïncidence selon moi. |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Thursday 09 May 13, 22:30 |
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Qassim a écrit: |
ثاني"tâni' |
En égyptien, tâni veut plutôt dire "encore", littéralement "un(e) deuxième (fois)".
Citation: | سوا سوا swâ swâ
قد قد qed qed |
Ca, je ne vois pas du tout d'où ça vient. J'imagine que ce sont des variantes de "kif kif". Est-ce que ce redoublement est typique des langues berbères ? |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Thursday 09 May 13, 22:57 |
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C'est effectivement fréquent en kabyle (même avec des mots d'origine arabe).
- kif kif : pareil ;
- swa swa : juste (dans le sens numérique, pour dire "le compte y est" par exemple. Swa veut dire "valoir") ;
- mara mara : de temps en temps ;
- cwit cwit (à lire "chouite") : un peu ;
- dima dima : tout le temps / toujours. |
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Qassim
Inscrit le: 06 May 2013 Messages: 203
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écrit le Thursday 09 May 13, 23:34 |
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Citation: | En égyptien, tâni veut plutôt dire "encore", littéralement "un(e) deuxième (fois)". |
Oui mais l'idée reste la même, je ne pense pas que cela peut gêner l'inter-compréhension. Si un charqi entendrait "ana tani" cela va surement lui sembler curieux mais il en comprendra le sens.
Citation: | Ca, je ne vois pas du tout d'où ça vient. J'imagine que ce sont des variantes de "kif kif". Est-ce que ce redoublement est typique des langues berbères ? |
Oui ce sont des variantes de kif kif.
سَوَاء swâ: "égal - semblable, équivalent" en arabe classique
"qed" est une réduction de "qadr" قَدْر pour "valeur, quantité, taille, teneur, dimension, masse, montant ", cette abréviation est commune à la plupart des dialectes (notament à travers la locution "qeddâš pour dire combien)
En effet cela ne m’étonnerai pas que ce genre de répétition soit issue du berbère. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11192 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 10 May 13, 6:07 |
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Feintisti a écrit: | En égyptien, celui-ci est remplacé par "zayy" (comme, comment), mais on trouve "kamân" pour "aussi". Je me demandais si ce mot venait de "kamâ", puisque le sens est proche. |
Quand on pense en termes de catégories grammaticales tout s'éclaire. Il faut, en arabe égyptien, distinguer
- la préposition زيّ zayy, "comme" suivie d'un groupe nominal.
- la conjonction زيّما zayyemā, "comme" suivie d'un groupe verbal.
- l'adverbe كمان kamān, "aussi", probablement issu de la conjonction classique كما kamā - ou de l'adverbe interrogatif كم kam, "combien" - et adverbialisé sur le modèle des adverbes classiques en -an comme أيضًا ayḍan et tant d'autres. Il aurait donc pu s'écrire * كمًا mais ce n'est pas la graphie qui a été retenue, et qui, avec son ā long, est plus phonétique, mieux représentative de la prononciation réelle. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Friday 10 May 13, 8:43 |
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Qassim a écrit: | "qed" est une réduction de "qadr" قَدْر pour "valeur, quantité, taille, teneur, dimension, masse, montant ", cette abréviation est commune à la plupart des dialectes (notament à travers la locution "qeddâš pour dire combien). |
Beaussier range qed qed dans la famille qedd قدّ suffire, égaler, pouvoir, famille qui comprend notamment l'adverbe qedd, autant, comme, aussi, autant que. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11192 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 10 May 13, 8:52 |
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Il y a une autre façon de voir et de dire les choses, qui va mettre tout le monde d'accord : les deux mots relèvent en fait du même étymon {q,d} (Bohas 97, étymon nº 167) , et c'est la famille de qdr qui est issue de l'autre par incrémentation du r final. |
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Qassim
Inscrit le: 06 May 2013 Messages: 203
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écrit le Friday 10 May 13, 22:44 |
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Citation: | Beaussier range qed qed dans la famille qedd قدّ suffire, égaler, pouvoir, famille qui comprend notamment l'adverbe qedd, autant, comme, aussi, autant que. |
Oui cette explication est plus satisfaisante, notamment pour la shedda que l'on retrouve dans certaine expression comme "qeddâš" et "qedd mâ" (autant que). |
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