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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Tuesday 18 Jun 13, 14:12 |
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J'ai remarqué que les dialectes arabes, comme une alternative au simple génitif (deux groupes nominaux successifs, dont le deuxième est au cas indirect en arabe classique), utilisent un mot qui signifie "appartenant à". Cependant, ce mot diffère d'un dialecte à l'autre.
Les dialectes levantins utilisent un mot qui semble avoir pour origine le même mot classique تابع tâbi3 "dépendant, rattaché, subordonné, suivant" : taba3/tab3(a)t/taba3(în) (le suffixe du pluriel -în n'apparaît qu'avec un nom animé).
ex. il-bêt taba3 abûy la maison de mon père
is-sâ3a taba3ti ma montre
li-wlâd taba3îni mes enfants
il-ašya taba3na nos affaires
En égyptien, on utilise bitâ3/bitâ3(i)t/bitû3 :
ex. il-bêt bitâ3 abûya la maison de mon père
is-sâ3a bita3ti ma montre
il-wilâd bitû3i mes enfants
il-Hagât bitu3na nos affaires
Les dialectes du Maroc ont tendance à utiliser dyal et ddi (abrégé en d). Notez que (d)d(i) s'utilise après certains autres mots comme šHâl "combien".
ex. eD-Dâr dyali ma maison
eD-Dâr dyal Driss la maison de Driss
šHal d l-ktub? combien de livres? (ou šHal mn ktab?)
Dernière édition par Feintisti le Friday 01 Nov 13, 19:24; édité 3 fois |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Tuesday 18 Jun 13, 14:25 |
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Feintisti a écrit: | Les dialectes du Maghreb ont tendance à utiliser dyal (ou simplement d(e) un peu comme en français). |
Ça me semble plus marocain que panmaghrébin. Dans l'Algérois, c'est plutôt nta3, déformation de mta3. |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Tuesday 18 Jun 13, 14:27 |
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Merci de le souligner. J'avais oublié ce nta3.
Ce mot vient donc de متاع matâ3, qui signifie "bien, bagage, ustensile, objet utile, etc.".
[ Voilà qui fera plaisir à la crème nta3 la crème. ]
J'ajoute le maltais ta', sans doute de la même origine.
Il-kelb ta' John Le chien de John
L-dar tal-mara La maison de la femme
Dernière édition par Feintisti le Tuesday 18 Jun 13, 14:42; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11193 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 18 Jun 13, 14:39 |
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Je crois que ce sujet a déjà fait l'objet d'un débat, qui va certainement t'amener à revoir ton premier post. Cherche bien, moi, tout de suite, je n'ai pas le temps.
Bon finalement j'ai eu le temps et la chance. C'est ICI. |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Tuesday 18 Jun 13, 14:56 |
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Effectivement, une simple recherche suffit à retrouver ce fil. Cela dit, certains messages intéressants sur "dyâl" et "ddî/d" sont sur un fil précédent.
la creme nta3 la creme a écrit: | ddi existe dans je pense tous les vieux parlers juifs du Maroc, et dans quelques dialectes musulmans ( tlemcen, jijel). C'est un mot pré-hilalien.
la contraction d, est une variante très courante de dyal au Maroc, surtout devant l'article el.
On ne sait pas de source sure d'où vient dyal. Certains pensent a une origine romane (espagnole..etc), cela pourrait aussi venir de اذيال pluriel de ذيل "queue". Puisque la plupart des mots signifiant "de", "appartenant à quelqu'un", proviennent d'une racine qui expriment l'idée de suivre (ex: taba3 en Syrie), ou d'appartenance ( imtâ3 veut dire les affaires je pense).
Il y a des tas de mots signifiant "de" si on prend tout les dialectes arabes, donc je pense que c'est possible, même si "queue" paraît, éloigné, on peut penser à l'idée que la queue est un membre attaché au corps qui le "suit"....et quand on connait "l'imagination" que peuvent prendre les dérivations des racine arabes pourquoi pas. |
Adel514 a écrit: |
Il me semble qu'il y a une différence importante entre dhû, dhî et dial, ddî
Le premier indique la possession dhû lqarnayn = celui qui possède les deux cornes.
Le second indique l'appartenance eDDâr dial muhemmed = la maison de (qui appartient à) muhemmed.
Dans les dialectes maghrébins, dhû a été remplacé par bû. Exemple: bûshlâghem = celui qui a des moustaches.
dhû lqarnayn est devenu bûlegrûn
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Je vais sans doute réunir le tout.
En ce qui concerne l'origine de "bitâ3", j'avais simplement repris la théorie de Margaret K. Omar (1976) dans sa comparaison entre les dialectes levantins et égyptiens.
Effectivement, je pense plutôt que l'origine de l'égyptien "bitâ3" est "matâ3", ce qui expliquerait pourquoi il prend un pluriel interne (bitû3) et pas la forme levantine (taba3în). |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Tuesday 18 Jun 13, 15:17 |
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embatérienne a écrit: | Feintisti a écrit: | Les dialectes du Maghreb ont tendance à utiliser dyal (ou simplement d(e) un peu comme en français). |
Ça me semble plus marocain que panmaghrébin. Dans l'Algérois, c'est plutôt nta3, déformation de mta3. |
Le dyal s'utilise aussi, dans une moindre mesure, en Algérie non ? Même dans le centre du pays. |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Tuesday 18 Jun 13, 15:29 |
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Je vais essayer de résumer ce qui est dit dans le précédent sujet :
Il se trouve que tâ3 est utilisé aussi au Levant par les chiites libanais. Ce mot remplace totalement taba3 dans certains parlers, ce qui pourrait montrer qu'il s'agit du même mot.
Il y a une grande proximité avec le bta3 égyptien, lui-même issu, semble-t-il de mitâ3.
L'origine de la forme égyptienne est confirmée par la forme tunisienne mta3, qui devient nta3 en Algérie.
Cependant, concernant taba3, puisqu'un mot tâbi3 existe en arabe classique, on n'exclut pas totalement cette origine, même s'il serait un cas isolé.
@Azwaw: Comme dans d'autres cas, les frontières des pays ne correspondent pas toujours avec les frontières des parlers (isoglosses, etc.). Il ne me parait pas surprenant qu'un mot marocain soit utilisé par certains algériens. |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Tuesday 18 Jun 13, 17:20 |
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Visiblement, il n'y a pas qu'en Tunisie qu'on utilise la forme mtâ3, puisque c'est également le cas en Libye.
Ex: Târga mtâ3 s-siyyâra plaque d'immatriculation
Cela dit, btâ3 en est une variante, ce qui prouve l'idée exposée sur l'autre sujet.
Notez d'autres usages de mtâ3 en libyen (j'ignore si c'est le cas dans les dialectes voisins) :
- le sens de "chose, truc, espèce de", comme dans l3abt mtâ3 al-mâkîna? avez-vous joué à l'espèce de machine ?
- "environs", comme dans l-farg mtâ3 3ashrîn digîga la différence est d'environ 20 minutes. |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Thursday 20 Jun 13, 15:04 |
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Selon le dictionnaire d'arabe irakien de Clarity, Stowasser & Wolfe (1964), la possession se fait par un mot spécifique, mâl (qui en arabe classique signifie "(un) bien (de)").
Ex:
has-sayyâra mâl man? À qui cette voiture appartient-elle?
S-SaTiH mâl bêtna kullish 3âli Le toit de cette maison est très haut. |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Friday 01 Nov 13, 19:26 |
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J'ajoute l'hébreu shel של dont j'ignore l'origine. |
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kristofru
Inscrit le: 13 Apr 2013 Messages: 58 Lieu: PACA
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écrit le Friday 01 Nov 13, 19:59 |
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Comme l'a dit Feintisti, en effet en maltais la possession s'indique par " ta' " actuellement . Il-dar ta' nannu : il dar ta nanou : la maison de grand-père.
Cependant d'après certaines écrits du XVIème siècle, on employait aussi bita' ou mita' indifféremment. |
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shlomoavital
Inscrit le: 19 Apr 2008 Messages: 129
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écrit le Friday 01 Nov 13, 21:02 |
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Feintisti a écrit: | J'ajoute l'hébreu shel של dont j'ignore l'origine. |
La décomposition est transparente :
-שֶׁ , she- , "qui" / "que"
+
-לְ , l- , "à"
=
שֶׁל , shel , m-à-m "qui [est] à"
On trouve dans la Bible quelques rares occurrences de shel, graphiquement encore attaché au possesseur : מטתו שלשלמה , mitato shelShlomo , "le lit de Salomon" (ou m-à-m "son lit qui-[est]-à-Salomon"). Shel devient très courant à partir de l'hébreu mishnique.
Contrairement à la double possession de l'exemple ci-dessus (le mot "lit" fléchi à la 3e personne du singulier pour dire "son lit" avec ajout redondant du shel), shel est suffisant en hébreu pour indiquer une possesion : ha-hatul shel David = "le chat de David". C'est même la forme normale et courante de la possession. La possession sémitique traditionnelle (uniquement par flexion du nom) est réservée aux noms de parenté et à des noms précis, sauf pour parler de manière très précieuse... La double possession comme dans l'exemple biblique ci-dessus, est, quant à elle, très courante à l'écrit et est considérée comme particulièrement élégante : shiro shel Moshe = "la chanson de Moshe" (m-à-m : "sa chanson qui-[est]-à Moshe").
A noter enfin, que shel se fléchit naturellement : sheli, shelkha, shelakh, shelo, shela, shelánu... et se rend en français par "à moi", "à toi", "à lui", etc. Exemple d'utilisation : ze haBáyt shelánu = "c'est notre maison" (m-à-m "c'est la-maison qui-[est]-à-nous"). |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11193 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 11 Feb 14, 5:00 |
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À mon avis, le l final de l'hébreu shel explique le l final de l'arabe dyal. C'est la préposition li agglutinée à ce qui reste en dialectal du relatif classique allaḏī, la voyelle a de dyal n'ayant qu'un rôle d'intermédiaire, de liaison. |
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Kugulistan
Inscrit le: 09 Aug 2010 Messages: 190
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écrit le Monday 28 Apr 14, 21:42 |
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Feintisti a écrit: |
Les dialectes du Maroc ont tendance à utiliser dyal et ddi (abrégé en d). Notez que (d)d(i) s'utilise après certains autres mots comme šHâl "combien".
ex. eD-Dâr dyali ma maison
eD-Dâr dyal Driss la maison de Driss
šHal d l-ktub? combien de livres? (ou šHal mn ktab?) |
Cette formation de la possession est proche de celle des dialectes araméennes. Comme dans le nom du dialecte judéo-araméenne : lishan didan (notre langue).
Nous pouvons lire dans l'ouvrage Aramaic (Assyrian/Syriac) Dictionary and Phrasebook :
En soureth (swadaya) :
mon : diyi / didi
ton (m) : diyokh / didokh
ton (f) : diyakh / didakh
le sien : diye / dide
la sienne : diya / dida
notre : diyan / didan
votre : diyokhon / diyakhu
leur : diyae / didhay
ex :
khona diyokh : ton (m) frère
ktawa diyi : mon livre
radhita diyan : notre voiture
radhiyata diyan : nos voitures
En turoyo :
mon : didhi
ton (m) : didhokh
ton (f) : didhekh
le sien : didhe
la sienne : didha
notre : didhan
votre : dithkhu
leur : dithe
ex :
u-ahuno didhokh : ton (m) frère
u-kthowo didhi : mon livre
i-radhayto didhan : notre voiture
i-radhayotho didhan : nos voitures
comme on le voit également, en Turoyo l'article ce place aussi dans le possessif.
Mais il existe aussi une forme suffixée comme en arabe :
Notre maison
baytan (soureth)
u-baytaydhan (turoyo) |
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Mr M
Inscrit le: 15 Aug 2012 Messages: 372
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écrit le Monday 03 Nov 14, 19:40 |
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Il est intéressant de noter que ce mode de génitif ( à savoir celui construit avec une préposition) est beaucoup plus courant au Maghreb que dans le reste de l'aire arabophone, il est peu employé dans les dialectes urbains d'Egypte et du Levant et encore plus rare dans les dialectes bédouins, on y préfère l'annexion ( Idhafa).
Au Maghreb même, plus l'on va vers l'ouest plus la préposition possessive ( dyal ou bien ntaɛ) est employée. De manière empirique j'ai pu constater que de manière générale les Tunisiens y avaient moins recours que les Algériens, les Marocains étant ceux qui emploient le plus cette construction ( surtout avec dyal). Ce qui me fait penser que le fort emploi de cette construction a pour origine la langue berbère, l'influence du berbère sur les dialectes arabes du Maghreb étant généralement plus forte au fur et à mesure que l'on vers l'ouest. |
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