Pascal Tréguer
Inscrit le: 16 Dec 2012 Messages: 694 Lieu: Lancashire - Angleterre
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écrit le Thursday 20 Nov 14, 16:19 |
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Un gigolo était l’amant de cœur d’une gigolette.
Dictionnaire historique d'argot (1878), par Lorédan Larchey :
Citation: | - gigolette: grisette, faubourienne courant les bals publics.
- gigolo: petit jeune homme fréquentant les lieux où se rencontre la gigolette. |
Ces deux mots avaient été étudiés en détail en 1864 par le journaliste et écrivain parisien Alfred Delvau dans Les Cythères parisiennes, histoire anecdotique des bals de Paris. À propos du bal les Folies-Robert, il explique :
Citation: | On y voit enfin, on y voit surtout, des gigolos et des gigolettes, — un mot nouveau et des mœurs nouvelles, qu'il faut expliquer à ceux qui ne les connaissent pas. Le gigolo est un adolescent, un petit homme, comme la gigolette est une adolescente, une muliéricule. L'un tient le milieu entre Chérubin et Don Juan, — moitié nigaud et moitié greluchon ; l'autre tient le milieu entre la grisette et la gandine, — moitié ouvrière et moitié fille. Le premier deviendra peut-être tout à fait greluchon; la seconde deviendra très certainement une fille, — parce que, sur la pente du plaisir où ils courent tous deux, il est plus facile à l'homme qu'à la femme d'enrayer à temps et de rentrer dans le giron de l'honnêteté. Maintenant, pourquoi la collaboration de ces deux jeunesses ? Parce que le gigolo et la gigolette sont tous deux enfants du pavé de Paris, et qu'ils se ressemblent par une foule de côtés : si j'osais, je dirais que l'un est le frère et l'autre la sœur. La gigolette, qui est ignorante comme une carpe, n'est pas fâchée de pouvoir babiller à son aise avec le gigolo, aussi ignorant qu'elle, sans redouter ses sourires et ses leçons ; et puis, pour elle, c'est un amant sans conséquence, qu'au besoin elle enverrait comme ambassadeur chez un amant sérieux — et qui irait sans être offusqué de la commission, la délicatesse lui étant aussi inconnue que la rhétorique. Amant sans conséquence, mais cependant amant avec tous les privilèges que ce titre comporte, — et aussi avec toutes les charges qu'il entraîne avec soi. — « Mon petit Totole, ou mon petit Guguste, ou mon petit Polyte, » dit la gigolette à son gigolo, « j'ai mon terme à payer après-demain, et il ne m'en a donné que la moitié : il faut que tu me fasses le reste. » Et le gigolo s'exécute, — à moins qu'employant l'argot de ces dames et de ces messieurs il ne lui réponde : « Du flan ! »
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Alfred Delvau explique ce qu’est un greluchon à l’article amant de cœur de son Dictionnaire de la langue verte, argots parisiens comparés (1866) :
Citation: | Amant de cœur. Jeune monsieur qui aime une jeune dame aimée de plusieurs autres messieurs, et qui, le sachant, ne s'en fâche pas, — trouvant au contraire très glorieux d'avoir pour rien ce que ses rivaux achètent très cher. C'est une variété du greluchon du XVIIIe siècle. On disait autrefois : ami de cœur. |
Dans ce même dictionnaire, Delvau ajoute, au sujet de gigolette :
Citation: | Jeune fille qui a jeté sa pudeur et son bonnet par-dessus les moulins, et qui fait consister son bonheur à aller jouer des gigues dans les bals publics, — surtout les bals de barrière. |
L’auteur souligne le mot gigues (= jambes), très probablement parce qu’il voit en ce mot l’origine de gigolette.
Origine du mot gigolette : il est probable qu’elle soit gigue dans l’un des sens de ce mot, et peut-être Alfred Delvau avait-il raison de penser que cette origine est gigues au sens de jambes.
On dit aussi parfois qu’il y a eu une influence du mot anglais maintenant obsolète giglet, ou giglot, apparu au 14e siècle et encore en usage à la fin du 19e siècle. Ce mot avait pour sens initial femme de mauvaise vie, puis, sous l’influence de giggle (= glousser/gloussement de rire), il a pris le sens adouci de jeune fille gaie, turbulente. Ce mot anglais giglet, giglot, est très probablement lié à l’un des sens obsolètes du nom gig, qui était fille écervelée, volage. |
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Pascal Tréguer
Inscrit le: 16 Dec 2012 Messages: 694 Lieu: Lancashire - Angleterre
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écrit le Thursday 20 Nov 14, 17:16 |
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Dans Dictionnaire de la langue verte, Alfred Delvau écrit aussi que le « peuple » se sert de ses gigues (= jambes) pour danser la gigue ou la faire danser aux gens qui l’ennuient, et que le verbe giguer signifie danser.
Il écrit aussi que :
- les gigues s’appelaient autrefois les gigoteaux,
- les gigots sont les cuisses,
- le verbe gigoter signifie remuer les gigues, danser.
D’après le CNRTL, gigoter vient de giguer, gambader, sauter, au moyen du suffixe fréquentatif -oter. |
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