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Sel de Guérande
Inscrit le: 11 May 2016 Messages: 2 Lieu: États-Unis
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écrit le Saturday 27 Aug 16, 5:29 |
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Je cherche depuis un moment un nom à une manière de parler à la deuxième personne et je n'arrive pas à trouver.
Voilà, quand une personne évoque son expérience subjective à la deuxième personne (du pluriel ou du singulier) - qu'est-ce ? et que cela signifie t-il de la psychologie d'un tel choix linguistique ? Je suis si possible à la recherche d'études sur le sujet, disponibles en ligne.
C'est une forme de discours indirect, mais quand je recherche ces termes, je trouve des sites décrivant la manière d'évoquer un discours (Elle a dit "je vais manger une pizza" vs Elle a dit qu'elle voulait manger une pizza.) Ce n'est pas ce que je recherche.
Je décris mon expérience subjective, mais au lieu d'employer le pronom "je", j'emplois le pronom "tu" ou "vous".
exemple : je décris mon expérience sur une montagne russe à un ami :
"Tu montes, et tu sens des frissons, tu sens comme si tu tombes dans le vide, etc."
Ce n'est pas mon ami qui est monté sur la montagne russe ! c'est moi ! pourtant j'évoque mon expérience subjective à la deuxième personne. Pourquoi ?
Ce type d'expression a t-il un nom ? Quelle est la psychologie sous-jacente de ce choix pour une personne qui parle ainsi ?
Il me semble que ce type de discours indirect implique une certaine forme de manipulation : j'évoque une expérience subjective en l'imposant à mon interlocuteur sans liberté de choix ou accord de sa part. Je dis : tu ressens ceci. Mais mon interlocuteur ne ressens pas ceci ! Il n'a pas été ou vécu l'expérience sur la montagne russe que je lui décris ! Il ne m'a pas non plus donné sa permission pour que je lui dise comment il doit sentir l'expérience.
Un dernier point que je recherche particulièrement : l'emploi de ce type de discours indique t-il une plus grande tendance au mensonge ? C'est à dire : une personne qui veut simuler l'expérience subjective d'un faux récit (qu'elle n'a pas vécu) aura t-elle plus tendance à employer ce genre de discours indirect qu'une personne qui a actuellement vécu une expérience X et qui la relate ?
L'emploi de ce type d'expression subjective indirecte permet-il de mieux saisir la véracité d'un témoignage ?
Par exemple, il serait inadmissible qu'un témoin, relatant devant jury son expérience subjective d'un fait, emploie ce genre d'expression indirecte - n'est-il pas ? |
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András Animateur
Inscrit le: 20 Nov 2006 Messages: 1487 Lieu: Timişoara, Roumanie
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écrit le Saturday 27 Aug 16, 11:53 |
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Je ne sais pas ce que ça exprime du point de vue psychologique, mais à mon avis il s'agit de l'expression familière de la personne indéfinie, au lieu de "on" dans le registre courant, même si en l'occurrence c'est une expérience subjective qui est relatée. Par ailleurs, en roumain, la 2e personne du singulier est couramment employée comme correspondante de la 3e avec "on". Exemple: "Nu știi niciodată ce-ți aduce viitorul" 'On ne sait jamais ce que vous réserve l'avenir', où en français on peut dire que la forme de COI d'attribution de "on" est le pronom personnel de la 2e personne du pluriel.
Dernière édition par András le Monday 17 Oct 16, 9:29; édité 1 fois |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1889 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Saturday 27 Aug 16, 21:25 |
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A l'inverse, si je puis dire, on connaît ces personnes qui, en expliquant, s'approprient le sujet dont ils parlent. Il s'agit souvent de problèmes techniques dans lesquels ils ne sont qu'analystes. "Et si ma colonne est trop longue, alors elle va flamber", par exemple.
Ca fait râler un bon ami, ces accapareurs. |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 896 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Sunday 28 Aug 16, 2:15 |
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Citation: | je cherche depuis un moment un nom à une manière de parler à la deuxième personne et je n'arrive pas à trouver.
Voilà, quand une personne évoque son expérience subjective à la deuxième personne (du pluriel ou du singulier) - qu'est-ce ? | Sans savoir ce qu'en disent les linguistes — ou les psys —, je serais tenté de parler de « mode persuasif »… |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1889 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Tuesday 30 Aug 16, 10:44 |
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Ce phénomène envisagé d'un point de vue psy pourrait être interprété comme voulant a priori dire : « Tu vas voir, si tu avais été là, tu aurais fait la même chose ! ».
Alors, c'est lié à (voire même, c'est) une projection au sens psy: Citation: | ... désigne l'opération mentale (généralement inconsciente) par laquelle une personne attribue à quelqu'un d'autre ses propres sentiments, dans le but de se sortir d'une situation émotionnelle vécue comme intolérable par elle | (Wikipedia, à défaut de mes bouquins de psy qui ont brûlé dans un incendie total...).
A toi de voir si c'est bien le cas que tu as relevé. |
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Gaspard
Inscrit le: 06 Aug 2008 Messages: 215 Lieu: France
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écrit le Tuesday 30 Aug 16, 17:32 |
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La deuxième personne du singulier peut être un style littéraire.
"Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine ..." (Apollinaire)
Dans ce cas, il me semble que cela relève du dialogue avec soi-même.
On entend aussi les jeunes utiliser tu à la place de on. Il semble que cela s'appelle la 'deuxième personne générique'. On trouve des études sur ce sujet sur internet. |
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yves
Inscrit le: 07 Aug 2007 Messages: 397 Lieu: Nevers
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écrit le Tuesday 30 Aug 16, 18:26 |
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On retrouve l'idée citée par Andras un peu plus haut.
C'est le sentiment que j'ai en lisant où entendant ça : une autre expression du "on". |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Tuesday 30 Aug 16, 18:58 |
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Gaspard a écrit: | On entend aussi les jeunes utiliser tu à la place de on. |
Je crois que cette tournure existe en latin, même si elle est populaire en français, elle est donc très ancienne. La perte de la culture littéraire chez les jeunes fait qu'ils ne savent plus qu'elle ne s'utilise pas à l'écrit ou dans l'oral formel mais ce n'est pas un tic générationnel. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Tuesday 30 Aug 16, 21:05 |
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Citation: | La perte de la culture littéraire chez les jeunes fait qu'ils ne savent plus qu'elle ne s'utilise pas à l'écrit. |
Il faut croire que Michel Butor l'ignorait, lui qui a rédigé tout un roman à la seconde personne : la Modification. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Tuesday 30 Aug 16, 21:11 |
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J'aurais dû préciser sauf effets de style voulus (imitation de l'oral, latinisme...). Mais je parlais bien du tu de généralité qu'on peut remplacer par on. Je n'ai pas lu ce roman mais est-ce bien un tu de généralité ? Je connais "Zone", le poème d'Apollinaire cité plus haut, et je ne suis pas sûr qu'on puisse y analyser le tu de la même manière que dans des phrases du genre :
Quand tu subis ça toute la sainte journée, bah à la fin t'en peux plus. |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 896 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Wednesday 31 Aug 16, 15:53 |
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Jeannotin a écrit: | […]Mais je parlais bien du tu de généralité qu'on peut remplacer par on. Je n'ai pas lu ce roman mais est-ce bien un tu de généralité ? […] |
En l'occurrence, le roman est rédigé à la 2e pers. du singulier, forme polie.
Citation: | Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant.
Vous vous introduisez par l'étroite ouverture en vous frottant contre ses bords, puis, votre valise couverte de granuleux cuir sombre couleur d'épaisse bouteille, votre valise assez petite d'homme habitué aux longs voyages, vous l'arrachez par sa poignée collante, avec vos doigts qui se sont échauffés, si peu lourde qu'elle soit, de l'avoir portée jusqu'ici, vous la soulevez et vous sentez vos muscles et vos tendons se dessiner non seulement dans vos phalanges, dans votre paume, votre poignet et votre bras, mais dans votre épaule aussi, dans toute la moitié du dos et dans vos vertèbres depuis votre cou jusqu'aux reins.
Non, ce n'est pas seulement l'heure, à peine matinale, qui est responsable de cette faiblesse inhabituelle, c'est déjà l'âge qui cherche à vous convaincre de sa domination sur votre corps, et pourtant, vous venez seulement d'atteindre les quarante-cinq ans.
[…] |
Il ne s'agit cependant pas d'un sujet indéterminé ou général : le personnage dont on parle est clairement identifié et la forme en Vous sert à mettre le lecteur dans sa peau.
• https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Modification#R.C3.A9sum.C3.A9 |
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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Thursday 01 Sep 16, 7:27 |
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AdM a écrit: | le roman est rédigé à la 2e pers. du singulier, forme polie |
Tu voulais sans doute dire « à la deuxième personne du pluriel, vouvoiement de politesse ». Je crois que c’est la formule consacrée.
Vouvoiement, ou vousoiement, ou voussoiement, qui tentent à reculer d’ailleurs. Il n’est plus rare de rencontrer deux personnes adultes, qui ne se connaissent pas, et qui se tutoient d’emblée. J’y vois une familiarité forcée, une sorte de jeunisme aussi. Mais il ne faut pas voir le mal partout…
Pour le tu à la place du je, ou du nous, ou du ils, j’y vois plus un phénomène sociolinguistique que psycholinguistique. Comme le on pour le nous. Quoique que « On est un con qui ne sait pas signer son nom… » |
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sopalin
Inscrit le: 07 Nov 2005 Messages: 29 Lieu: Peuwisse
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écrit le Sunday 16 Oct 16, 14:54 |
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Un homme qui dort, de Perec, est entièrement rédigé à la seconde personne du singulier, et c'est un récit qui tend vers l'autobiographie. Je ne crois pas qu'il y ait un nom pour cette figure de style, malheureusement. Mais rien n'empêche d'en créer un.
Sur le tutoiement immédiat entre adultes, c'est très clairement une pratique importée de l'anglais des affaires, dans lequel on désigne par ailleurs volontiers son interlocuteur par son prénom, même s'il est inconnu. L'espagnol tutoie également par défaut, mais l'influence est évidemment beaucoup moins flagrante. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Tuesday 18 Oct 16, 19:14 |
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Sopalin a écrit: | Sur le tutoiement immédiat entre adultes, c'est très clairement une pratique importée de l'anglais des affaires, dans lequel on désigne par ailleurs volontiers son interlocuteur par son prénom, même s'il est inconnu. |
"très clairement" importé de l'anglais des affaires, dis-tu.
Personnellement j'aimerais avoir un début de démonstration. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Tuesday 18 Oct 16, 20:23 |
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D'autant qu'en anglais, on ne tutoie pas tout le monde, on vouvoie tout le monde au contraire.
Mais il me paraît probablement vrai que la mode de s'appeler par les prénoms dans les entreprises a été calquée sur le modèle américain et que ça a entraîné aussi le tutoiement. |
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