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Ion Animateur
Inscrit le: 26 May 2017 Messages: 306 Lieu: Liège
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écrit le Wednesday 31 Oct 18, 23:24 |
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Méditant sur l’expression de Juvénal vitam impendere vero (« consacrer sa vie à la vérité »), l’auteur d’un récent article de journal avance que impendere signifie également « menacer ».
D’accord, mais c’est un impendere différent ! (quoiqu’en rapport avec le premier). Celui de Juvénal est composé de pendo, pendĕre (3e conjugaison), verbe transitif signifiant « peser, estimer, apprécier », d’où « payer » (« peser le métal qui sert de monnaie »). Cet impendĕre signifie « dépenser », ici « dépenser pour, consacrer à ». Quant à l’autre, signifiant « menacer », il est composé de pendeo, pendēre (2e conjugaison), intransitif, « être suspendu ». Le sens de « menacer » découle de l’idée d’être « suspendu au-dessus », comme dans l’expression impendet cervici gladius « un glaive menace la gorge (de Damoclès) », cf. Cicéron, Tusculanes, V, (21,) 62.
Le passage où Juvénal écrit vitam impendere contient d’ailleurs également une forme de pendeo
Juvénal, IV, 47- 54 Ribbeck (= ailleurs vers 84 - 91) a écrit: | quis comes utilior, si clade et peste sub illa
saevitiam damnare et honestum adferre liceret
consilium ? sed quid violentius aure tyranni,
cum quo de pluviis aut aestibus aut nimboso
vere locuturi fatum pendebat amici ?
ille igitur numquam direxit bracchia
contra torrentem, nec civis erat, qui libera posset
verba animi proferre et vitam impendere vero.
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(À propos de l’aimable Crispus, préfet de la Ville sous le cruel empereur Domitien)
« Quel compagnon aurait été plus utile, si, sous ce désastre et ce fléau-là, il avait été permis de condamner la cruauté et de proposer des avis honorables ? Mais quoi de plus irritable que l’oreille de ce tyran, quand, déjà, l’avenir d’un ami qui voulait discuter avec lui de pluies, de canicules ou d'un printemps nuageux n’était plus assuré ? Ainsi, Crispus ne tendit pas les bras contre un torrent, et il n'y avait pas un Romain qui eût pu librement laisser parler son coeur et consacrer sa vie à la vérité. » |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11195 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 01 Nov 18, 13:08 |
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Tu dis : "(quoiqu’en rapport avec le premier)"
Je pense que plus d'un lecteur appréciera d'apprendre quel rapport ces deux verbes entretiennent.
Merci d'avance pour eux ! |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 01 Nov 18, 14:05 |
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Je suis sûr qu'Ion répondra plus complètement, mais pour faire patienter, cet extrait d'Ernout et Meillet :
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Ion Animateur
Inscrit le: 26 May 2017 Messages: 306 Lieu: Liège
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écrit le Thursday 01 Nov 18, 17:39 |
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Eh bien, je crains fort de décevoir le lecteur : je ne pensais à rien de bien mystérieux, et tout est dit dans le passage d’Ernout-Meillet que tu nous cites. Simplement, pendo et pendeo véhiculent tous deux l’idée de « suspension ». Au départ, pendo devait signifier « faire pendre, laisser pendre » quoique ce sens ne semble guère attesté. Le mot s’est rapidement spécialisé au domaine de la pesée (« laisser pendre » en parlant des plateaux d’une balance et de leur charge, d’où « peser »).
En effet, les balances antiques étaient composées de deux plateaux suspendus à un fléau lui-même parfois suspendu à un anneau (exemple ici, modèles réduits de balances mycéniennes). Le plateau portant les poids de référence a été souvent remplacé par un poids mobile que l’on pouvait déplacer le long d'un bras gradué du fléau (exemple de balance romaine antique).
Pour « suspendre, pendre (y compris par le cou) », le latin recourt au composé suspendo, suspendĕre (3e conjugaison)
Dernière édition par Ion le Friday 02 Nov 18, 14:10; édité 1 fois |
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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Thursday 01 Nov 18, 23:38 |
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Puisqu'il est question de latin et de balance romaine,
voir ici l'étymologie de ce romaine.
L'image proposée par Ion irait bien dans le sens de cette étymologie.
Quoique que l'on y voit plutôt un citron qu'une grenade. |
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