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Métaplasmes linguistiques - Langues d'ici & d'ailleurs - Forum Babel
Métaplasmes linguistiques

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Outis
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Inscrit le: 07 Feb 2007
Messages: 3511
Lieu: Nissa

Messageécrit le Monday 18 Mar 19, 11:09 Répondre en citant ce message   

Il y a des métaplasmes qui, en biologie, concernent la cellule, je n'y entends goutte.

En linguistique, le métaplasme est l'altération possible d'un mot par adjonction, suppression ou inversion de sons ou de lettres. Le métaplasme se distingue de la simple faute — d'orthographe ou d'articulation — en cela qu'il est consacré par l'usage ou, autrement dit, qu'on le trouve chez les bons auteurs.

Métaplasme vient du grec μετα-πλασμός, terme de grammaire qui désignait le fait de créer des formes fléchies à partir de noms qui n'avaient pas de nominatif ou de verbes qui n'avaient pas de présent. Le préfixe μετα- [meta] ayant le sens vague de « à côté, au milieu, avec » et le verbe πλάσσω [plássō] celui de mouler ou de plâtrer, on est en plein dans l'artisanat.
Évoquons quelques métaplasmes.

L'anaptyxe, injustement oublié par Mallarmé sur les crédences du Sonnet en x, est simplement l'insertion d'un phonème entre deux consonnes, c'est le contraire d'un amuissement, on en rajoute. Le mot vient du grec ἀνά-πτυξις [anáptuxis] « ouverture, béance », où le préfixe ανα- [ana] signifie « au contraire » et le verbe πτώσσω [ptússō] « resserrer ».
Mais il y a anaptyxe et anaptyxe, voyons leurs deux formes.

L'épenthèse fut assez fréquente en passant du latin au français, c'est l'ajout d'une consonne de transition entre deux autres difficiles à articuler successivement. Ça s'est produit, par exemple, quand la chute d'une voyelle atone a mis en contact une nasale et une liquide : naturellement, au moment où la nasalisation s'interrompt, l'occlusive correspondante (b ou d) apparaît, d'abord furtivement, puis fermement :
• lat. camera > *camre > chambre ; lat. numerus > *numre > nombre ; lat. cumulus > *cumle > comble
• lat. cenere > *cenre > cendre ; lat. ponere > *ponre > pondre
Déjà, en grec ancien, ἐπ-έν-θεσις [epéntʰesis] était l'adjonction d'une lettre, de ἐπι- « sur », ἐν- « dans » et τίθημι « poser » :
• nominatif ἀνήρ [anēr] « homme (mâle) » > génitif *ἀνρός [anrós] > ἀνδρός [andrós]

Quand une suite de deux consonnes est d'articulation difficile, c'est une voyelle d'appui qu'on insérera entre elles, et c'est alors une svarabhakti. Cet emprunt au sanskrit स्वरभज, composé de svara « son, voyelle » et de bhakti « brisure » se produit spécifiquement en sanskrit entre une liquide et une consonne quand, par exemple, on prononce variṣa ce qui s'écrit varṣa « pluie, mousson, année ».
En français, l'exemple classique de svarabhakti est de prononcer [pønø] pour pneu.
Dans les reconstructions eurindiennes, le phénomène apparaît assez naturellement au cours de l'évolution phonétique. Je me contenterai d'un seul exemple :
Le r primitif était une semi-voyelle qui, comme y et w était susceptible d'être réalisé comme une voyelle (sommet de syllabe). Il subsiste en sanskrit () (et en serbe) mais la plupart des langues ont perdu cette possibilité et une voyelle d'appui — variable selon les langues et/ou le contexte phonétique — s'est développée pour appuyer un r devenu consonne :
• eur. *krd- « cœur » > skr. gén. hṛdas, lit. širdìs, gr. καρδία ou κραδίη (Homère) [kardía/kradíē], lat. gén. cordis.
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Romalia



Inscrit le: 16 Mar 2019
Messages: 41
Lieu: *Luidon (Lyon)/*Marsellie (Marseille)

Messageécrit le Monday 18 Mar 19, 22:07 Répondre en citant ce message   

numerum>nomre>nombre
Cette évolution en français date du latin vulgaire quand la pénultième voyelle chuta.
En espagnol aussi au XIII ème il me semble.

hominem>homne>homre>hombre.
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dawance



Inscrit le: 06 Nov 2007
Messages: 1886
Lieu: Ardenne (belge)

Messageécrit le Tuesday 19 Mar 19, 23:20 Répondre en citant ce message   

L'épenthèse m'intéresse particulièrement. Voici pourquoi.
Citation:
lat. ponere > *ponre > pondre
En wallon, on dit bien ponre (on pourrait donc ôter l'astérisque, si je ne m'abuse)
Pour ce qui est des autres épenthèses citées par Outis, je ne crois pas trop m'avancer en disant que le wallon a emprunté au vx fr. : wallon: nombe, combe, cinde et tchambe, étant entendu que le wallon refuse, par difficulté d'élocution, les finales consonnes +liquides, en l'occurrence: -ble, -bre, -dre, en perdant systématiquement la liquide (comme ultérieurement dans le français du Québec).
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Outis
Animateur


Inscrit le: 07 Feb 2007
Messages: 3511
Lieu: Nissa

Messageécrit le Monday 01 Apr 19, 16:33 Répondre en citant ce message   

L'astérisque ne marque pas une non existence, mais que je ne peux en fournir une attestation. C'est paresse et confort …

Quant à savoir s'il faut intégrer le wallon dans la phylogenèse du français contemporain, j'avoue que ça me dépasse grave !
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Outis
Animateur


Inscrit le: 07 Feb 2007
Messages: 3511
Lieu: Nissa

Messageécrit le Sunday 07 Apr 19, 20:28 Répondre en citant ce message   

Parmi les métaplasmes, il faut compter le samprasāraṇa qui, en grammaire sanskrite, désigne l'échange entre les réalisations consonne (y, v, r, l) et voyelle (i, u, , ) des quatre semi-voyelles.
Le changement consonne -> voyelle se produit fréquemment dans le degré zéro des racines dont le second composant est une semi-voyelle :
• sur YAJ-, yajati « vénérer (un dieu) » on forme ij-ya « digne d'être vénéré » ;
• sur SVAP-, svapiti « dormir » on forme sup-ta « endormi » ;
• sur VAC-, vakti « parler » on forme uc-atha « éloge » ;
• sur PRACH- « interroger » on forme pṛcch-ati « il interroge ».
Bien sûr, les phénomènes de samprasāraṇa se manifestent essentiellement en fonction du contexte En sanskrit, les thèmes DIV- et DYU- qui ont trait au ciel lumineux et au jour sont bel et bien identiques et l'un ou l'autre sont réalisés selon qu'ils sont suivis respectivement d'une voyelle ou d'une consonne. Et c'est ainsi qu'on rencontre dyu-ti « brillance, splendeur » et div-a « ciel ».
Et le même thème montre un y/i en position de seconde partie de diphtongue dans *dei̯v- > dev-a « dieu ».
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Outis
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Inscrit le: 07 Feb 2007
Messages: 3511
Lieu: Nissa

Messageécrit le Monday 08 Apr 19, 23:38 Répondre en citant ce message   

On trouve ici, dans le forum latin, une discussion sur l'origine de certaines formes de la déclinaison latine, en l'occurrence les nominatifs ager « champ », sacer « sacré » (là où on attendrait des nominatifs *agrus, *sacrus) de thèmes agro-, sacro- toujours perceptibles aux autres cas (agrum, sacrum).

L'interprétation de Ernout (Morphologie historique du latin, p. 26) est :
*agros > *agrs > *agrr > *agr puis (samprasāraṇa) > *agṛ puis (svarabhakti) > ager
Mais Ernout utilise le terme samprasāraṇa pour ce qui serait en sanskrit la succession du samprasāraṇa et de la svarabhakti ; pourquoi pas.

Ce phénomène est propre au latin, en grec le nom du champ fait bien régulièrement ἀγρός [agrós] au nominatif.
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