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Tudwal
Inscrit le: 13 Nov 2006 Messages: 39 Lieu: an Oriant (Breizh)
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écrit le Tuesday 14 Nov 06, 0:22 |
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Voici un adverbe qui est un emprunt au français, et qui a un emploi assez insolite. En breton (vannetais du moins), il est employé au sens de "très" (son emploi dans la langue parlée fait qu'on le traduirait plus correctement par "vachement"), pour exemple : bras abominabl, vachement grand.
Là où ça prête plus à sourire, c'est quand on l'emploie avec BRAW (beau) :
Braw abominabl ew-hi. Ce qui traduit donnerait "elle est belle abominable", ce genre de traduction s'entend fréquemment chez les anciennes générations bretonnantes de naissance. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 27 Jun 19, 11:04 |
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Aucun intérêt pour le mot de départ ? C'est abominable !
Que signifie-t-il donc ? « Qui inspire l'aversion, l'horreur » dit le TLF. Et il le rattache à un latin d'église abōminabilis, mot qui fut parfois orthographié abhominabilis, sans doute en imaginant une origine dans homo « homme » et comprenant l'abominable comme une déchéance de l'humain, qui sait …
Non, abōminabilis ne dépend que du verbe abōminor « rejeter quelque chose comme étant de mauvais présage » formé sur ōmen, gén. ōminis « présage ».
Les origines de ce dernier mot, soit comme *ōs-men (< ōs «bouche »), soit comme *aug-s-men (< augeō « accroître ») ne persuadent que ceux qui y croient. On notera cependant la proximité phonétique avec nōmen « nom » comme avec nūmen « puissance divine » qui font penser à un vocabulaire religieux ancien, aujourd'hui hors de portée. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 27 Jun 19, 12:45 |
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Calvert Watkins propose une racine IE *ō- "croire, tenir pour vrai", en s'appuyant sur un hittite ẖā- "considérer comme vrai". Dans le latin ōmen, l'élément -men serait donc un suffixe.
Si l'on rétablit les gutturales manquantes, cela donne : *(ə2)eə3- > *(ə2)oə3- > *(ə2)ō-. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Thursday 27 Jun 19, 15:07 |
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omen : présage - signe - augure
ominous : de mauvais augure - menaçant
Le TLFi mentionne omineux comme rare et littéraire :
- lourd de présages funestes, de mauvais augure
- Le Séducteur, sans doute, fascinait sa proie par un mutisme omineux.
(Toulet,J. fille verte, 1918, p.102)
omen a-t-il existé en ancien ou moyen français ? |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 27 Jun 19, 15:13 |
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Il fait l'objet d'un petit article dans le DMF. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 27 Jun 19, 16:59 |
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Papou JC a écrit: | Calvert Watkins propose une racine IE *ō- "croire, tenir pour vrai", en s'appuyant sur un hittite ẖā- "considérer comme vrai". Dans le latin ōmen, l'élément -men serait donc un suffixe.
Si l'on rétablit les gutturales manquantes, cela donne : *(ə2)eə3- > *(ə2)oə3- > *(ə2)ō-. |
Des références auraient été bienvenues car je doute que cet auteur se soit mis à nommer gutturales les laryngales … |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 27 Jun 19, 17:16 |
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L'erreur est mienne, mais bon, les laryngales n'entrent-elles pas - avec les pharyngales - dans le groupe des gutturales ?
Calvert Watkins ne cite pas sa source. Il se contente de dire que cette racine n'est pas chez Pokorny. Peut-être est-ce une initiative personnelle. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 27 Jun 19, 18:22 |
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Les laryngales sont deux choses distinctes :
• les phonèmes eurindiens reconstitués par Saussure, classiquement (*h₁, *h₂, *h₃) ou (*ə₁, *ə₂, *ə₃) suivant les auteurs ;
• des consonnes articulées au niveau du larynx, présentes dans diverses langues.
On ignore évidemment si les premières étaient des secondes, une telle supposition est possible mais gratuite (certaines pourraient avoir été des uvulaires). Martinet consacre à cette question un chapitre important de son ouvrage Des Steppes aux océans dont je recommande la lecture. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 29 Jun 19, 8:57 |
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En arabe, les gutturales se subdivisent en dorsales, pharyngales et laryngales. La consonne hittite représentée plus haut par ẖ est une dorsale en arabe. C'est celle qui est plus généralement transcrite par kh dans les mots européens empruntés à l'arabe ou au persan. (Khorasan, Khartoum, etc.). Elle se prononce comme actuellement la jota en espagnol (d'où Jartum). Je suppose qu'elle représente en hittite le même son qu'en arabe.
A-t-elle cette même valeur dans le *h₂ IE ? Je suppose que oui ? |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 29 Jun 19, 17:06 |
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Martinet (op. cit.) s'appuyant sur les diverses évolutions de (*h₁, *h₂, *h₃) dans les langues où en restent les traces exploitées par Saussure, suppose dix variantes contextuelles possibles (tableau p. 146) de ces laryngales. Il met une vingtaine de pages assez denses à le justifier, distinguant entre glottales et non glottales, sourdes et sonores, uvulaires et pharyngales. Mais, ne maîtrisant pas l'API, je ne peux reproduire son tableau.
À part ça, nous disposons bien sûr des cadavres plus ou moins bien conservés de hittites et de ceux des kourganes : un bon nécromancien pourrait sûrement répondre aux questions de Papou. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 29 Jun 19, 18:10 |
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C'est d'un drôle ! Ah Ah Ah...
Par quelle décision d'autorité a-t-on alors décidé que l'initiale du hittite ẖā- était un ẖ plutôt qu'un h ou un ḥ ou Dieu sait quoi d'autre ? C'est ça qu'il m'importe de savoir puisque, justement, il n'y a plus guère de Hittites sur Terre pour nous la prononcer ? |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 29 Jun 19, 18:38 |
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Ma plaisanterie n'était qu'une marque d'énervement : j'ai donné à deux reprises les références, vous n'avez qu'à aller y voir. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 29 Jun 19, 19:12 |
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Ah, alors si Martinet l'a dit et n'a jamais été contredit, il n'y a plus qu'à s'incliner. Comme il doit être le seul à se comprendre, il ne court pas grand risque !
Je conseille aux ignorants de mon espèce de commencer par lire La Théorie des Laryngales dans Wikipedia. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 01 Jul 19, 8:15 |
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Une question toute bête (comme d'habitude...) : si les laryngales H1, H2 et H3 sont en rapports respectifs étroits avec les voyelles e, a et o, pourquoi avoir choisi des chiffres comme exposants plutôt que ces voyelles ? Autrement dit, pourquoi ne pas les avoir appelées He, Ha et Ho ? Pour un béotien comme moi, les rapprochements auraient été plus clairs. Je suppose qu'il doit y avoir une bonne raison.
Merci d'avance pour la réponse. |
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