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Maisse Arsouye
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 2037 Lieu: Djiblou, Waloneye
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écrit le Tuesday 22 Feb 05, 20:45 |
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Une fois n'est pas coutume, je vais vous présenter un mot picard. Il s'agit du terme muche.
Une muche, c'est une cachette. Par extension, ce terme désigne des villages souterrains creusés dans le sous-sol picard. Ces grottes artificielles peuvent atteindre des dimensions spectaculaires et ressembler à de véritables villages souterrains. La plupart du temps, elles sont creusées dans des roches tendres, essentiellement de la craie. Elles profitent souvent de la présence de couches plus dures pour en faire des plafonds ou des planchers naturels.
La fonction de ces muches était essentiellement défensive. La Picardie fut souvent traversées par des armées qui rançonnaient les populations locales. Les habitants décidèrent donc de ce cacher ( "s'mucher" en picard ) et ils creusèrent ces dédales souterrains.
Toute l'architecture intérieure et l'interface avec l'extérieure est concue pour la défense et/ou le camouflage. A Naours, que j'ai eu l'occasion de visiter, toutes les cheminées des muches convergent vers la maison du meunier, ce dernier étant plus ou moins protégé par sa profession. De cette façon, les fumées ne pouvaient trahir les habitants "muchés". De plus, les galeries forment forment un éventail depuis l'entrée. Elles sont en pentes descendante et vont en se rétrecissant. De cette manière, une troupe d'assaillant seraient emportées par son élan et dispersée avant de se retrouver coincée dans de petits couloirs étroits.
Quelques liens : Domqueur, Naours ( site officiel ) ou Talmas.
Si vous passez par la Picardie, ne ratez pas les muches !
Dernière édition par Maisse Arsouye le Monday 08 Jan 07, 16:51; édité 1 fois |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Sunday 22 May 05, 23:32 |
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J'ai visité Naours. Impressionnant...
Mucher est la forme picarde du francien musser. On se musse plus en francilien, mais on se mussait. Dans une rue de Paris, se mussaient un certain nombre de dames hospitalières, d'où le nom de la rue : pute y musse. Devenu par la suite la rue du petit musc, quand on a cessé de comprendre, non pas pute, certes, mais musse ! |
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Jean-Charles
Inscrit le: 15 Mar 2005 Messages: 3130 Lieu: Helvétie
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écrit le Monday 23 May 05, 8:01 |
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Ou : musser est la forme francienne du picard mucher. |
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thymus
Inscrit le: 04 Feb 2006 Messages: 27 Lieu: gistoux belgique
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écrit le Saturday 04 Feb 06, 21:24 |
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Juste pour signaler qu'en wallon de chez nous (Chaumont-Gistoux, Brabant wallon), "mouchî" est un verbe qui signifie rentrer dans quelque chose comme un petit trou ou un petit espace et apparemment toujours avec le souci de se protéger ou de se sentir bien comme dans "mouchî è s'lé" (rentrer en se pelotonnant dans son lit). Le rapport semble évident avec le mot picard.
Par contre je me demande si cela pourrait avoir une relation avec le mot "mouchon", qui dans notre wallon aussi désigne un petit oiseau. Il est vrai que souvent un petit oiseau rentre dans un petit trou ou un petit nid ! |
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Maisse Arsouye
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 2037 Lieu: Djiblou, Waloneye
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écrit le Saturday 04 Feb 06, 21:43 |
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En fait, mouchî et sa variante moussî sont connus dans toute la zone centrale, de Rochefort à Wavre en passant par Namur et dont Gistoux fait partie. J'entends encore mon grand-père me dire quand ça n'vout nén mouchî, ça n'vout nén mouchî quand le Standard ratait toutes ses occasions de but.
A l'inverse mouchî foû signifie sortir.
A l'ouest, ma grand-mère maternelle m'a confirmé si mucher pour se cacher sur Charleroi et Nivelles..
Je n'ai pas d'infos pour l'est-wallon. |
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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6533 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Saturday 04 Feb 06, 22:01 |
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Tres intéressantes, ces muches.
Ces muches, du 16e s. et 17e s. donc, ont-elles été utilisées plus récemment, pour cacher des réfugiés ou des résistants par exemple ?
Les utilise-t-on maintenant pour d'autres choses, telles que la conservation de vin ou la culture de champignons ?
L'excavation, donc l'extraction de pierres, a-t-elle correspondu à une vague de construction à la surface ? |
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thymus
Inscrit le: 04 Feb 2006 Messages: 27 Lieu: gistoux belgique
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écrit le Saturday 04 Feb 06, 22:05 |
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Maisse Arsouye a écrit: | J'entend encore mon grand-père me dire quand ça n'vout nén mouchî, ça n'vout nén mouchî quand le Standard ratait toutes ses occasions de but. |
Ah ! Celle-là je l'ai souvent entendue aussi ! Cela évoque aussi une question d'interstice ou de petite "fenêtre". |
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sab
Inscrit le: 07 Oct 2005 Messages: 466 Lieu: Polynésie / France
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écrit le Tuesday 13 Jun 06, 9:34 |
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Il y a bien des années, toute petite, j'ai découvert l'existence de Naours dans une bande dessinée sur le Moyen-Age. Je n'en retrouve plus le nom. Mais j'étais fascinée et me rappelle avoir tanné tout le monde autour de moi pour qu'on me dise où c'était. Personne ne savait, jusqu'à ce qu'un oncle un jour apporte un atlas détaillé et après bien des recherches on arrive enfin à situer le lieu.
Et le pire c'est que je n'ai encore jamais mis de ma vie les pieds dans la Somme jusqu'à maintenant. |
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Pierre
Inscrit le: 11 Nov 2004 Messages: 1188 Lieu: Vosges
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écrit le Tuesday 13 Jun 06, 20:29 |
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Pour les 3 départements suivants :
- Somme : 32 muches
- Pas de Calais : 30 muches
- Nord : 12 muches |
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Sido
Inscrit le: 14 May 2006 Messages: 139 Lieu: Orléans
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écrit le Tuesday 13 Jun 06, 23:01 |
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En pays gallo aussi, on se musse pour se cacher ou pour essayer d'entrer dans un endroit où on a peu de place. |
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Skipp
Inscrit le: 01 Dec 2006 Messages: 739 Lieu: Durocortorum
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écrit le Monday 08 Jan 07, 16:31 |
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Jacques a écrit: | Ces muches, du 16e s. et 17e s. donc, ont-elles été utilisées plus récemment, pour cacher des réfugiés ou des résistants par exemple ? |
L'on sait que certaines furent réutilisées à la première guerre mondiale et même à la 2e guerre mondiale. Ainsi, les muches de Naours furent utilisées par les allemands pendant la 2e G.M.
Ces muches peuvent être fort anciennes et dater pour certaines de l'époque romaine. Sinon, elles furent surtout utilisées pendant la guerre de cent ans, les guerres de religions et en 1814 à l'invasion des cosaques, prussiens, autrichiens, et autres ennemis de Napoléon Ier.
Jacques a écrit: | Les utilise-t-on maintenant pour d'autres choses, telles que la conservation de vin ou la culture de champignons ? |
Elles ne sont généralement considérée comme pas assez solides, fiables, sécurisées, pour de telles utilisations. L'on retrouve plus les anciennes carrières d'extraction de pierre qui servent à la culture des champignons.
Jacques a écrit: | L'excavation, donc l'extraction de pierres, a-t-elle correspondu à une vague de construction à la surface ? |
Généralement oui. On extrayait de la pierre pour les constructions et ce n'est qu'ensuite que ces carrières servaient de mûches. Mais dans certaines régions où il n'y a pas de pierre de taille dans le sous-sol l'on peut avoir des souterrains creusés spécialement pour servir de refuges... l'on parle alors de souterrains refuges (dont font partis les muches mais le terme muche est propre à la Picardie [et peut être également à la Wallonie ?]). |
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Romanovich
Inscrit le: 05 Dec 2006 Messages: 340 Lieu: Poitiers
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écrit le Monday 08 Jan 07, 19:10 |
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Je relance sur le terme même de muche ...
Ma mère, quand elle jouait à cache-cache, était plutôt du genre à se camucher !
Et la camuche peut aussi être une niche dans le nord de la France ... eul'camuche al quien |
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jacklouis
Inscrit le: 26 Dec 2006 Messages: 259 Lieu: Québec (canada)
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écrit le Friday 11 Apr 08, 17:07 |
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Musse. Musser.
Dans le patois vendéen, une musse est un petit trou fait par les rats et les souris, pour s'y glisser (musser) en cas de danger.
L'origine : hélas pas de documents. Je vais donc une fois de plus imaginer en me servant de mon observation.
Cette musse, disais-je, est le trou fait dans les vieux planchers des greniers et dans les murs friables construits de terre et de bousas, par les souris et les rats, pour s'y abriter en cas de danger. Le mot vendéen est uniquement consacré à ces rongeurs domestiques. Pour les lapins, on parle de "trou"ou de terriers.
Je croirais donc que ce mot "musse" serait venu du latin "mus, muris", rat, souris.
Il serait intéressant de retrouver ces mots dans ces autres langages d'Oïl,issues du gallo-romain francilien, dont il a longuement été débattu dans un fil, justement sur les "Langues d'Oïl" .
Ci-joint une photo de cet "ondrata", pour ceux qui ne le connaissent pas.
J'ai relevé par ailleurs ces quelques lignes sur le fil de le Berton : "Fond commun des L. d'Oïl"
Citation: | Par exemple: musse' (musser) qui signifie "faire rentrer quelque chose dans un interval réduit" alors qu'en ancien français et sans doute dans d'autre région cela signifie "cacher"
C'est un mot typique de la région de Vitré, employé même par des non-patoisants (de la campagne quand même!). |
Et dans le parler de Saintonge, les définitions suivantes, qui correspondent un peu à ce que je viens d'écrire :
Citation: |
Musser Mettre son nez partout et surtout là où il ne faut pas.
Musser Se faufiler dans un passage étroit (d'où le Pertuis de Maumusson).
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Au Québec, le mot ne semble pas avoir laissé grandes traces ; seuls des natifs du Pays sauront nous le dire. J'ai seulement trouvé que dans certaines régions, le rat musqué (ondrata, son nom indien) était aussi nommé "le mussé"
Une photo de notre "ondrata" pour ceux quine le connaissent pas.
Dernière édition par jacklouis le Friday 11 Apr 08, 17:25; édité 1 fois |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Friday 11 Apr 08, 17:20 |
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La rue du petit musc, à Paris, est une ancienne rue pute y musse. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Friday 11 Apr 08, 18:45 |
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Difficile de qualifier un mot de « vendéen » quand il est dans le TLF !!!
Citation: | MUSSER, verbe trans.
Vx ou région. (Centre et Ouest). Cacher, dissimuler. Tasie, sans répondre, bâillait, mussait sa tête au creux de son bras replié (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.8 ).
Le plus souvent en emploi pronom. réfl. Se cacher, se glisser. Un entour de vieux arbres, sous lesquels, dans l'ombre, se mussaient quelques logis de ferme (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p.5). [Les cochons] avaient déjà appris à se musser sous les buissons quand passait au-dessus d'eux le froissement des grands vols de corbeaux (GIONO, Hussard, 1951, p.175):
... l'être qui reçoit le sentiment du refuge se resserre sur soi-même, se retire, se blottit, se cache, se musse, en cherchant dans les richesses du vocabulaire tous les verbes qui diraient toutes les dynamiques de la retraite, on trouverait des images du mouvement animal, des mouvements de repli qui sont inscrits dans les muscles.
BACHELARD, Poét. espace, 1957, p.93.
REM. 1. Mucher, verbe trans., var. région. (Normandie). Le Marquis : Il est là [le petit cheval]? Georget : Dame non! Je l'ai muché dans l'avenue (LA VARENDE, Trois. jour, 1947, p.112). 2. À musse-pot, à muche-pot, loc. adv., fam. et vx. En cachette. (Dict. XIXe et XXe s.).
Prononc. et Orth.: [myse], (il) musse [mys]. Ac. dep. 1694: musser, à musse-pot ou à muche pot; LITTRÉ: musser; ROB., Lar. Lang. fr.: musser, mucher ,,forme normanno-picarde``, à musse-pot, à muche-pot. Étymol. et Hist. 1119 (soi) mucier «se cacher» (PHILIPPE DE THAON, Comput, 1613 ds T.-L.). D'un gaul. *mukyare «cacher», formé sur un rad. de base mûc- d'orig. celt. (cf. a. irl. muchaim «je cache, je voile, j'étouffe», irl. mod. much- «étouffer»). Le verbe musser, usuel jusqu'au XIIIe s., disparaît de la lang. littér. au XVe s. au profit du verbe cacher*, mais il s'est maintenu dans de nombreux dial. (v. FEW t.6, 3, p.197, REW 5723 et DOTTIN, p.73, note et glossaire). Fréq. abs. littér.: 18. |
Je connaissais d'ailleurs ce verbe que j'avais rencontré chez le parisien Prosper Mérimée (Théâtre de Clara Gazul), il m'avait bien plu et je l'ai utilisé occasionnellement.
On remarquera que l'étymologie proposée à partir du nom de la souris ne semble pas celle qui serait acceptée. D'ailleurs, le latin mūs est très peu représenté dans les langues romanes où il a été concurrencé par sōrex et *ratta (origine inconnue). |
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