dubsar

Inscrit le: 07 May 2007 Messages: 448 Lieu: Altkirch (F68)
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écrit le Wednesday 19 Mar 08, 22:12 |
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Les mythes sémitiques de la création mentionnent deux entités primordiales aux destins contrastés mais ayant des points communs.
1. Tiamat et Abzu
Dans l’Enuma Eliš, le poème babylonien de la création, la création des premiers dieux se fait par l’accouplement de Abzu, les eaux souterraines et Tiamat, la mer.
Au décours de la guerre menée par Tiamat contre ses enfants qui la dérangent par leur activité, elle est tuée par Marduk qui la dépèce en deux « comme un poisson séché » pour créer le monde à partir de sa dépouille : le dos retourné forme la voûte céleste, la bouche et l’anus fermés par une clé retiennent les eaux qui seront libérées au déluge, la bave est condensée en nuages, la tête placée au nord laisse couler le Tigre et l’Euphrate par les deux yeux et la poitrine et le ventre forment le sol de la Mésopotamie. De chaque côté les rangées de mamelles forment des chaînes de montagne :
transcription :
/ iš - pu - uk ina (AŠ) ṣir - ti - ša2 ⌐ša……………… ….---e be2 - ru - ti
Normalisation :
« išpuk ina ṣertīša šade beruti »
Traduction :
« il entassa sur ses mamelles les <montagnes> lointaines »
(Enuma Eliš, V,57)
La Mésopotamie n’est pas que le pays d’entre les fleuves mais aussi celui d’entre les montagnes, le Zagros à l’Est, les hauteurs de Syrie à l’Ouest.
2. Leviathan et Béhémōt
Dans les traditions cananéennes, bibliques (Tanakh et livres non canoniques) existent deux autres monstres primordiaux, créés selon les écrits le 5ème ou le 6ème jour de la création.
Dans les textes ougaritiques, Ba‛al et ³Anat combattent avec divers monstres :
« ktmḫṣ ltn bthn brḥ
« tkly bthn ‛qlt »
« Quand tu as frappé Lōtān, l’ancien serpent
« détruit le serpent tortueux »
Vers qu’on retrouve en Isaie 27,21 :
Liwwiathan naHaš bariaH…naHaš ‛aqallaton (typographie approximative)
Ces monstres ; Léwiathan et Béhémōt se retrouvent en 4 Ezra 6,49-52 ; Apocalypse de Baruch 29,4 ; 1 Enoch 60, 7-10 et 60,24.
Ces deux monstres primordiaux sont maîtrisés, et rejetés au fond de la mer pour Léviathan, dans un désert en ce qui concerne Béhémōt.
Ils y demeurent jusqu’à la fin des temps « pour servir de nourriture » lors du festin eschatologique à ceux qui réchapperont aux dernières tribulations.
Les deux êtres sont d’origine aquatique. Léviathan est un être de la mer, masculin ; comme Abzu, il repose aux fonds des eaux et les tremblements de terre lors des fins dernières sont dus à ses trémulations.
Béhémōt est un être femelle, né dans des marécages de lotus et de roseaux (Job 60,15-24). De là elle est rejetée sur une portion de terre sèche et montagneuse :
« 50 Et Tu les as séparés l’un de l’autre, parce que la septième partie où les eaux ont été rassemblées ne pouvait les contenir tous les deux.
51 Et Tu as donné à Béhémōt l’une des part qui avait été séchée, pour y vivre, là où il y a mille montagnes »
(4 Ezra 6,50-51)
Dans 1 Enoch 60,8 on lit selon les traductions :
« le nom du mâle est Béhémōt qui est maintenu sur une montagne dans un immense désert nommé Dendayn, à l’est du jardin où séjournent les élus et les justes, … »
« le nom du mâle est Béhémōt qui séjourne avec ses mamelles dans un immense désert nommé Dendayn, à l’est du jardin où séjournent les élus et les justes, … »
(les sexes des monstres sont inverses dans cette tradition)
Cette deuxième traduction, quoique surprenante vu le sexe mâle de la bête, repose sur l’éthiopien « ye³xaz ba³enged³ahu ».
L’ethiopien serait une traduction d’un original araméen bathadoh, le mot thad signifiant montagne ou mamelle.
Béhémōt est donc dans ces traditions associée à des chaînes de montagne décrites comme des rangées de mamelles, tout comme en Mésopotamie.
La racine de ce mot est commune en sémitique :
Arabe : thady , mammelle
Hébreu : šad, šod
Akkadien : šadû, montagne, campagne, désert
Le nom du désert de Dendayn est fait sur la même racine. On le trouve en ougaritique : « ddn » ou « dtn ». La forme est celle d’un duel : « désert aux deux montagne ». Il est possible que ce désert soit celui de 1 Enoch 10,4 où est captif l’ange rebelle Azazel, désert nommé selon les traductions Dadouel (grec), Duda³el (éthiopien), dont la signification est « les mamelles de ³El ». Ce site est connu en Mésopotamie sous le nom de Mašu, « La montagne jumelle », ou « la montagne à deux pics »..
(Notons quand même qu’une liste lexicale akkadienne donne datnu = qaradu, vaillant, héroïque)
De la même façon, à Ougarit le dragon vaincu est rejeté sur une montagne par la déesse ‛Anat :
« tnn lšbm tšt
trks lmrym lb[nn] »
« Elle a mis le dragon à la muselière
Elle l’a lié sur les hauteurs du Liban »
Et pour finir on y rapportera le nom biblique de Dieu ³El Šadday : Dieu des mamelles, des montagnes, des montagnes en formes de mamelles. Réminiscences d’un dieu de la fécondité ? d’une tribu montagnarde (les Ditanu amorites) |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3794 Lieu: Paris
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écrit le Tuesday 11 Dec 12, 12:47 |
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Pour ceux qui comme moi se demandent pourquoi Béhémot est visiblement un pluriel, Wiki a une réponse :
Citation: | Béhémoth ou B'hemot (Bəhēmôth -- Hébreu, בהמות) est une créature mentionnée dans le Livre de Job, 40:15-24.
Il est connu en arabe comme بهيموث (Bahīmoūth) ou بهموت (Bahamūt) .
Le mot est la forme plurielle de (bəhēmāh: désigne en hébreu biblique les animaux domestiques, le bétail ; en arabe : بھيمة bahimah, plur. بهائم bahaëm), mais c'est un pluralis excellentiae, une méthode hébraïque pour exprimer la grandeur en "pluralisant" le nom (cf. Elohim), ce qui indique que le Béhémoth est la plus grande et puissante créature terrestre. |
Wiki rappelle que le russe бегемот désigne aussi l'hippopotame dans cette langue. |
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