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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Sunday 04 Jan 09, 11:31 |
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La nixe, que les dictionnaires décrivent comme une « nymphe des eaux » (TLFi) ou, plus précisément, comme le « nom allemand des ondines, nymphe ou génie des eaux » (Littré) n'apparaît dans la littérature française qu'au XIXe siècle (Théophile Gautier, Gérard de Nerval, etc.), la plus célèbre occurrence en étant peut-être :
« Des licornes ruant du feu contre une nixe », Stéphane Mallarmé, Ses purs ongles (sonnet en yx)
Elle est l'instance germanique de la grande famille des ondines (< lat. unda « eau agitée »), naïades (grec Ναΐς ou Ναιάς < νάω « couler [pour une fontaine] ») et autres apsaras indiennes (< ap- « eaux »), créatures aussi séduisantes que dangereuses.
Outre la nixe (NIXE, f. weiblicher wassergeist) le dictionnaire de Grimm connaît aussi le nix (NIX, m. der wassergeist) et l'étymologie en est relativement claire à partir d'un vx-ht-all. nihhus, f. nihhusja qui rattache le mot au verbe neichen « arroser » et, au-delà, au thème eurindien *nei-gʷ- (skr. nenekti « il lave », gr. νίζω, irl. nigim « je lave »).
(une étymologie ancienne qui rattachait ces noms à celui de Neptune doit être abandonnée)
Et, dans d'autres langues germaniques, comme en allemand, on constate une masculinisation de la créature avec le nykr (gén. nykrs) islandais, gobelin aquatique apparaissant sous la forme d'un cheval gris reconnaissable à ses sabots inversés. Peut-être est-ce là la cause d'un détachement d'avec le milieu aquatique qu'on constate au moins dans quelques exemples qui, linguistiquement, ne sont pas inintéressants.
• Le nisse danois (ou nök, norv. nyk, suéd. näcken) n'est plus guère aujourd'hui qu'un ordinaire lutin que l'on rencontrera à côté de alf (elfe) et trold (troll) si l'on cherche à traduire « lutin » en danois. Il ne peuple plus que les livres d'enfants et les décorations de Noël, en particulier :
lilou a écrit: | Il n'y a pas si longtemps j'ai découvert l'existence du julenisse, le petit lutin de Noël qui a en partie inspiré le personnage de Santa Claus | (pour jule, voir le mot du jour yule)
• Il existe un minerai qui a toutes les apparences d'un minerai de cuivre mais qui n'en contient pas du tout et qu'on appelait pour cette raison, en allemand, du Kupfernickel « cuivre de lutin ». Au XIXe siècle, on en extrayait un autre métal qui prit ainsi, en abrégé, le nom de « nickel »
• Malgré les hypothèses dépourvues de tout soutien (jusqu'à aujourd'hui en France) qui le font remonter au prénom Nicolas, il est très probable que vienne de ce malveillant lutin (anglo-saxon nicor) la désignation anglaise du Diable par l'appellation Old Nick
• Les étonnantes facultés de métamorphose du nykr islandais ont fait que nykrat désigne dans cette langue la figure de style que nous nommons « kakemphaton » |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Sunday 04 Jan 09, 14:18 |
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Je ne peux m'empêcher de faire ce rapprochement avec ce mot latin que j'aime bien :
nix, nivis (féminin) : la neige.
Ce rapprochement repose uniquement sur la sonorité et non sur l'étymologie. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Sunday 04 Jan 09, 18:02 |
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N'en étant pas l'auteur, je poursuis plus librement un petit hors-sujet.
J'aime aussi ce nix /niks/, gén. niuis /niwis/ « neige » pour sa valeur d'exemple phonétique, son étonnante alternance consonantique k/w donnant une démonstration de l'instabilité des labio-vélaires en latin. Le thème eurindien est *(s)nei-gʷʰ- (skr. sneha- « fait d'être collant », angl. snow « neige », gr. νείφει « il neige », etc.).
En latin, où l'aspiration disparaît dans les deux positions, le trait guttural de gʷ s'amuit entre voyelles pour ne laisser que w, tandis que c'est le trait labial qui s'efface avant le s du nominatif : ne subsiste que la gutturale, assourdie en k par assimilation régressive. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Wednesday 07 Jan 09, 16:49 |
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Citation: | Et, dans d'autres langues germaniques, comme en allemand, on constate une masculinisation de la créature avec le nykr (gén. nykrs) islandais, gobelin aquatique apparaissant sous la forme d'un cheval gris reconnaissable à ses sabots inversés. Peut-être est-ce là la cause d'un détachement d'avec le milieu aquatique qu'on constate au moins dans quelques exemples qui, linguistiquement, ne sont pas inintéressants. |
Il se pourrait aussi que ce génie des eaux masculin soit antérieur et que la féminisation vienne de l'influence grecque/romaine ( les nymphes). A moins que des recherches plus récentes aient démontré le contraire?
http://books.google.de/books'id=JPYxEy0Mx8UC&pg=PA352&dq=Neckar+Name+Mythologie&lr=
Le nom du fleuve Neckar ( anciennement Nicer) pourrait avoir la même étymologie. Pokorny signale qu'en moyen-néerlandais l'équivalent de Nix ( Wassergeist) était: nicker. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Wednesday 07 Jan 09, 19:28 |
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Je me méfie des sources du XIXe siècle en ce qui concerne la mythologie, surtout quand elle est vue à travers le folklore. Et il n'y a pas de bonnes raisons de supposer une influence gréco-romaine dans la mesure où les associations entre sources et personnages féminins sont attestées de l'Irlande à l'Inde en passant par la Germanie et l'Ossétie.
Des créatures des eaux masculines existent, bien sûr, aussi (ne seraient-ce que les pères de ces nymphes) mais elles ont peu d'interactions avec les hommes. En revanche, la dégradation d'un certain nombre de structures mythiques sous l'effet de la christianisation est bien connue, nombre de génies protecteurs étant devenus des créatures malfaisantes.
Mais il est vrai que toutes ces choses sont bien obscures et qu'il reste difficile d'affirmer quoi que ce soit … |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11193 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 19 Nov 10, 14:04 |
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Voir aussi naïade. |
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Pascal Tréguer
Inscrit le: 16 Dec 2012 Messages: 694 Lieu: Lancashire - Angleterre
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écrit le Tuesday 07 Oct 14, 20:10 |
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Outis a écrit: | Malgré les hypothèses dépourvues de tout soutien (jusqu'à aujourd'hui en France) qui le font remonter au prénom Nicolas, il est très probable que vienne de ce malveillant lutin (anglo-saxon nicor) la désignation anglaise du Diable par l'appellation Old Nick |
nix, lutin ou fée des eaux - du vieil anglais nicker, de l'anglo-saxon nicor, démon des eaux. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10944 Lieu: Lyon
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écrit le Tuesday 07 Oct 14, 20:12 |
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Outis a écrit: | Malgré les hypothèses dépourvues de tout soutien (jusqu'à aujourd'hui en France) qui le font remonter au prénom Nicolas, il est très probable que vienne de ce malveillant lutin (anglo-saxon nicor) la désignation anglaise du Diable par l'appellation Old Nick |
Lire le Fil le Diable (Dictionnaire Babel). |
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