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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Friday 11 Mar 11, 19:36 |
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Papou JC a écrit: |
2. Jacqueline Picoche date elle aussi l'apparition du mot du XIIIe s. sans en donner la forme. Elle commence par réfuter une hypothèse sans doute trouvée ailleurs, à savoir un étymon latin *gradīre, le même que pour l'italien gradire. Elle appuie sa réfutation sur le fait que ce *gradire aurait normalement donné *graïr en français.
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Elle a pu trouver l'information dans Scheler.
Dans une version plus récente de Scheler que j'ai sous les yeux, il complète en disant : je ne puis me ranger à cette opinion ; le sens foncier est s'accrocher, ramper, grimper ; cela fait que je ne saurais le détacher de la racine germanique qui a donné l'anglais grab saisir, empoigner, l'allemand grabeln, ramper en tâtonnant, et beaucoup d'autres formes avec g ou k initial. En patois on dit aussi graver et gravouiller.
À noter deux choses donc :
- l'idée de saisir, qu'on trouve aussi dans l'étymologie de grimper.
- le patois graver qui peut expliquer la citation de Rabelais.
Dernière édition par embatérienne le Saturday 12 Mar 11, 13:05; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 11 Mar 11, 19:53 |
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Dommage qu'il ne dise pas pourquoi "il ne peut pas se ranger à cette opinion", car les comparaisons faites - dans l'article qu'on lit après avoir cliqué sur Scheller - avec emblaver et pouvoir pour expliquer l'insertion du v dans une forme *graïr sont assez convaincantes, non ?
Cela dit, l'article se trompe dès le début sur le sens de l'italien gradire ... à moins qu'il ne s'agisse de vieil italien et d'un homonyme disparu pour cause ... d'homonymie, justement. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Friday 11 Mar 11, 20:01 |
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En vieil italien, gradire (dans le sense d'avancer ou monter) selon le TLIO n'existe simplement pas.
Tu peux controler. http://tlio.ovi.cnr.it/TLIO/
Mais, je n'avais pas vu que la Crusca ( 4eme ed. , 1729-1738) le considerait une signification secondaire (en Dante Alighieri).
Citation: | Definiz: §. II. Per Andare avanti, Salire; da Grado per Iscaglione. Lat. ascendere, gradatim subire. Gr. βάδην ἀναβαίνειν.
Esempio: Dant. Purg. 24. E qual più a gradire oltre si mette, Non vede più dall'uno all'altro stilo. |
Donc je dois m'excuser. De toute façon le verbe ne se rètrouve pas hors qu'en Dante.
L'italien actuel gradire= "agréer", semble dériver du provençal médieval grazir.
La vieille forme italienne était grazire, qui signifiait "agréer et rémercier". le sense "rémercier" a survecu mais pas jusque l'actualité.
http://www.dizionario.org/d/?pageurl=grazire
http://www.etimo.it/index.php?term=grazire |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Friday 11 Mar 11, 23:50 |
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embatérienne a écrit: | Dans une version plus récente de Scheller que j'ai sous les yeux, il complète en disant : je ne puis me ranger à cette opinion ; le sens foncier est s'accrocher, ramper, grimper ; cela fait que je ne saurais le détacher de la racine germanique qui a donné l'anglais grab saisir, empoigner, l'allemand grabeln, ramper en tâtonnant, et beaucoup d'autres formes avec g ou k initial. En patois on dit aussi graver et gravouiller. |
Ce n'est pas tout à fait ça. Il donne 3 hypothèses :
1) l'italien, à laquelle il ne croit pas
2) la racine germanique (citée dans l'exemple)
3) graver et gravouiller : il le rattache à l'ancien français grau (= griffe) |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 12 Mar 11, 0:43 |
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Se pourrait-il qu'il y ait eu un grau du nord et un grau du sud ? Deux homonymes à sens complètement différents (griffe et degré) ?
Cela me rappelle le cas de mesquin / meschin ...
A part ça - qu'on m'arrête si je dis une sottise, j'ai déjà dit ailleurs que la phonétique historique n'est pas mon fort -, se pourrait-il qu'un latin médiéval graduare (attesté, = donner un grade, > fr. graduer) ait eu un doublet devenu gravare (patois peut-être mais pas pour Rabelais) qui aurait fini par aboutir à gravir pour se démarquer de graver ? Je trouve en effet qu'il y a entre le latin gradus et le français gravir des rapports formels et sémantiques trop étroits pour qu'ils puissent être aussi étrangers l'un à l'autre que le dit l'étymologie "traditionnelle". |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Saturday 12 Mar 11, 10:23 |
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Xavier a écrit: | Ce n'est pas tout à fait ça. Il donne 3 hypothèses |
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par "ce n'est pas tout à fait ça" : je me contente de recopier ce que dit Scheler dans l'exemplaire que j'ai (édition 1873). Dans celle-ci, il ne rattache pas explicitement "graver" et "gravouiller" à "grau". Parlons-nous de la même chose ?
Dernière édition par embatérienne le Saturday 12 Mar 11, 13:04; édité 1 fois |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Saturday 12 Mar 11, 10:43 |
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Papou JC a écrit: | Je pense à une chose : gravait n'implique pas forcément un verbe du premier groupe. Cette forme pourrait bien être aussi l'imparfait d'un verbe du troisième groupe, comme avoir / avait, devoir / devait, falloir / fallait, etc. Mais un infinitif comme *gravoir ne serait pas longtemps passé inaperçu, alors que graver offrait un masque...
Quoi qu'il en soit, pendant tous ces siècles, disons du Xe au XVIe, Rabelais n'est quand même pas le seul auteur à avoir utilisé ce verbe, on doit bien en avoir d'autres occurrences, non ? |
Le verbe graver (et d'autres tels que gravicher, gravouiller, etc.) est bien attesté dans ce sens dans les patois du Centre. Voir notamment ce glossaire et l'exemple : les rats gravent après les murs, suivi de l'exemple de Rabelais lui-même. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 12 Mar 11, 11:46 |
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Merci ! Très intéressant. Presque tous les dérivés sont en -vi-, donc datant d'une époque ou graver avait déjà laissé la place à gravir.
Mais, Xavier, je ne vois pas d'indice formel permettant de rattacher tous ces mots à un ancêtre germanique qui signifierait griffe.
Que sait-on de cet ancien français grau ?
Et, je redemande : avons-nous eu deux grau en France, un du nord et un du sud, à la même époque, avec des sens différents, et qui auraient pu, chacun de leur côté, contribuer à créer ce verbe graver, gravir dont on ignore toujours l'origine ? |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Saturday 12 Mar 11, 12:03 |
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embatérienne a écrit: | je me contente de recopier ce que dit Scheller dans l'exemplaire que j'ai (édition 1873). Dans celle-ci, il ne rattache pas explicitement "graver" et "gravouiller" à "grau". Parlons-nous de la même chose ? |
a priori non, puisque mon édition date de 1888 (troisième édition) qui est alors plus précise :
http://www.archive.org/details/dictionnairedt00scheuoft |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 12 Mar 11, 12:30 |
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Quels que soient les mérites de Scheler, il date un peu, non ? |
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MiccaSoffiu
Inscrit le: 24 Jun 2008 Messages: 463 Lieu: Capicursinu-Sophia
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écrit le Saturday 12 Mar 11, 14:27 |
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De simples copies partielles sans aucune interprétation :
Selon le document daté de 1888 « L'origine du français J. Espagnolle (abbé.) C. : « Dans la Bourgogne et le Poitou on dit encore aujourd’hui graver au lieu de grimper »
Pour le bourguignon et le poitevin lexilogos.com référence plusieurs dictionnaires dont on peut extraire les informations suivantes :
lexilogos.com/bourguignon_langue_dictionnaires
Dictionnaire bourguignon - dictionnaire bourguignon-français [PDF] & dictionnaires thématiques
gravir v.tr.intr. = graivi, gravicher
grimper = graivy, grèviller, gravicher
grimper avec effort = gravoner
grimpereau n.m. = gravisson
prendre furtivement = gripai
saisie = gaigère
saisir = gripai, agripai
ps : choix très partiel et aléatoire des dictionnaires sans aucune connaissance linguistique du sujet.
Les parlers brionnais :
gravitsè = lierre
Dictionnaire poitevin saintongeais :
Dictionnaire français / poitevin-saintongeais en ligne (Dicciounaere poetevin-séntunjhaes / françaes su l'arantéle)
français / poitevin-saintongeais
gravir. vt. gravàe ; (avec peine) gravijhàe.
graver. vt. engravàe, émolàe.
grimper. vt. gruchàe/-ir, gravàe ; (avec les mains et les pieds ou avec difficulté) gravoullàe ; (avec les griffes : chat) grapinàe.
saisir. vt. agrapàe, agrapinàe, agrichàe, arapàe/-ir, gripàe, …
prendre. vt. agrichàe, drchàe, gripàe, paechàe, prendre, prenre (pp : prenghu/pris)
poitevin-saintongeais/ français
engravàe. 1. [vt] graver. 2. [vt/p] provoquer/avoir des douleurs aux pieds.
gravàe (1). vt/i. monter, grimper. gravàe (2). vi. user sa corne (vache).
gravoullàe. vi. grimper avec les mains et les pieds ; grimper avec difficulté.
ps : choix très partiel et aléatoire des dictionnaires sans aucune connaissance linguistique du sujet. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Saturday 12 Mar 11, 14:57 |
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Xavier a écrit: | embatérienne a écrit: | je me contente de recopier ce que dit Scheler dans l'exemplaire que j'ai (édition 1873). Dans celle-ci, il ne rattache pas explicitement "graver" et "gravouiller" à "grau". Parlons-nous de la même chose ? |
a priori non, puisque mon édition date de 1888 (troisième édition) qui est alors plus précise :
http://www.archive.org/details/dictionnairedt00scheuoft |
Voilà. L'étymologie est une science en marche et, comme pour le Bloch & Wartburg, les choses changent bien d'une édition à l'autre.
Papou JC a écrit: | Quels que soient les mérites de Scheler, il date un peu, non ? |
Oui, bien sûr, mais je trouve qu'il apporte, en complément du TLFi (ou du DHLF généralement identique sur le fond au TLFi), des indications précieuses, surtout en ce qui concerne les patois, et en particulier le wallon dont ce Suisse installé en Belgique s'était fait la spécialité. |
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