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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Friday 11 Mar 11, 19:17 |
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Les MDJ diode, méthode , épisode, et cathode ont déjà montré un élément formant hode ou ode, rattaché au grec οδός route, chemin. Ce même élément intervient en préfixe dans toute une série de mots souvent techniques, comme on le voit ici, et généralement sous les deux graphies hodo ou odo. Le plus connu du lot est probablement l'odomètre ou hodomètre, utilisé pour mesurer les distances. Le podomètre en est un cas particulier, avec un préfixe différent mais assonnant. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 12 Mar 11, 23:19 |
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L'élément -ode est également présent dans les mots exode, période, synode, électrode, anode ... |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Sunday 13 Mar 11, 11:41 |
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embatérienne a écrit: | … élément formant hode ou ode, rattaché au grec οδός route, chemin |
Le choix entre hode et ode n'est pas vraiment libre. Et il faut être prudent dans l'écriture : écrit sans l'esprit rude à l'initiale, οδός est du grec moderne et signifie couramment « rue », le sens ancien ne survivant plus que dans des syntagmes figés comme ιερά οδός « Voie Sacrée » (la route d'Athènes à Eleusis) ou καθ' οδόν « en route ».
Le sens « route, chemin » est celui du grec ancien ὁδός [hodós], un des rares noms thématiques à être féminin. Le mot possède une aspirée initiale et cette aspirée était clairement marquée puisqu'elle a entraîné des contractions après occlusive sourde :
κ + [h] > χ (k + h > kh)
τ + [h] > θ (t + h > th)
π + h > φ (p + h > ph)
Ces contractions (qui prouvent en passant la nature des sourdes aspirées du grec, qui ne sont devenues des spirantes que tardivement) avaient lieu dans la phrase mais aussi en composition, d'où :
κατ(ά) + ὁδός > κάθοδος « chemin pour descendre, descente »
μετ(ά) + ὁδός > μέθοδος « chemin pour aller plus loin, méthode »
ἐπ(ί) + ὁδός > ἔφοδος « chemin qui mène vers, avenue, assaut » (le dernier sens subsiste en grec moderne)
C'est la tradition française (mais non italienne) de transcrire les sourdes aspirées χ, θ, φ du grec par les digrammes ch, th, ph (prononcés de façon peu cohérente /k/, /t/, /f/) qui a produit méthode et cathode (mais sans formant hode en français puisque ce sont les mots qui sont empruntés).
En revanche, l'aspiration initiale tombait après les autres consonnes, d'où :
ἀν(ά) + ὁδός > ἄνοδος « chemin pour monter »
ἐπ(ί) + εἶς + ὁδός + ἐπεισόδιος « introduit en sus > épisode » (d'abord adjectif, d'où la finale -ιος)
etc.
À l'initiale des composés l'aspiration subsistait évidemment en grec ancien comme en témoignent ces quelques exemples :
ὀδός + πορεύω « passer » > ὁδοιπόρος « celui qui passe sur le chemin > voyageur » où la forme *ὁδοι est le témoignage d'un ancien locatif, connu en mycénien mais disparu du grec alphabétique
ὁδός + μέτρον « mesure » > ὁδόμετρον « instrument pour mesurer le chemin parcouru », l'hodomètre était déjà connu de Héron d'Alexandrie, mathématicien du IIe siècle avant notre ère
ὁδός + ποίησις « action de faire » > ὁδοποίησις « hodopoésie (!) » est l'action de frayer un chemin
Et je laisse aux spécialistes de l'évolution et des réformes le soin d'expliquer si la faute d'orthographe, devenue acceptable, de suppression du h initial est due à l'analogie des anodes et autres épisodes ou à une volonté de simplification (en grec moderne, une réforme récente a supprimé la notation de l'aspiration initiale qui, c'est vrai, ne se faisait plus entendre, mais gardait sa trace dans le sandhi, cf plus haut καθ' οδόν).
Revenons en à ὀδός [hodós] avec son aspiration issue d'un s initial *sodós. Ce mot suppose de prendre en considération une racine eurindienne *sed- qui semble homonyme de celle, très répandue, signifiant « s'asseoir ». On lui trouve effectivement quelques correspondants en indo-iranien :
— sanskrit ā-SAD-, ā-sīdati « aller vers », homonyme aussi d'un ā-SAD-, ā-sīdati « s'asseoir, présider », au point que Monnier et Mayrhofer rangent les deux sous la même entrée. Le présent sīdati ne doit pas faire penser à une laryngale, il est issu d'un présent à redoublement *si-sd-ati.
— avestique apa-had- « se retirer » (en iranien aussi le s s'affaiblit en h), formation parallèle au grec ancien ἄφοδος « action de s'éloigner, départ ».
On évoque aussi le russe chód (ход) « marche » où le traitement d'un ancien s initial serait dû à l'influence de fréquents usages avec préverbes (pri-, u-). Et, comme le grec, le slave ne confond pas les formes de cette famille avec celles signifiant « s'asseoir ».
Des tentatives de voltige sémantique ont cependant été faites pour ramener les deux *sed- à l'unité. Mayrhofer semble vaguement y croire, Chantraine trouve le rapprochement « difficile ». Les discussions dans Kuiper, Acta Orientalia 17, 25ss et dans Klingenschmitt, MSS 28, 71. Je n'y ai pas accès. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Sunday 13 Mar 11, 12:11 |
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Outis a écrit: | embatérienne a écrit: | … élément formant hode ou ode, rattaché au grec οδός route, chemin |
Le choix entre hode et ode n'est pas vraiment libre. Et il faut être prudent dans l'écriture : écrit sans l'esprit rude à l'initiale, οδός est du grec moderne et signifie couramment « rue », le sens ancien ne survivant plus que dans des syntagmes figés comme ιερά οδός « Voie Sacrée » (la route d'Athènes à Eleusis) ou καθ' οδόν « en route ».
Le sens « route, chemin » est celui du grec ancien ὁδός [hodós], un des rares noms thématiques à être féminin. |
Merci pour toutes ces précisions fascinantes et très éclairantes sur la formation des dérivés en grec. Je souhaitais effectivement écrire ὁδός [hodós] avec son esprit rude, mais comme les articles MDJ à cathode, méthode, etc. ne le faisaient pas, j'ai cru qu'une tradition locale s'y opposait !
Citation: |
ὁδός + μέτρον « mesure » > ὁδόμετρον « instrument pour mesurer le chemin parcouru », l'hodomètre était déjà connu de Héron d'Alexandrie, mathématicien du IIe siècle avant notre ère
Et je laisse aux spécialistes de l'évolution et des réformes le soin d'expliquer si la faute d'orthographe, devenue acceptable, de suppression du h initial est due à l'analogie des anodes et autres épisodes ou à une volonté de simplification |
Anode, mot jeune, n'y est pour rien.
Le mot odomètre, écrit ainsi, est ancien en français : il est déjà utilisé dans le Journal des Sçavans de 1679, alors que je ne trouve pas (dans Google Livres) d'occurrences de la forme hodomètre antérieures au XIXe siècle. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Sunday 13 Mar 11, 12:20 |
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embatérienne a écrit: | … j'ai cru qu'une tradition locale s'y opposait ! |
Oui, très chère, il y a sur Babel une tradition bien persistante qui consiste à ne pas accentuer les mots grecs, à ne pas indiquer la longueur des voyelles du latin quand on fait de l'étymologie, etc.
Mais rien ne s'oppose à ce qu'on s'y oppose … |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 13 Mar 11, 13:40 |
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Objection, votre honneur ! Grâce aux remontrances (réitérées et justifiées) d'Outis, nous sommes de plus en plus nombreux sur Babel à respecter les syllabes accentuées et les voyelles longues. Je ne désespère pas de voir la dite "persistante" tradition ne plus être bientôt qu'un mauvais souvenir. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Monday 14 Mar 11, 0:30 |
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J'en conviens, Papou, je ne faisait que donner un coup de plus sur le clou. Vieille déformation d'enseignant … |
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