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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3671 Lieu: Massalia
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écrit le Saturday 01 Feb 14, 0:36 |
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Le mot Nacht (substantif féminin) désigne en allemand d'abord au sens propre le temps qui s’écoule entre le crépuscule et l'aube, puis aussi l'obscurité.
Sa racine indo-européenne *nokt- nous renvoie à de nombreuses langues avec un nox latin, le ночь (notsh [ch mouillé] ) en russe, sans oublier night pour l'anglais et bien d'autres.
Intéressant de se souvenir que dans les temps anciens, c'est cette nuit qui servait d'unité de temps et non le jour. C'était important car on pouvait constater le début du mois ou de l'année par l'observation de la lune.
S'il est connu que pour les fêtes juives, le début du " jour de fête" commence au soir, après le coucher du soleil, on ignore parfois que ce système fut répandu dans bien ds cultures.
Quelques traces subsistent pour l'allemand dans d'anciennes locutions du moyen haut-allemand où siben nehte ( = sieben Nächte en allemand moderne) ou vierzehen nehte (vierzehn Nächte , allemand moderne) signifiaient respectivement, sept jours/ une semaine et une quinzaine (deux semaines).
On retrouve la même chose dans la forme archaïque anglaise sennight (contraction de sevennight) qui signifiait : une semaine et dans l'actuel fortnight (contraction de feowertyne +niht en anglo-saxon. le terme signifie aujourd'hui une quinzaine, période de quinze jours.
Pour le yiddish, on rouve le mot נעכטן = nekhtn , de même origine, qui se traduit par hier (le jour d'avant)
La nuit proprement dite se dit נאַכט : nakht comme en allemand, mais le pluriel en est bien נעכט = nekht.
Ce נעכטן = nekhtn vient directement du moyen haut-allemand ou l'on retrouve nechten au sens d'hier soir. Il est atttesté dans le chant épique du Nibelungenlied et encore utilisé dans ce sens dans certains dialectes de Bavière et d'Autriche.
Le yiddish a développé l'adjectif / adverbe נעכטטיק = nekhtik qui à la différence de son cousin allemand nächtig (synonyme de nächtlich= de nuit, nuitamment) signifie en yiddish : d'hier, de la veille.
quelques expressions : זײַן װי אַ נעכטיקער = zayn vi a nekhtiker = être comme un d'hier : comprendre être abattu, confus.
ou bien : ניט קײן נעכטיקער = nit keyn nekhtiker = ne pas être d'hier = ne pas être né de la dernière pluie. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Wednesday 14 Mar 18, 11:01 |
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Dans plusieurs parlers bretons du Centre-Bretagne, le mot fenoñs [fe'nɔ̃ːz-s], qui signifiait d'abord "ce soir", a pris le sens d'aujourd'hui. Le Nouvel Atlas linguistique de Basse-Bretagne en atteste à Berrien, Poullaouen, Landeleau, Plounévézel, Locarn et Plourac'h. Le mot est donné comme connu à Cléden-Poher, même si la façon normale de dire est l'ancien mot hirio (< *he-dio "ce jour", parallèle au latin hodie). J'ai également collecté à Carhaix l'expression an de-fenoñs "au jour d'aujourd'hui". Dans le Cap Sizun et sur l'Île de Sein, on dit henoazh "cette soir" (assemblage de breton et de latin *he-nŏctem) prononcé erva ou erwa pour "aujourd'hui". Dans les dialectes où ces deux mots sont vivants au sens de "ce soir", fenos s'utilise au futur et henoazh au présent. Les deux aires linguistiques qui connaissent l'aujourd'hui nocturne sont séparées par toute la Basse-Cornouaille et n'utilisent pas le même mot, mais il est difficile d'imaginer des innovations séparées.
L'aujourd'hui nocturne existe aussi dans les parlers gallo-romans, notamment en gallo ou "aujourd'hui" ce dit anë [a'nə] (< lat. ad-nŏctem), une forme identique à l'ancien français anuit "la nuit passée, cette nuit". D'après le FEW ce sens est attestée dès le XIVème siècle. L'ALF montre que ce mot est utilisé pour "aujourd'hui" dans l'ouest de la France : une partie de la Picardie, Normandie, Bretagne romane, Poitou et Saintonge, ainsi qu'en Auvergne, Limousin, Périgord et Gascogne girondine. Une aire linguistique plus petite, dans l'est, a aussi ce mot : elle est fragmentée entre les Vosges et la Wallonie. Ceci suggère qu'anuit était autrefois plus répandu, puis qu'il a été supplanté par l’expansion de la forme centrale aujourd'hui. Dans le Triangle des Landes, Bernard Manciet cite l'aujourd'hui nocturne pour montrer la grande originalité de son parler gascon de Sabres.
Cette façon de prendre un mot signifiant "cette nuit" pour dire "aujourd'hui" a souvent été attribuée au substrat gaulois, en raison de ce que dit César dans De Bello Gallico (VI, 18) :
Ob eam causam spatia omnis temporis non numero dierum sed noctium finiunt;
C'est pour cette raison qu'ils mesurent le temps, non par le nombre des jours ; mais par celui des nuits. (traduction de D. Nisard) |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11191 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 14 Mar 18, 11:36 |
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En arabe classique aussi, ليلة layla signifiait non seulement "une nuit" mais aussi "un espace de 24 h (en comptant toujours à partir du coucher du soleil)" (Kazimirski II, p. 1050).
J'ignore si ce sens est toujours usuel dans les parlers modernes. |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Wednesday 14 Mar 18, 15:48 |
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Le début de la journée commence bien après le coucher du soleil dans la tradition musulmane. Pour prendre un exemple, les prières du tarawih effectuées pendant le mois du Ramadan commencent après le coucher du soleil du jour précédent le début du jeûne : si le jeûne commence le 18 mai, on entre en réalité dans le mois de Ramadan le 17 après le coucher du soleil et ces prières surérogatoires commencent donc le 17 au soir. Il y a souvent un petit loupé chez les musulmans en Occident qui n'ont pas l'habitude de compter de cette manière. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3671 Lieu: Massalia
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écrit le Thursday 15 Mar 18, 21:54 |
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yiddish
Dans le même ordre d'idée, le terme yiddish qui signifie " aujourd'hui " est הײַנט = HAYNT
Il est d'origine germanique .. En allemand , l'équivalent est : HEUTE . Dont l'étymologie nous renvoie à une contraction . hiutu en vieil haut allemand est la contraction de hiu tagu = en ce jour.
le HAYNT yiddish ( traduit par aujourd'hui, est formé sur un modèle semblable , sauf que la contraction s'est faite à partir de Hiu + naht = en cettte nuit.
Où la nuit est unité de mesure de cette tranche de 24 heures... |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 898 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Friday 16 Mar 18, 0:54 |
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rejsl a écrit: | Intéressant de se souvenir que dans les temps anciens, c'est cette nuit qui servait d'unité de temps et non le jour. | Pour les enfants, on dit souvent : « Plus que x fois dormir »… |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Friday 16 Mar 18, 9:14 |
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En kabyle hier se dit iḍ-elli et avant-hier send iḍ-elli. Ce iḍ veut dire nuit quand il est pris seul mais traduit bien la journée de 24h dans ces formes composées. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 12 Apr 18, 11:09 |
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rejsl a écrit: | Sa racine indo-européenne *nokt- … |
C'est un peu imprécis, même Pokorny savait que la consonne finale était une labio-vélaire et que la voyelle n'était qu'une possibilité dans l'alternance *e/o.
Il faut donc poser un thème (c.à.d. une racine élargie) *nekʷ-t-.
Au nominatif singulier, la voyelle radicale est de timbre o et la désinence est -s, d'où :
*nokʷ-t-s > got. nahts, lat. nox, bret. noz, skr. nak, selon les plus ou moins grandes simplifications du groupe consonantique final.
La voyelle du grec νύξ [núks], gén. νυκτός [nuktós] fait difficulté et plusieurs explications ont été proposées. Mon point de vue est que, si le groupe consonantique complexe et l'accent final du génitif avait provoqué une syncope *n°kʷ-t-ós, la voyelle d'appui créée aurait pris le timbre u (voisinage de kʷ, cf. Lejeune, Phon., § 31 p. 43), ce qui aurait conduit à une délabialisation en *nuk-t-ós, forme sur laquelle aurait été refait le nominatif compte tenu de l'usage fréquent de ce νυκτός figé comme adverbe evec le sens « de nuit ».
Le vocalisme e est attesté en hittite avec neku- « poindre [le jour] », gén. nekuz (< ne-ku-uz) « nuit ». |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1895 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Friday 13 Apr 18, 9:49 |
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Outis a écrit: | rejsl a écrit: | Sa racine indo-européenne *nokt- … |
La voyelle du grec νύξ [núks], gén. νυκτός [nuktós] fait difficulté et plusieurs explications ont été proposées. Mon point de vue est que, si le groupe consonantique complexe et l'accent final du génitif avait provoqué une syncope *n°kʷ-t-ós, la voyelle d'appui créée aurait pris le timbre u (voisinage de kʷ, cf. Lejeune, Phon., § 31 p. 43), ce qui aurait conduit à une délabialisation en *nuk-t-ós, forme sur laquelle aurait été refait le nominatif compte tenu de l'usage fréquent de ce νυκτός figé comme adverbe evec le sens « de nuit ».
Le vocalisme e est attesté en hittite avec neku- « poindre [le jour] », gén. nekuz (< ne-ku-uz) « nuit ». | J'aimerais avoir ton sentiment sur le u wallon de nute (nuit), sur l'évolution phonétique probable.
Remacle dit bien que « le -u- wallon "répond" au -ui- français », ce qui n'est pas clair du tout. |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 898 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Friday 13 Apr 18, 10:06 |
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dawance a écrit: | J'aimerais avoir ton sentiment sur le u wallon de nute (nuit), sur l'évolution phonétique probable.
Remacle dit bien que « le -u- wallon "répond" au -ui- français », ce qui n'est pas clair du tout. | Pour avoir quelques éléments en plus quant à cette parenté, voir aussi le MDJ tûzer. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Friday 13 Apr 18, 10:36 |
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Oui, on en avait déjà parlé, l'évolution probable est :
noct(em) > *noχt > noit (attesté en a.f.) > nüt
Je suppose que le e de nute n'est pas une vraie voyelle mais un artifice graphique qui sert indiquer à un lecteur scolarisé en français que le -t final se prononce. Me trompé-je ? |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 898 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Friday 13 Apr 18, 10:40 |
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Non, tu ne te trompes pas. C'est un e tout à fait muet.
On devrait plutôt noter nut′. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11191 Lieu: Meaux (F)
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