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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Monday 03 Dec 12, 13:27 |
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chasme est un mot français qui désigne une gorge, un gouffre.
Le TLF le présente comme une adaptation de l'anglais chasm : gouffre : l'emploi de ce terme se rencontre aujourd'hui au sens figuré (peut-être au sens propre, je ne sais pas)
Chateaubriand utilise ce terme dans ses Mémoires d'outre-tombe, à propos de la cataracte de Niagara (aujourd'hui, on dit les chutes du Niagara) :
Aujourd'hui, de grands chemins passent à la cataracte ; il y a des auberges sur la rive américaine et sur la rive anglaise, des moulins et des manufactures au-dessous du chasme.
Ou bien dans la région de Salzbourg :
La descente du Tauern est longue, mauvaise et périlleuse ; j'en étois charmé : elle rappelle, tantôt par ses cascades et ses ponts de bois, tantôt par le rétrécit de son chasme, la vallée du Pont-d'Espagne à Cauterets, ou le versant du Simplon sur Domo d'Ossela
à propos du saut du Rhin :
Je me serais bien arrangé de finir mes jours dans le castel qui domine le chasme.
du latin chasma : gouffre
du grec χάσμα (χάσματος) : ouverture béante, d'où : gouffre, abîme, ouverture de la bouche, ouverture d'une porte (Bailly)
du verbe χαίνω (khainô) : ouvrir, s'entr'ouvrir : en parlant d'une chose, de la terre ; en parlant des hommes ou des animaux
à noter aussi :
χασματίας, χασματικός : tremblement de terre avec formation de crevasse.
en latin : chasmatias |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 03 Dec 12, 21:08 |
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Intéressante petite famille que celle de ce chasme, même si l'on y bâille et bée considérablement.
À l’origine, une racine IE *gʰāi-, « bâiller, être bouche bée ». Puis
- une branche grecque, sur laquelle Xavier a dit l’essentiel.
- une branche latine, par le verbe hio, -are, « être béant », en parlant notamment de la bouche. Le participe passé de ce verbe a donné le français hiatus, et le composé dehisco, -ere, « s’ouvrir », les termes de botanique déhiscent et déhiscence.
- une branche germanique pour laquelle je me contenterai de citer les descendants anglais bien connus gap, « faille, vide », to yawn, « bâiller », to gape, « être bouche bée », et to gasp, « haleter ».
NB : Ne pas confondre cette racine avec la racine *gʰēu-, très proche à la fois des points de vue formel et sémantique, puisqu’elle a le même sens. En relèvent les mots chaos et gaz, déjà vus comme « mots du jours ». |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Monday 03 Dec 12, 22:26 |
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On peut rattacher à cette racine l'allemand gähnen : bâiller ainsi que der Gaumen : le palais . |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Tuesday 04 Dec 12, 0:17 |
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Intéressant !
J'ajouterais pour le grec χάσμη : bâillement
Rejsl cite l'allemand gähnen , l'anglais yawn est son cousin. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Tuesday 04 Dec 12, 12:01 |
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Pour hiatus :
Le sens latin est : action d'ouvrir ; ouverture, fente, d'où le gouffre... et au sens figuré : le latin avait aussi le sens du français hiatus sur le plan grammatical.
(deux voyelles l'une à côté de l'autre comme : béant) ;
action de désirer avidement
Ces sens peuvent mieux se comprendre avec le sens du verbe hiāre :
s'entrouvrir, se fendre ; être béant, avoir la bouche ouverte ;
avoir des rencontres de voyelles, présenter des trous (en parlant d'un style où mots qui ne s'enchainent pas) : c'est ce qui peut expliquer l'origine du hiatus ;
être béant de convoitise.
En français, il désigne aussi un petit orifice sur le plan anatomique.
Il désigne aussi un gouffre, un décalage entre deux choses.
Normalement, le h est muet, on devrait donc écrire (et dire) : l'hiatus.
Mais on trouve plus souvent la forme : le hiatus.
"C'est tout le hiatus"
"Le hiatus est donc entre la politique, qui suscite une attente, et les politiques, qui provoquent de la défiance ?"
(Libération le 1er décembre 2012)
À l'oral, "c'est tout l'hiatus", cela semble bizarre à l'oreille... |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Tuesday 04 Dec 12, 12:51 |
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De la même famille, il y a également:
* der Geifer : la bave sous forme d'écume (par exemple pour un animal qui bave) . Deuxième sens par extension: un flot d'injures, de méchancetés. Entré dans la langue allemande par le bas allemand: gīpen : ouvrir grand la bouche.
De là dérive le verbe geifern : laisser exploser sa colère. En dialecte berlinois on retrouve giepern, jiepern ( attestés depuis le 18.siècle): désirer fortement , au fond baver d'envie...
Pfeifer y adjoint le terme Geest (notion géographique également employée en français) qui désigne un type de paysage côtier de l'Allemagne du Nord, Pays-Bas et du Danemark. Wikipédia le décrit comme ainsi: Le Geest se caractérise par des terrains légèrement vallonnés et sablonneux, composés de dépôts laissés après la dernière ère glaciaire (sable, graviers, glaises et éboulis).
Ce sont avant tout des terres peu fertiles, comparées aux marschen ( des marais asséchés) des mêmes régions. Pfeifer rattache ce terme aux adjectifs gēst, gāst (ancien frison), à gēst ( bas allemand) signifiant infertile, sec qu'il rapproche du suédois gisten et de l'islandais gisinn = perméable, poreux du fait de la sécheresse. Le tout venant aussi de cet étymon indoeuropéen :*g̑hēi-, *g̑hē-
Le point de départ pour ce mot serait l'idée que la sécheresse entraîne des fissures, fait s'ouvrir la terre. |
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