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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Wednesday 19 Feb 20, 18:52 |
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Une mégisserie est une technique de la préparation des cuirs utilisés en ganterie et en pelleterie.
Ce mot désigne aussi le lieu où s'exerce cet artisanat, ou le commerce des peaux mégissées.
mégisser ou mégir : tanner (une peau, un cuir) avec une préparation à base de cendre et/ou d'alun
C'est le travail du mégissier qu'on appelle mégissage (ou mégie)
Le mégis est un bain d'eau, de cendre et d'alun utilisé pour mégir les peaux.
(un mouton mégis, un cuir mégis, qui a été plongé dans le mégis)
Dans une mégisserie sont tannées les petites peaux d'ovins et de caprins, activité qui sert ensuite à faire des gants.
la mégisserie et la ganterie sont deux activités pratiquées dans la région de Millau (Rouergue) : voir le musée.
De l'ancien français megier : soigner médicalement, du latin medicare : soigner
terme qui a dû être spécialisé au sens de « traiter le cuir pour la préparation des peaux » (TLF)
Assez étrange comme évolution !
Frédéric Mistral présente mege (médecin) en précisant que ce terme est vieilli.
Le TLF présente mège comme terme régional, synonyme de charlatan, médicastre.
Vous connaissez Arlatan ? [...]
En soignant ses douleurs avec des herbes, des pommades de son invention, il avait acquis par toute la Camargue, de Trinquetaille à Faraman, une grande célébrité de mège guérisseur, surtout pour les fièvres et les rhumatismes
(Alphonse Daudet, Rose et Ninette)
Dernière édition par Xavier le Friday 21 Feb 20, 12:46; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 19 Feb 20, 19:12 |
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Voir la grande famille MÉDITER. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Wednesday 19 Feb 20, 19:26 |
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Le quai de la Mégisserie conserve le souvenir de ce mot à Paris. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 19 Feb 20, 22:04 |
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Xavier a écrit: | Assez étrange comme évolution ! |
Tellement étrange que je me demande s'il n'y a pas de l'homonymie dans cette histoire. Je crois que l'origine de mégis "bain d'eau, de cendre et d'alun" mériterait d'être examinée de plus près. Je verrais volontiers dans ce mot l'origine de tous les dérivés en rapport avec cette activité de tannerie. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 11:37 |
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C'est peut-être le mégis (le nom plutôt que le verbe) qui pourrait être à l'origine de cette évolution.
Ce mégis pouvait être considéré comme une solution médicatrice (une sorte de substance médicamenteuse).
Cette activité s'oppose à la tannerie. Le verbe tanner, à l'origine a le sens de "fatiguer". Qu'est-ce que cela signifie exactement ?
Est-ce qu'on n'aurait pas une méthode douce (pour des peaux délicates qui servent à faire des gants) face à une méthode plus dure (pour les grosses peaux qui servent pour fabriquer des chaussures) ? |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 12:15 |
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Non, ce n'est pas ça, je crois avoir trouvé, mais j'ai besoin de quelques heures de plus. |
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Picardicus
Inscrit le: 08 Oct 2010 Messages: 98
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 13:52 |
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Citation: | Le verbe tanner, à l'origine a le sens de "fatiguer". Qu'est-ce que cela signifie exactement ? |
En Belgique on entend souvent l'expression Tu me tannes le cuir, pour dire Tu commences à m'embêter, tu me fatigues les oreilles. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 17:20 |
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Juste pour rappel des hypothèses étymologiques anciennes (et non convaincantes) dans Scheler :
https://books.google.fr/books?id=ZTvjjNCB6KIC&pg=PA296#v=onepage&q&f=false
Peut-être plus sérieux, Bloch & Wartburg ajoutent à l'étymologie medicare cette précision : "le latin medicare se prenait déjà au sens d' « oindre, teindre »", ce que confirme le Gaffiot : "lana medicata fuco", laine traitée par une teinture, chez Horace. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 17:28 |
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Intéressant, mais de teindre à tanner, je ne sais pas si la distance est aisément franchissable. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 17:32 |
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Aisément franchissable si l'on pense à l'allemand avec son weißgerben ! |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 18:15 |
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Même en passant par la teinture, je doute que nos ancêtres aient assimilé le pire des charlatans à un tanneur spécialisé dans le traitement des peaux de chevreau ou d'agneau.
À propos des formes anciennes relatives à la médecine pour les unes et à la mégisserie pour les autres, en voici quelques-unes, relevées chez Godefroy :
Pour médecin, nombreuses formes en meg- (dont megeyeur et megayeur), mej-, mieg-, mig-, meid-, mied-, mid-, et même les formes mie et mee.
Fém : megeresse
Pour médicament : megement
Pour mégissier : megeicel, megeissier, megisser, megisseur, megisier, miegisier, mesgeissier, mesgeicier, mesgeicyer, mesgisser, mesguichier, mesguchier, mesguerchier, mesveicher, mogeycier
Pour mégis : megeis, megeiz, megeys, megiis, megis, mesgueis, mejaiz, miegeis
Pour mégisserie : megeisserie, mesgeisserie, mesgisserie, magicerie, margicerie
Pour "cuir" : megial, mesgial
Pour "peau mégissée" : megime, mesgime, megin, mesgin, meguer
Je remarque :
- aucune forme en mes- dans le premier groupe, contre plusieurs dans le deuxième.
- absence totale du d dans le deuxième groupe.
- des variantes plus nombreuses dont certaines assez inattendues dans le deuxième groupe.
À partir de ce premier constat, qui s'ajoute, malgré tout, à la distance sémantique, je crois pouvoir dire que nous sommes probablement face à un cas d'homonymie, sans nier pour autant l'influence qu'ont pu exercer certaines formes sur les autres au point, parfois, de se confondre.
C'est aussi, semble-t-il, l'avis de Littré, même si son hypothèse est douteuse.
Dernière édition par Papou JC le Sunday 23 Feb 20, 20:17; édité 1 fois |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 19:00 |
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embatérienne a écrit: | si l'on pense à l'allemand avec son weißgerben |
Dans le TDF (Mistral) :
blancarié : blanchisserie, mégisserie (= mégissarié)
blanquié : mégissier, chamoiseur, ouvrier qui prépare les peux en blanc. (= mégissié)
On trouve aussi :
mègue : petit lait.
mège, comme variante de mieje (moitié, demi) cf. métayer. (distinct de mège, médecin)
Chez Godefroy :
mesgue, mègue : petit lait, résidu du fromage, "eau de lait"
meguer (nom masculin) : peau tannée.
Et ce terme pourrait être apparenté à l'anglais milk, le latin mulgere (traire) comme le suggère Mistral ? |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 19:28 |
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Je crois plutôt que mègue "petit-lait" est d'origine celtique, à juger par ses cognats vieil irl. medg, mannois meaig, gaél. meag, v. bret. meid, rég. poitevin mègue, tous relevés par Gastal en face d'un gaulois reconstruit *mesigu.
Si l'on a ici la probable parentèle du muscat et du moscatel, en ajoutant le vieux slavon mozgu (suc, jus), je ne crois pas que cette juteuse petite famille ait quelque chose à voir avec le mégis, ni d'ailleurs avec le musc.
JE REVIENS PLUS LOIN SUR CE POINT
Dernière édition par Papou JC le Sunday 23 Feb 20, 19:54; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 22:50 |
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Mon hypothèse :
La méthode traditionnelle de tannage consiste à mettre à tremper les peaux dans plusieurs cuves successives contenant un jus d’écorce de plus en plus concentré, c’est l’étape de la brasserie. Par la suite, les peaux sont à nouveau immergées dans des cuves enterrées, en alternant les couches de tan frais.
Le premier mot de la définition de mégis dans le TLF donne la clé : I. − Subst. masc., vx. Bain spécial, composé d'eau, de cendre et d'alun, utilisé pour assouplir les peaux. (Dict. XIXes et XXes.).
On peut supposer, à partir des variantes recensées par Godefroy, que ce mot a connu les formes *mesg- et *mezg- qui permettraient de le faire remonter à la racine IE *mezg- « tremper, plonger » dont le DELL dit ceci : Une racine ainsi terminée par deux consonnes proprement dites est exceptionnelle en indo-européen ; sans doute racine du vocabulaire familier.
De cette racine sont issus le sanskrit majjati « plonger », le lituanien mazgóti « laver », et le latin mergere « plonger ».
Le latin mergere est donc un cognat de mégis mais ce n’est pas son étymon : mégis n’a pas d’équivalent dans les autres langues romanes. Le mot est donc venu de l’est par le nord. Cf. la forme mesveicher. Le lituanien mazgóti est bien isolé mais c’est le seul lien entre mégis et le sanskrit majjati.
(À suivre mais rien n'empêche de faire déjà des commentaires) |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11176 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 21 Feb 20, 7:52 |
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Parmi les variantes de mégissier, le lecteur n'aura pas manqué de remarquer mesguichier, mesguchier, mesguerchier et de les rapprocher du patronyme Mesguich, bien connu des amateurs de théâtre. C'est en tout cas ce que j'ai fait. Internet nous apprend très vite que la plupart des titulaires de ce patronyme sont nés en Algérie, et que ce nom serait d'origine berbère.
C'est possible, je n'en sais rien. Il faudrait savoir quand les premiers Mesguich se sont installés en Algérie, si avant, pendant ou après la conquête de ce pays par les Français à partir de 1830.
Si c'est pendant ou après, il est légitime de penser que cette famille a choisi ce nom en 1808 à la suite du décret de Napoléon ordonnant « que ceux des sujets de notre Empire qui suivent le culte hébraïque et qui jusqu'à présent n'ont pas eu de nom de famille ou de prénoms fixes seront tenus d'en adopter dans les trois mois de la publication de notre présent décret ». Des registres dans les mairies consignent les déclarations de noms et prénoms qui s'effectuèrent durant l'été et l'automne 1808. Les familles qui possédaient un patronyme fixe avant 1808 le conservèrent, à l'exception des Lévy qui étaient trop nombreux et durent s'appeler Barth, Blum, Lauff, Léo, Wolff … pour pouvoir se différencier. [...] D'autres adoptent des noms de métiers: Schumacher (cordonnier), Schmitt (forgeron), Schneider (tailleur)...D'autres prennent des sobriquets : Gross (grand), Lang (long), Klein (petit), Rothkopf (rouquin), etc.
Que des Juifs se soient alors donnés le nom de métier Mesguich (tanneur, mégissier) n'aurait rien de surprenant : depuis des siècles, le tannage est connu pour être un métier juif : dès 878, dans l'empire byzantin, le tannage est mentionné pour la première fois comme un métier juif dans un traité composé par l’évêque de Nicée sous le règne de Basile Ier. Ce ne sera pas la dernière.
Je sais qu'il y a une commune en Algérie qui a nom Sidi Mezghiche. Il faudrait savoir quand cette petite ville a été fondée, si avant ou après 1830. Si après, elle pourrait avoir été fondée par un Juif entreprenant dont les affaires auraient prospéré, à la manière de Dolfus fondant Dolfusville.
Je fais beaucoup d'hypothèses et pose beaucoup de questions. C'est dans l'espoir que des lecteurs bien informés puissent y répondre un jour. Il me semble en effet utile de savoir si ce patronyme a quelque chose à voir avec le sujet ou non. Y compris et d'abord pour les lecteurs qui s'appelleraient Mezguich.
En tout cas, je crois qu'il me faudra bientôt bannir le mégissier et sa mégisserie de la grande famille MÉDITER... C'est fait.
Dernière édition par Papou JC le Sunday 23 Feb 20, 20:12; édité 1 fois |
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