« Une culture encyclopédique »
La famille COL
Patriarche indoeuropéen : *KwEL-, « tourner, cercle »
Les branches
1. Les principaux ancêtres de cette famille sont le verbe latin
colere, « habiter », et le nom
colonus, « habitant, colon ». En sont issus la plupart des mots qui contiennent la terminaison -
cole ou le radical -
colo- :
colon, colonie, Cologne, colonial, coloniser, agricole, viticole, piscicole, ...
2. D’autres ancêtres de cette famille sont les noms latins
cultura et
cultus, « culture ». En sont issus tous les mots contenant le radical -
cult- :
culte, culture, agriculture, cultiver, cultivateur, culturel, inculte, viticulture, horticulteur, ...
3. L’appartenance du latin
collum, « cou », à cette famille est difficile à affirmer mais considérée comme fort probable par la plupart des étymologistes. Ses descendants contiennent le radical -
col- ...
col, colis, collier, collerette, coltiner, accolade, décolleté, encolure, racoleur, torticolis, ...
... mais il y a beaucoup de faux frères comme on le verra plus loin.
4. Enfin la famille a une branche grecque bien représentée par le nom
κυκλος, kuklos, « cercle ». Ses descendants contiennent le radical -
cycl- :
cycle, cyclone, bicyclette, cyclique, cycliste, recycler, encyclopédie, encyclopédiste, Cyclope, hémicycle, ...
Les invités masqués
1. Il vient de
collum, c’est donc un doublet de
col, mais il a remplacé le
l par un
u :
cou.
2. Un cousin grec reconnaissable par son
y dans -
cyl- :
cylindre, du grec
κυλινδρος, kulindros, « rouleau, cylindre ». Dérivés :
cylindrée, cylindrique.
3. Avec son -
col-, il a l’air latin mais en fait il est grec :
bucolique, du grec
βουκολικος, boukolikos, même sens, dérivé de
boukolos, « bouvier », lequel est composé de
bous, « bœuf », et d’un second élément appartenant à la racine *KwEL-.
4. Un autre cousin grec, mieux déguisé sous son -
pol- :
pôle, du grec
πολειν, polein, « tourner »
, et
πολος, polos, « pivot »[
1]. Dérivés :
polaire, poulie.
5. Venant de l’est et passant par l’Allemagne, il a remplacé le
o de /kol/ par un
a :
calèche, emprunté à l’allemand
Kalesche, du tchèque
kolesa, du polonais
kolaska, l’un et l’autre dérivés du nom de la « roue » dans chacune de ces langues.
6. Celui-ci, il est méconnaissable :
quenouille est issu du latin médiéval
conucula, variante de
colucula, diminutif du latin classique
colus, même sens.
Curiosités
Cyclope : dans la mythologie grecque, géant qui n’avait qu’un « œil rond » au milieu du front. Une première race de Cyclopes est constituée des trois fils de Gaia et d’Ouranos, la Terre et le Ciel ; une deuxième fabriqua la foudre à l’intention de Zeus ; une troisième construisit les murs de Mycènes, et la quatrième gardait des moutons en Sicile. Le plus célèbre d’entre eux s’appelait Polyphème. (Voir la famille
FABLE).
Homonymes et faux frères
1. Il y a
col et
colle !
colle est issu du grec
kolla, « gomme ».
Dérivés : coller, collage, collant, décoller, encoller, recoller, décollage, encollage.
2. Il y a
colon et
côlon !
côlon est issu du grec
kôlon, « gros intestin ». Dérivés :
colique, colite.
3. Il y a
collation et
décollation !
–
décollation (comme celle de Saint Jean-Baptiste, souvent représentée en peinture) est bien de la famille, puisque dérivé de
col, cou ; et le mot n’a de rapport ni avec le nom
collation ni avec le verbe
décoller.
–
collation est issu du latin médiéval
collatio, de
collatus, participe passé de
conferre, « conférer ». Ce fut d’abord la « conférence » avant le repas des moines, d’où son sens actuel de « repas léger ». Un sens encore plus ancien, « action de comparer entre eux des manuscrits, textes, documents », est conservé dans les dérivés
collationner et
collationnement.
4.
clown n’est probablement pas issu de
colonus, « colon » comme on a pu le penser. C’est un mot bien représenté dans le domaine germanique et qui signifiait « motte de terre, masse, morceau » ; il s’est appliqué ensuite par métaphore à une personne balourde, mal dégrossie. Le mot anglais a d’abord désigné un « paysan » (cf. fr.
cul-terreux, bouseux), et péjorativement, un « rustre ». Il a ensuite évolué, notamment dans le vocabulaire du théâtre comique, de « bouffon campagnard » en « bouffon » tout court, et enfin en « personnage comique de la pantomime ou du cirque », syn.
auguste. Son partenaire est désigné par le terme de
clown blanc.
5.
colifichet : altération de
coeffichier, ornement fiché sur la coiffe.
6.
colporter est, sous l’influence de
col et de
coltiner, une déformation de l’ancien français
comporter, « emporter avec soi, transporter ». Dérivé :
colporteur.
7. Nombre d’autres mots en -
col- ne sont pas non plus de la famille : ni
colère (< grec
kholê, « bile »), ni
colline (< lat.
collis, même sens), ni
colmater (< lat.
culmen, « faîte »), ni
colosse (< grec
kolossos, « statue colossale »), ...
8.
polémique : emprunté (1578) au grec
πολεμικος,
polemikos, “qui concerne la guerre ; disposé à la guerre ; batailleur, belliqueux”, de
πολεμος,
polemos, “choc ; tumulte de la guerre”, employé chez Homère pour le combat, la bataille, puis après Homère, à propos de la guerre ;
πολεμος est le nom d’action correspondant au verbe
πελεμιζειν, pelemizein, “mouvoir avec force ; agiter, secouer ; repousser avec force”.
9. Ne sont non plus de la famille ni
police (voir famille
DICTER, Homonymes) ni
polir (< lat.
polire) ni
polo, mot anglais emprunté à un dialecte tibétain.
Dans d’autres langues indoeuropéennes
esp.
agrícola, bucólico, ciclo, ciclón, cíclope, collar, colono, cuello, cultivar, culto, cultura, enciclopedia, hemiciclo, incola, inquilino, polar, polea, polo
port.
agrícola, ancila, bucólico, ciclo, colo, colono, culto, inquilino, pólo
it.
accollare, agricola, ancella, collare, colletto, collo, colonia, colono, conocchia, cultivare, culto, cultura, puleggia, torticollo
angl.
accolade, agriculture, bicycle, bucolic, col, collar, collet, colony, cult, cultivate, culture, cycle, cyclone, encyclical, incult, pole, pulley, wheel
all.
Akkolade, Felge, Hals, Kalesche, Kolonie, Kultur, Kunkel, Pol, Zyklus
rus.
галстук, колония, коляска, культура, одеколонь, циклон, цилиндр, энциклопедия
Notes :
1 C’est par une évolution phonétique tout à fait normale qu’au son *Kw- à l’initiale en indoeuropéen correspondent les sons /k/ en latin et
/
k/
ou /
p/en grec.