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Pierre
Inscrit le: 11 Nov 2004 Messages: 1188 Lieu: Vosges
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écrit le Thursday 03 Mar 05, 14:52 |
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Le Léthé
C'est dans la mythologie grecque, le fleuve de l'oubli (Du grec Lêthê, oubli) coulant en enfer.
Les morts soucieux d'oublier leur vie terreste, s'y abreuvaient, tandis que (Selon Platon) les âmes en passe de renaître s'y immergeaient pour effacer ce qui avait été vu dans le monde souterrain.
Vierges de toute mémoire, ces âmes pouvaient alors renaître.......
Le Styx
Tout comme l'Achéron, le Styx était aussi dans la même mythologie grecque, un des fleuves des Enfers.
Il entourait le royaume des morts sur lequel régnait le dieu Hadès.
Les eaux noires de cette rivière souterraine d'Arcadie avaient des propriétés magiques . Ainsi le héros légendaire Achile, devint immortel après un bain dans ces flots mystèrieux. Il garda cependant un point faible, le talon par lequel sa mère Thétis, l'avait tenu lorsqu'elle le plongea dans l'eau. |
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Charles Animateur
Inscrit le: 14 Nov 2004 Messages: 2522 Lieu: Düſſeldorf
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écrit le Monday 19 Dec 05, 12:31 |
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Le léthargique semble lui par contre encore en pleine baignade... |
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Helene
Inscrit le: 11 Nov 2004 Messages: 2846 Lieu: Athènes, Grèce
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écrit le Monday 19 Dec 05, 12:47 |
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Citation: | Il garda cependant un point faible, le talon par lequel sa mère Thétis, l'avait tenu lorsqu'elle le plongea dans l'eau. |
C’est exact et ce point sensible se nomme le Talon d’Achille, Αχίλλειος πτέρνα. C’est à cause de se point sensible que Pâris le tua en décrochant une flèche. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Friday 19 Oct 07, 17:10 |
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Sur le Léthé
Dans la tradition grecque antique, le Léthé (l'Oubli) n'est pas un fleuve mais une source (personnifiée par Hésiode comme fille d'Éris, la Discorde) et elle est normalement considérée comme allant de pair avec Mnémosyné (la Mémoire).
Comme souvent en Grèce, ces sources existent sous deux aspects, géographique et mythique.
Ici-bas, Léthé et Mnémosyné sont deux sources situées dans le ravin qui débouche à Livadhia (Béotie), là où se trouvait l'oracle de Trophonios. Elles jouaient un rôle dans le rituel oraculaire bien qu'on n'ait que peu de détails sur celui-ci (Pausanias, IX, 39, 8 ).
Dans l'au-delà, selon la tradition orphique recueillie sur des tablettes accompagnant les défunts, il s'agissait de deux lacs (?). L'âme cheminait dans un paysage désolé et brûlant où elle était torturée par la soif. Assez vite, elle arrivait à la Léthé et, ne pouvant s'empêcher de boire, elle oubliait tout de sa vie passée. L'initié, lui, savait s'en garder et trouver la force de poursuivre jusqu'à la Mnémosyné, gagnant ainsi le privilège de garder ses souvenirs lors de ses réincarnations ultérieures …
Étymologiquement, λήθη [lēthē] (f.) « oubli » (< *leh₂-dʰ-eh₂) est inséparable de λανθάνω [lanthánō] (v.) « oublier » (< *lh₂-n-dʰ-h₂-nō) et de αληθής [alēthḗs] (adj.) « vrai, véridique » (< *n-leh₂-dʰ-ēs). Le lien entre l'oubli et le mensonge s'éclaircit un peu si on considère l'adverbe homérique λάθρῃ [lathrēi] « en cachette » (< *lh₂-dʰ-reh₂-i) ainsi que l'a analysé Jean-Pierre Levet, Le Vrai et le Faux dans la pensée grecque archaïque :
Il part d'un neutre hypothétique *λᾱθος [lāthos] « voile, brume, obstacle à la vue » (< *leh₂-dʰ-os), considérant l'oubli comme un voile obscurcissant nos souvenirs et les rendant indistincts, alors que la vérité est ce qui est dé-voilé !
Le thème *leh₂-dʰ- n'a pas de cognat eurindien exact mais, malgré la difficulté phonétique du mode d'articulation de la dentale, on s'accorde à lui associer le latin lateō « être caché » (cf. français latent).
Sur le Styx
En premier lieu, il faut rappeler que la tradition d'Achille baigné dans le Styx par sa mère, sauf au talon, est très tardive (époque romaine) et qu'elle s'est développée parallèlement et symétriquement à la légende qui faisait mourir Alexandre le Grand empoisonné par l'eau du Styx que les assassins avaient transportée dans le sabot (le talon !) d'un âne. Homère ne connait pas d'invulnérabilité d'Achille et, à l'époque hellénistique, c'est dans le feu que Thétis plonge Achille bébé (Apollonios de Rhodes).
C'est tout aussi tardivement que le Styx deviendra un sinistre marais, initialement il est au contraire d'une eau très pure, qu'il soit mythique ou terrestre.
La Styx d'Hésiode est la fille aînée d'Okéanos et, ayant soutenu Zeus dans ses luttes, elle obtint le privilège que ce soit sur son eau que les dieux devaient jurer le Grand Serment des Dieux. Quand c'était nécessaire, Iris allait puiser à la cascade de sa source dans une aiguière d'or et, si le dieu qui prêtait serment sur elle se parjurait, il était privé d'ambroisie, la boisson d'immortalité.
Le premier des Styx terrestres naît par une cascade issue d'un névé en Arcadie (dans les monts Aroaniens) et est aujourd'hui connu sous le nom de Mavronéri (l'eau noire) à cause de sa dangerosité : quiconque en boit meurt, sauf un jour dans l'année (on ne sait évidemment lequel) où, au contraire, elle donne l'immortalité.
(ces « eaux de mort » de haute montagne sont connues ailleurs, on l'attribue quelquefois à leur froid glacial qui, après une ascension épuisante, pourrait provoquer une hydrocution)
Un autre Styx est donné dans un roman d'Achille Tatius, Clitophon et Leucippe (IIe s. ?), comme une fontaine d'Éphèse utilisée dans un rituel d'ordalie pour tester la fidélité des femmes mariées (bien que coupable, l'héroïne s'en tire, comme Iseult dans des circonstances analogues, par une vérité fallacieuse).
On aura remarqué dans ce thème du Styx la liaison quasi-permanente entre les oppositions mensonge/vérité et mort/immortalité. Y compris dans la fontaine d'Éphèse si l'on considère que la fidélité des femmes mariées est la garantie de pureté du lignage agnatique, condition nécessaire d'immortalité par celui-ci dans le cadre du culte des ancêtres …
Le grec στύξ, gén. στυγός [stúks, stugós] (f.), outre le fleuve et la source, a aussi les sens de « froid glacial » et de « haine, crainte ». Le seul cognat en serait le russe stygnuti « refroidir, se refroidir, geler », mais c'est insuffisant à éliminer une coïncidence éventuelle. |
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telephos
Inscrit le: 13 Feb 2008 Messages: 341 Lieu: Montréal
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écrit le Sunday 04 Jul 10, 2:10 |
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Outis a écrit: | Le grec στύξ, gén. στυγός [stúks, stugós] (f.), outre le fleuve et la source, a aussi les sens de « froid glacial » et de « haine, crainte ». Le seul cognat en serait le russe stygnuti « refroidir, se refroidir, geler », mais c'est insuffisant à éliminer une coïncidence éventuelle. |
Le verbe russe pour "refroidir" (intransitif) est стынуть stynut'. La consonne finale de la racine qui s'est élidée au contact du suffixe -nu- est un d (styd + nut' > stynut'). On peut se convaincre de la présence du d en comparant avec le verbe transitif остудить ostudit' "refroidir" (il y a en plus une alternance vocalique y/u).
Notons au passage que стыд styd veut dire "honte". Le russe compare la honte à un froid qui nous parcourt le dos.
Pourrait-on supposer qu'il y a eu passage de [g] à [d] à un certain moment de l'histoire des langues slaves ? |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Sunday 04 Jul 10, 7:44 |
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Je ne sais pas grand chose des langues slaves mais voici ce que dit Beekes à l'occasion de l'étymologie du verbe στυγέω :
Beekes a écrit: | As behind the notion `hate' a concrete conception will be hidden and for στύξ the meaning `icy cold, icecold water' is in fact attested (from where στυγέω prop. `shiver'?) it is obvious to connect a synonymous Slav. word: Russ. stýgnutь, stúgnutь `cool down, get cold, freeze', Stugna tributary of the Dniepr. Much less usual are forms with -d-, e.g. Russ. stúda `cold', studítь `cool (down)', OCS studъ also = αἰσχύνη; a Slavic change -dn- to -gn- is perhaps not to be excluded (s. lit. in Vasmer s. stýgnutь). |
Traduction :
Comme derrière la notion de « haine » un sens concret est dissimulé et que pour στύξ les sens « froid glacial, eau glacée » sont en fait attestés (d'où, pour στυγέω, le sens propre « frissonner » ?) il est évident de mettre en relation un mot slave synonyme : russ. stýgnutь, stúgnutь « refroidir, rendre froid, geler », Stugna affluent du Dniepr. Beaucoup moins usuelles sont les formes en -d-, e.g. russ. stúda « froid », studítь « refroidir », vx-slave d'église studъ aussi = αἰσχύνη [honte, déshonneur] ; un changement slave de -dn- à -gn- n'est peut-être pas à exclure (littérature chez Vasmer s.u. stýgnutь). |
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MiccaSoffiu
Inscrit le: 24 Jun 2008 Messages: 463 Lieu: Capicursinu-Sophia
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écrit le Sunday 04 Jul 10, 11:38 |
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L’amour ne meurt pas, il permettrait même de braver le Styx :
«... Bien qu'il soit assis comme rameur dans les roseaux du Styx, qu'il regarde les lugubres voiles du radeau infernal, si la voix de son ami lui crie de revenir, il fera demi tour sans s'occuper de la loi.» (Copie de remacle.org.)
«... Iam licet et Stygia sedeat sub harundine remex cernat et infernae tristia vela ratis, si modo clamantis revocaverit aura puellae, concessum nulla lege redibit iter.»
PROPERCE, Elégies, II, 27, 1-2 ; 11-16. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11175 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 29 Mar 14, 6:59 |
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Outis a écrit: | Le thème *leh₂-dʰ- n'a pas de cognat eurindien exact mais, malgré la difficulté phonétique du mode d'articulation de la dentale, on s'accorde à lui associer le latin lateō « être caché » (cf. français latent). |
Voir le mot du jour latere.
Pour ceux qui s'intéressent à Alastor, il fait aussi partie de la famille, semble-t-il. Quel qu'il soit.
Lire Chantraine p. 54 du livre (68 du PDF). |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11175 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 25 Mar 21, 10:49 |
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Dans la mesure où je vois que l'origine indo-européenne de ces mots grecs n'est pas assurée, et en prenant toutes les précautions d'usage, je me permets de signaler l'existence en arabe classique du digramme lṭ à l'initiale des verbes suivants :
لطّ laṭṭa recouvrir, cacher
لطا laṭā u chercher un abri sous un rocher ou dans une caverne
لطى laṭā i rester à une place, dans un lieu, n'en bas bouger
لطع laṭaʿa effacer, faire disparaître
Le non-achèvement du dictionnaire des racines sémitiques ne me permet malheureusement pas de savoir ce qu'il en est des autres langues du domaine. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 25 Mar 21, 11:41 |
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Signalons aussi le français laitue, car c'est sous ses feuilles que se cachent les limaces ! Le loto, car les jetons cachent en partie la grille. Bon, je me prépare pour le 1er avril. Désolé ! |
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Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 890 Lieu: Pays de Loire
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écrit le Thursday 25 Mar 21, 12:48 |
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Laitue romaine : l'es-tu, romaine ? |
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Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 890 Lieu: Pays de Loire
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écrit le Thursday 25 Mar 21, 13:24 |
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telephos a écrit: | Outis a écrit: | Le grec στύξ, gén. στυγός [stúks, stugós] (f.), outre le fleuve et la source, a aussi les sens de « froid glacial » et de « haine, crainte ». Le seul cognat en serait le russe stygnuti « refroidir, se refroidir, geler », mais c'est insuffisant à éliminer une coïncidence éventuelle. |
Le verbe russe pour "refroidir" (intransitif) est стынуть stynut'. La consonne finale de la racine qui s'est élidée au contact du suffixe -nu- est un d (styd + nut' > stynut'). On peut se convaincre de la présence du d en comparant avec le verbe transitif остудить ostudit' "refroidir" (il y a en plus une alternance vocalique y/u).
Notons au passage que стыд styd veut dire "honte". Le russe compare la honte à un froid qui nous parcourt le dos.
Pourrait-on supposer qu'il y a eu passage de [g] à [d] à un certain moment de l'histoire des langues slaves ? |
стынуть repose clairement sur *styd-noti > стыднѫти > сты(д)нуть et стыд sur ie *steu > *stu + suffixe panslave -дъ.
La racine ie a bien comme sens celui de "стужа" dans la langue moderne ("froid vif") d'après Semenov et Vasmer, mais je ne la trouve pas chez Pokorny.
On ne peut supposer de passage spontané de [d] à [g] ; si la racine est la même dans στυγῶ ou στύγος (?), il s'agirait d'un autre suffixe (ou d'un élargissement). |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11175 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 25 Mar 21, 16:02 |
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Qu'on veuille bien m'excuser, effet du Léthé, j'ai oublié un autre verbe arabe - ce ne sera probablement pas le dernier - à ajouter à ma petite liste, c'est لاط lāṭa "cacher, céler".
(Sans rapport, semble-t-il, avec le nom arabe de Loth qui a donné lieu à toute une dérivation sur la sodomisation.) |
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Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 890 Lieu: Pays de Loire
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écrit le Thursday 25 Mar 21, 19:38 |
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Le ṭ arabe équivaut-il au θ grec ?
D'autre part, s'il y a influence sur le grec, il y aurait aussi influence sur le latin lateo dont la dérivation "classique" est *lH2 -dh-eH1-o, avec un e long qui est un suffixe d'état qui ne peut être emprunté. J'ai du mal à y croire.
D'autre part, la dérivation par l'i.e. montre bien pourquoi le a de lateo est bref alors que celui du parfait de λανθάνω, λέληθα, est long < *le-leH2-dh-a (le α long passe à η en attique). Comment l'arabe peut-il rendre compte de ce changement de quantité ? |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11175 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 25 Mar 21, 20:24 |
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Attention, attention, je me garde bien d'établir un lien direct entre le grec et le latin d'une part, et l'arabe d'autre part. Je verse simplement au dossier des informations sur une langue sémitique dans laquelle un digramme bien particulier, repérable dans plusieurs racines, est à l'évidence porteur de la même charge sémantique que celle qui caractérise les mots grec et latin.
C'est peut-être une simple coïncidence. C'est ce qu'on dit tout le temps. J'ai la faiblesse de penser que certaines de ces coïncidences n'en sont pas.
Moi, j'observe ces coïncidences, et je les rapporte. Je me sentirais coupable de ne pas le faire, coupable de rétention d'information.
En dépit des sarcasmes, l'arme ultime des ignorants. |
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