faire (un) pont d'or

[Horatius]

Qu'on se rassure : je ne vais pas communiquer ici toutes les découvertes que je fais le Dictionnaire des Sentences grecques et latines que j'ai présenté sur un autre fil. N'empêche que voici un cas intéressant.

Aujourd'hui, on emploie l'expression "faire un pont d'or" surtout pour dire "faire une proposition alléchante, offrir une situation avantageuse" : c'est dans ce sens que l'expression est employée dans les exemples que l'on peut trouver en allant sur un moteur de recherche.
Le sens que connaît Littré est le suivant :

[José]

Très intéressante présentation, Horatius !

Finalement, au sens où Littré l'entend, faire un pont d'or, c'est être magnanime.

[Jacques]

À mon avis, il y a dans pont d'or à la fois l'idée de compensation généreuse et l'idée de changement de lieu.

Par exemple :
On lui a offert un pont d'or pour qu'il aille s'occuper de notre succursale d 'Amérique du Sud : une très grosse prime de déplacement

[Papou JC]

Le pont d'or des Anciens n'est pas sans rappeler le plus moderne parachute doré.
On fait surtout un pont d'or à quelqu'un pour lui faire accepter un état professionnel nouveau présentant des désavantages évidents par rapport au précédent, une perte de prestige, par exemple.

[giòrss]

En italien, c'est toujours au pluriel: ponti d'oro = ponts d'or.

[Charles]

Le pont d'or est le cousin du parachute doré, dès fois que l'on tombe d'un pont trop doré...

[Glossophile]

Faire un pont d'or (ou d'argent...) à l'ennemi, c'est tout bonnement l'acheter.
Très efficace du temps des armées de métier, où les généraux tenaient à la vie de leurs hommes qui leur coûtaient cher : ne pas se battre, et se faire payer pour cela, cela ne se refuse pas !

Certains émettent l'hypothèse que à Valmy, les Français ont tout bonnement acheté le roi de Prusse avec les bijoux de la couronne. Le fait est que ces bijoux ont disparu.

[José]

[Papou JC]

Si je suis content de ma situation, il faudra me faire un pont d'or pour m'en arracher car je sais ce que j'ai mais ne sais pas ce que j'aurai. Ce sera peut-être mieux mais ce sera peut-être pire. Comme on dit en espagnol, vale más lo malo conocido que lo bueno por conocer, soit un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Toute la raison et toute l'explication du "pont d'or" tient dans ce proverbe.

[yves]

En ce qui concerne son origine, c'est ce qui ressort des interventions précédentes.
Par contre, dans son utilisation actuelle, comme dans le cas des joueurs de foot cité par José, le pont est d'or pour amener à venir vers soi, mais sans aucun inconvénient apparent : on achète l'excellence (sportifs, patrons, ...)

[Papou JC]

Ce que je veux dire, c'est que si on doit faire un pont d'or à quelqu'un, c'est parce que ce quelqu'un n'envisage que difficilement de quitter une situation déjà très confortable. On ne fait jamais un pont d'or à un pauvre hère ... Autrement dit, il y a une prise de risque. Je suis persuadé que beaucoup de gens déjà bien installés préfèrent se contenter de ce qu'ils ont, et que tout le monde ne cède pas au chant des sirènes, fussent-elles dorées.

[José]

Ce que tu avances là, Papou, c'est plutôt un ressenti personnel. Dans le cas des sportifs ou des animateurs télé, on vient les débaucher en leur demandant de produire la même chose ailleurs : le risque professionnel et personnel est extrêmement limité et le gain qu'ils sont en droit d'attendre (= augmentation de salaire) est énorme.

Ceux qui sont l'objet de débauchage ne sont nullement de pauvres hères, ils ont intégré le nomadisme professionnel :
- Laurence Ferrari est passée de TF1 à Canal+ pour revenir à TF1
- un footballeur sait, dès qu'il entre en centre de formation, qu'il passera probablement moins de 2 ou 3 ans dans chaque club qu'il fréquentera

Leur problématique à tous n'est pas :
- quel risque pour moi et ma carrière ?
mais
- quel gain suis-je en droit d'espérer ?

[Papou JC]

On ne va pas ergoter trop longtemps sur cette question. L'immense majorité des gens que nous sommes changeons de lieu professionnel sans qu'il soit besoin de nous faire chaque fois un pont d'or, malheureusement ! Comme il est dit quelque part sur ce fil, le pont d'or paie l'excellence, avec un espoir de retour sur gains, c'est évident. Autre proverbe utile en l'occasion : on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre.
La prise de risque est partagée : elle vaut aussi bien pour le payeur que pour le payé. Il doit bien y avoir des internationaux que certains clubs ont regretté d'avoir achetés, et des internationaux qui ont regretté d'avoir changé de club, non ? (Je pose la question naïvement car voilà bien un domaine, le foot, qui m'est totalement étranger ...)

[yves]

Effectivement, foot ou pas, on n'est jamais dans le domaine de la certitude, mais d'un choix avec ce qu'il implique de risque. Ce que José (mais il pourra contredire) et moi avons voulu remarquer c'est que dans cette idée de pont d'or, on est tellement sûr qu'on ne pense pas au risque : il s'agit uniquement de la question "combien faut-il y mettre ? ". La réalité rattrape parfois les illusions...

[Papou JC]

Ce qu'il faut dire aussi c'est que la quantité d'or du "pont" ne peut être qu'à la mesure des risques courus par l'acheté pour qu'elle lui donne le sentiment de bien les compenser au cas où les choses tourneraient mal. C'est encore une fois la même idée qui sous-tend l'histoire du parachute doré. En fait, l'un et l'autre sont des pensions de retraite avant l'heure ...