Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 14 Dec 10, 10:13 |
|
|
D'après le Robert Historique, suffrage est un emprunt savant au latin classique suffragium, « tesson de poterie servant au vote », d’où « vote favorable » et « droit de vote », « jugement, opinion ». Le mot prend en latin médiéval le sens de « aide, soutien » et se spécialise dans le vocabulaire juridique et religieux, signifiant « province ecclésiastique », « intercession d'un saint auprès de Dieu », « prière », « prestation en nature ». Suffragium est dérivé de suffragari, « voter pour soutenir une candidature », au figuré « soutenir, appuyer, favoriser ». Ce verbe d’origine discutée aurait signifié à l’origine « exprimer son opinion de manière convenue avec un tesson de poterie » ; il est peut-être composé du préfixe sub- et d’un nom *frago, « morceau » de la même famille que frangere, "briser". D’autres voient dans l’élément -frag- une trace de fragor qui exprimerait le bruit des acclamations au moment d’un vote collectif …
Problèmes :
- *frago n'est pas attesté.
- l'histoire du tesson de poterie n'apparaît nulle part dans Gaffiot, si j'ai bien cherché.
J'espère qu'un latiniste pourra nous en dire plus à partir des textes eux-mêmes.
Dernière édition par Papou JC le Friday 10 Feb 17, 23:39; édité 1 fois |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Tuesday 14 Dec 10, 16:36 |
|
|
Le nom serait frăgĭum = "fracture", d'où vient fragmen correspondant au grec ostrakon.
Sub+fragium>suffragium = le vote exprimé en écrivant au dessous de l'ostrakon, qui se consignait tourné au contraire. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 14 Dec 10, 17:10 |
|
|
Je veux bien mais ni fragium ni fragmen ne signifient "tesson de poterie".
D'autre part, comment comprendre alors refragari, "voter contre" ? Où est passé le tesson de poterie dans refragari ? |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Tuesday 14 Dec 10, 19:17 |
|
|
Fragmina (pluriel de fragmen) signifie bien "tessons de poterie"! Tu penses que soit generique...mais pas toujours c'est pareil!
Il faut voir le mot dans le discours,
Comme le mot français tesson n'a pas toujours besoin de la precision "de poterie" pour se referer à la poterie...idem "fragmina" n'a pas besoin de la precision "testarum", si le discours est concernant les elections.
Mais testarum suffragia nous savons que signifie "ostracisme". |
|
|
|
|
Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
|
écrit le Tuesday 14 Dec 10, 20:15 |
|
|
giòrss paraît bien affirmatif, mais je serais curieux de lire une phrase latine où le mot "suffragium" désigne un tesson de poterie ! Moi, je n'en ai pas trouvé : aucun des exemples donnés par Gaffiot et par Lewis&Short n'a ce sens...
De toute façon, il y a un autre problème : à ma connaissance, le vote à Rome ne s'est jamais fait avec des tessons. A Athènes, oui ; mais à Rome, on votait à voix haute ou en écrivant sur des tablettes.
Quant à l'expression "testarum suffragia" : c'est une invention de Cornelius Nepos pour traduire précisément cette pratique grecque de l' "ostracisme" et cela semble prouver que justement suffragium ne signifie pas "tesson" puisqu'on a "testa" (morceau de tuile)...
En ce qui me concerne, je n'ai pas d'avis assuré, et je n'ai pas non plus Ernout-Meillet sous la main, qui pourrait nous donner sa réponse...
Papou : vous semblez opposer l'étymologie par frangere et celle par fragor. Il m'avait toujours semblé que les deux mots étaient de la même famille. Ils contiennent l'idée de brisure, d'éclat : fragor, c'est à la fois la brisure, et le craquement de l'objet qui se brise, c'est un bruit éclatant autant qu'un éclat de quelque chose.
Pour en revenir à suffragium, je sais bien que tous les dictionnaires parlent de "tesson de vase", mais je me demande s'il n'y a pas là un mélange avec ce qui se passe en Grèce. Quoi qu'il en soit, ni les textes, à ma connaissance, ni une comparaison avec les autres mots de même famille ne permet d'avoir une certitude.
Gaffiot (art. suffragor) suggère de penser aux bruits des acclamations, aux cris qui éclatent.
J'ai trouvé sur internet un article d'un universitaire finlandais qui suggère de penser au bruit des armes que l'on frapperait les unes contre les autres dans une assemblée guerrière (cf. le lien, mais je n'ai pu lire que le résumé !). |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Tuesday 14 Dec 10, 20:24 |
|
|
Bah...moi je pensais plutôt à la langue latine parlée qu'à celle écrite. Et apres je n'ai pas dit que suffragium= tesson de poterie, mais que fragmina peut se referer aux tessons. |
|
|
|
|
Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
|
écrit le Tuesday 14 Dec 10, 20:26 |
|
|
Ah, désolé, je n'étais pas né ! |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 14 Dec 10, 20:38 |
|
|
Cher Horatius, merci de confirmer mes doutes. Moi non plus je n'ai pas Ernout-Meillet sous la main, mais je connais au moins deux personnes qui l'ont, je vais leur soutirer les infos (j'espère !)
A propos de frangere et fragor, je dis clairement au début de la grande famille BRECHE (mise en ligne aujourd'hui) qu'ils sont bien de la même famille. La question est de savoir lequel des deux mots se cache dans suffragium. Il faudrait aussi s'assurer, que cet élément -fragium a quelque forte raison d'être rattaché à cette famille. Puisque des doutes subsistent, d'autres hypothèses, d'autres coupures sont permises, par exemple suffr-agere, ou un rapport avec fero, fers, ferre (cf. le nom angl. supporter passé en français). Il y a un lien fort entre le "soutien" et le "vote pour", et d'ailleurs, au Moyen Âge, le mot suffragium a eu le sens de "soutien, aide". Bref tout n'est pas encore très clair dans cette histoire.
Personnellement je serais tenté de suivre Gaffiot car enfin, sur le modèle français "voix / vote", il est permis de penser que l'élu a longtemps été celui pour qui l'on criait le plus fort ...
Quant à l'histoire des armes entrechoquées, je l'ai trouvée moi aussi, dans le dictionnaire étymologique de l'espagnol de Roberts et Pastor. Pourquoi pas, mais il n'y a pas qu'aux gens armés qu'on demande leur avis ... heureusement ! |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Wednesday 15 Dec 10, 1:08 |
|
|
Horatius, tu n'etais pas né, mais tu as à disposition les langues neolatines parlées, pour considerer l'evolution ...par exemple, en italien nous disons "un frammento" (implicite dans un discours pour se referer à un f. di coccio/f. di vetro...).
....
1) Je n'ai jamais dit que "suffragium" = tesson de poterie...qui l'a dit, il s'est trompé.
"Suffragium" (dans sa signification primaire)= vote et non pas tesson
Ça suffit de voir que le mot vient de "sub+fragium" et "fragium" = rupture (ex. crurifragium, lumbifragium, nubifragium, naufragium)
C'est vrai que
Citation: | "testarum suffragia" : c'est une invention de Cornelius Nepos pour traduire précisément la pratique grecque de l' "ostracisme" " |
Littéralement "Testarum suffragia" signifie "les votes des fragments de terre cuite" = "votes expressés sur des fragmina/ostraka".
Evidemment c'est par rapport aux votes des Grecs, que les Romains ont formé le terme "suffragium" = vote.
N'oublions pas que les les Romains connaissaient tres bien les Grecs de l'Italie du Sud et que la tradition historique romaine veut que les premiers legislateurs de Rome aient visitée la Grece pour s'inspirer.
L'extension de la signification aux votes des Romains doit être ancienne, mais successive au contacte avec les Grecs.
2) fragmina = fragments ...compris les tessons de poterie
voir: Dictionaire italien, latin, et françois: contenant un abrégé du dictionaire ... Di Annibale Antonini : TESSON -> FRAGMINA
3) testa ne signifie pas seulement "morceau de tuile", comme tu dises, mais plus generiquement "morceau de tout type de terre cuite"
4) frango et fragor c'est vrai que derivent d'une seule racine.
5) pour le bruit des armes que l'on frapperait les unes contre les autres dans une assemblée guerrière on pourrait utiliser aussi le mot "clangor", parce que le son est répetu.
Par contre, le mot "fragor" je le voirais mieux par rapport à une voix composée de plusieures voix...mais je sais bien qu'il y a des phrases avec "fragor armorum": le problème est que se referent à des situations differentes d'une acclamation.
La coupure suffr-agere me semble un peu drôle...d'où viendrait ce suffr- ...de sup(er)f(e)r-???
Dernière édition par giòrss le Wednesday 15 Dec 10, 11:12; édité 7 fois |
|
|
|
|
Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6525 Lieu: Etats-Unis et France
|
écrit le Wednesday 15 Dec 10, 1:21 |
|
|
suffragette : femme anglaise partisane du droit de vote pour les femmes, au début du 20e s. < fr. suffrage + fr. -ette. Le mot apparaît d'abord en anglais.
À mon avis, il est fort possible que le mot ait été crée par dérision, le suffixe -ette suggérant aussi en anglais une chose féminine ou de faible importance.
Dernière édition par Jacques le Thursday 15 Sep 11, 20:59; édité 1 fois |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Thursday 16 Dec 10, 17:49 |
|
|
J'ai la réponse d'Ernoult et Meillet :
Citation: | Suffragium est dérivé d’un verbe déponent suffragor, -aris, ari “donner son suffrage, voter pour“ alicui.
Il semble qu’il y ait un verbe en –a- *fragor, fragari, correspondant à frango, -is [briser]. Suffragor a dû désigner le fait de voter au moyen d’une tessère“. En somme le bulletin de vote est un bout de poterie cassée ; on fait le rapprochement, pour le sens, avec le sumbolon grec.
À partir de suffragor, a été construit un verbe refragor, “faire de l’opposition”, et des mots utilisés par Cicéron et Sénèque, refractarius, refractariolus, “chicaneur“ montrent que la parenté de refragor et refringo était sentie par les latins. |
Voilà. Tout le monde aura noté "il semble que", "a dû" ...
Moi je me demande : Pourquoi utiliser un bout de poterie cassée pour voter ? N'avait-on rien de plus simple à utiliser, de plus facile à trouver, de plus agréable à manier ?
Par ailleurs, je ne trouve nulle part que le sumbolov grec ait servi à voter, et il me semble que la coquille d'huitre n'a servi, comme son nom l'indique, qu'au vote de l'ostracisme. Dans les autres cas qu'est-ce que les Grecs utilisaient pour voter ? |
|
|
|
|
MiccaSoffiu
Inscrit le: 24 Jun 2008 Messages: 463 Lieu: Capicursinu-Sophia
|
écrit le Thursday 16 Dec 10, 19:07 |
|
|
Une explication : c’était un support d'écriture bon marché. Il semblerait que l’usage n’était pas spécifique et assez fréquent ?
Citation: | Utilisation : l'ostracon témoin de l'écriture au quotidien :
...Réutilisant un matériau destiné au rebut - fragments de céramiques et d'amphores, éclats de pierre, la pratique de l'ostracon permettait de trouver un support d'écriture bon marché, bien que peu pratique... |
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ostracon |
|
|
|
|
Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
|
écrit le Thursday 16 Dec 10, 19:59 |
|
|
Pour autant que je sache, pour le vote de l'ostracisme, on écrivait le nom de la personne à bannir sur l'ostrakon. Certes, à l'origine, le terme désigne, comme son nom l'indique, une coquille d'huître. Mais, en général, on utilisait plutôt des tessons de vase. Là-dessus nous sommes bien renseignés, car on a retrouvé beaucoup de ces tessons avec des noms gravés dessus. Pourquoi exactement avoir choisi ce moyen de vote ? Je n'en sais trop rien, mais il est certain que, dans une ville comme Athènes, réputée pour sa céramique, de tels fragments devaient se trouver très facilement.
Pour les autres votes, on pouvait voter de façon secrète en employant de petits cailloux : le ψῆφος
Effectivement, d'après Bailly, le terme symbolon ne semble pas être employé pour désigner ces cailloux : dans le contexte des affaires politiques athéniennes, le terme désigne plutôt le jeton qu'on distribuait aux participants pour témoigner de leur présence. |
|
|
|
|
lucien
Inscrit le: 30 Dec 2014 Messages: 1 Lieu: JALES
|
écrit le Tuesday 30 Dec 14, 13:23 |
|
|
Il me semble qu'il faille trouver un sens dans l'idée de la fragmentation: celui de trancher. En effet le suffrage même s'il est le sondage des coeurs dans la province de l'Ekklesia grecque (de ek-klesis appeler hors de?), c'est que l'acte de voter, philosophiquement, c'est le suffrage, et c'est dans cet acte de trancher qu'est celui de l'idée de tessons: la fragmentation de l'opinon: pour ou contre, oui ou non. Ce qui est tranché est "fragmenté" (on retrouve la Hache comme sommet sur le symbole de la République Française; et l'on pourrait aussi se pencher sur le verbe fendre ultérieurment). La démocratie par le suffrage est donc forcément de nature à diviser, à trancher les débats, par le suffrage, (d'où peut-être l'idée de Démos proche de Demon: celui qui divise).
Donc oui si l'acte de voter que représente le suffrage il engendre la fragmentation de l'opinion, à l'image des tessons éclatés. |
|
|
|
|
José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
|
écrit le Tuesday 16 Jun 15, 9:12 |
|
|
Ajout de la racine IE *BhREG- dans l'index.
J'ai 2 questions :
- certaines racines IE, peu nombreuses, comportent des majuscules : est-ce pour signaler que certaines lettres sont couplées ?
faut-il lire *BhREG- comme *Bh-R-E-G- ?
- comment doit-on comprendre le chiffre 2 dans la racine *h2eĝ-ro- (j'ai ajouté l'étoile dans l'index) ? |
|
|
|
|
|