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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Wednesday 07 Dec 11, 2:01 |
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Sujet issu du Fil Noms communs dérivés de noms de villes.
Rejsl a écrit: | Le Berliner est un beignet ( dont le nom est l'abréviation de Berliner Pfannkuchen), d'où la rigolade lorsque Kennedy voulant soutenir les Berlinois de l'Ouest avait lancé son célèbre " Ich bin ein Berliner " |
Mais était-ce vraiment une rigolade ?
N'est-ce pas une "légende" ? ou plus précisément un fait rapporté par la presse britannique qui estimait que c'était une erreur de syntaxe ?
Ou bien de l'humour si on prend cela au second degré.
Kennedy n'était pas Berlinois. Il était un berlinois, comme autrefois, on était un citoyen romain. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Wednesday 07 Dec 11, 11:29 |
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Il n'y a aucune erreur de syntaxe, Xavier, et cette phrase de Kennedy n'est pas une légende.
La réaction amusée des germanophones, où que ce soit, provient de la double signification de cette phrase, au demeurant tout à fait correcte. " Ich bin ein Berliner " = je suis un Berlinois , c'est ce que voulait dire le président Kennedy, mais elle signifie aussi:" je suis un gros beignet ! ".
Si les germanophones ne purent s'empêcher de rire, cela n'a rien enlevé au message politique fort que Kennedy était venu transmettre,un message de solidarité pour Berlin-Ouest. Aujourd'hui encore, ce discours célèbre s'appelle die "Ich bin ein Berliner"-Rede ( discours "Ich bin ein Berliner" ).
Voici ce que cela donne du côté des plaisantins:
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Wednesday 07 Dec 11, 11:59 |
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Xavier a écrit: | Mais était-ce vraiment une rigolade ?
N'est-ce pas une "légende" ? ou plus précisément un fait rapporté par la presse britannique qui estimait que c'était une erreur de syntaxe ?
Ou bien de l'humour si on prend cela au second degré. |
Grammaticalement et dans le contexte, sa phrase est correcte mais ambiguë. Cela n'a rien d'exceptionnel dans une langue, le contexte est là pour les lever, les ambiguïtés.
Si un Berlinois veut dire qu'il vient de Berlin, que Berlin c'est sa ville et donc qu'il est Berlinois, il dira effectivement:
Ich bin Berliner comme il pourrait dire Ich komme aus Berlin.
Mais si un étranger veut dire qu'il est l'un d'entre eux, qu'il s'identifie au groupe, alors c'est effectivement:
Ich bin (auch) ein Berliner. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Wednesday 07 Dec 11, 12:22 |
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Quand je parle de légende, je ne parle pas de la phrase de Kennedy, mais de cette prétendue rigolade.
Est-ce que les Allemands, en écoutant Kennedy, ont pensé à ce beignet ?
Imaginons qu'Angela Merkel possède une maison dans la région de Pau et déclare un jour : "je suis une Béarnaise".
Je pense qu'on comprendra qu'elle voulait dire qu'elle se sentait Béarnaise.
On pourra ensuite faire de l'humour en disant qu'elle se prenait pour une sauce...
Mais ce n'est pas la première chose à laquelle on pense.
Il faudrait donc vérifier : est-ce que les Allemands ont pensé (instantanément) au beignet quand Kennedy a dit : "ich bin ein Berliner".
J'en doute !
Dans un second temps, un dessinateur humoriste a détourné son discours en faisant un jeu de mot : c'est un procédé classique. |
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Wednesday 07 Dec 11, 12:33 |
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Tout dépend de ce que l'on entend par spontanément. Quand on est en train d'écouter le discours, qu'on a le contexte complet, on pense surtout à ce qu'il voulait dire : je suis avec vous, je suis l'un d'entre vous. C'est par ironie, distance qui par définition demande un peu de temps ou simplement un recul par rapport au véritable contexte que l'on pense tout à fait naturellement à l'autre sens humoristique. D'ailleurs, je soupçonne les Allemands de prendre beaucoup plus les mots au pied de la lettre que les francophones et surtout que les anglophones (qui sont les maitres incontestés des abus de langage). Je trouve fort probable que le Berliner de la pâtisserie vienne rapidement à l'esprit, mais on le laisse dans un coin de son cerveau devant un président américain. Evidemment.
Il n'en est pas moins vrai que lorsqu'on écoute quelqu'un parler, on supprime instinctivement tous les sens qui sont grammaticalement possibles mais incongrus. On fait une sélection instantanée. On se doute bien qu'un président ne va pas faire le comique, donc on supprime ce qui ne correspond pas au sens plausible, crédible, probable, évident. Il y a un mot allemand pour cela: wegdenken.
Pour la question de la faute, j'avoue que je trouve ein fort laid dans cette formule, mais on ne peut pas dire que c'est faux. C'est pousser un peu loin la grammaire, je dirais. De plus, je ne doute pas un seul instant que c'est du mot à mot de l'anglais entériné par un germanophone quelconque des services officiels américains. Ils n'auraient pas pris le risque d'une ridicule faute énorme. Mais c'est une formule profondément anglaise, une phrase que seul lui pouvait dire. Un Allemand, franchement, n'irait pas aussi facilement faire joujou avec sa grammaire et resterait plus facilement dans les clous. Cela ajoute à la force du propos : c'est lui qui le dit, comme lui seul pouvait le dire. Lui l'Américain. Cette formule n'est pas naturelle en allemand, en tout cas pas élégante du tout, donc je comprends la moquerie et je suis sûr qu'elle ne s'est pas fait attendre longtemps. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Thursday 08 Dec 11, 11:42 |
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Sujet scindé du Fil Noms communs dérivés de noms de villes. |
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Marden
Inscrit le: 16 Nov 2004 Messages: 468 Lieu: Seine-et-Marne, Ardennes
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écrit le Saturday 10 Dec 11, 21:02 |
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Je ne peux pas témoigner du goût du "Berliner"...
Je peux témoigner, en revanche, de l'enthousiasme des Berlinois lors de la visite de JFK dans leur ville, deux ans à peine après l'érection du mur. J'ai le vague souvenir que la une des journaux affichait un million de spectateurs sur la place de l'hôtel de ville de Schöneberg (chiffres revus à la baisse par la suite : 4 à 500.000). Rappelons qu'à l'époque, Berlin-ouest avait une population équivalente à celle de Paris (un peu plus de 2 millions d'habitants pour une superficie 4 fois plus grande). Il est possible qu'alors quelques individus aient pris le président des USA pour un "beignet". Aujourd'hui, Google, avec les mots-clés "Ich bin ein Berliner" et "erreur", indique près de 100.000 références. Bel exemple de propagation "stolonifère" de la légende.
Imaginons que JFK soit venu à Paris et ait dit : "Je suis un parisien". Combien auraient cru qu'il était un "pain" ? Et s'il avait dit : "Je suis un petit parisien", l'aurait-on traité de "bâtard" ? |
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Saturday 10 Dec 11, 21:14 |
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Pas tout à fait d'accord sur ce dernier point : les Allemands prennent tout beaucoup plus au pied de la lettre que les Français dans leur langue. C'est mon vécu de bilingue, en tout cas. Un Français pense polysémie, un Allemand pense définition.
Donc oui, la phrase est correcte en soi, mais oui aussi, il n'y a rien d'incongru à se moquer de lui avec cette histoire de pâtisserie. |
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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6531 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Saturday 10 Dec 11, 21:27 |
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Marden a écrit: | Imaginons que JFK soit venu à Paris et ait dit : "Je suis un parisien". |
ElieDeLeuze a écrit: | les Allemands prennent tout beaucoup plus au pied de la lettre que les Français dans leur langue |
En effet, s'il avait dit "Ich bin ein Pariser", les Allemands l'auraient pris pour un préservatif.
all. Pariser : fam. préservatif, litt. "parisien" |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Saturday 10 Dec 11, 21:38 |
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Et si cette erreur avait été volontaire ? Une fausse faute d'allemand, histoire de faire sourire et de détendre l'atmosphère ? Car les occasions de rigoler étaient rares à Berlin-Ouest ces années-là...
JFK ne détestait pas faire preuve d'humour : Je suis le monsieur qui accompagne Jacqueline Kennedy... |
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Sunday 11 Dec 11, 1:01 |
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Jacques a écrit: |
En effet, s'il avait dit "Ich bin ein Pariser", les Allemands l'auraient pris pour un préservatif.
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Excellent exemple. Dans cette phrase, la polysémie Parisien/préservatif est présent spontanément à l'esprit en allemand. Il est naturel de faire un choix selon le contexte, mais les définitions ne sont pas solubles dans le contexte en allemand.
C'est un leitmotiv des cours d'allemand pour germanophones : leur faire prendre conscience de leurs abus de langage quotidiens. La tolérance pour les approximations lexicales et sémantiques est quasi nulle chez les profs d'allemand (langue maternelle). C'est mon quotidien au boulot, on se fout même de la figure de nos administrateurs adorés quand ils s'enfoncent dans les approximations lexicologiques. La moquerie porte sur la maladresse d'expression en soi. Bref, je généralise, mais je crois que tout le monde a compris depuis longtemps. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Monday 12 Dec 11, 11:07 |
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Glossophile a écrit: | Et si cette erreur avait été volontaire ? Une fausse faute d'allemand, histoire de faire sourire et de détendre l'atmosphère ? |
Sans rentrer dans les clichés, on imagine mal un Américain monolingue, en tout cas ne connaissant pas l'allemand, prendre la peine de faire une faute volontaire en allemand.
Il a déjà eu bien du mal à mémoriser et prononcer son allocution : une version en phonétique lui avait été remise, afin qu'il ne commette pas de grosse erreur de prononciation et soit compris. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Monday 12 Dec 11, 15:02 |
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Justement : il n'avait pas écrit un mot de ce discours, conçu par ses plumes. C'est la plume que je soupçonne d'avoir glissé une plaisanterie. Avec double lecture : la plume a prévenu le Président que c'était une plaisanterie, la plume n'a pas prévenu le Président, pour lui jouer un tour... |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Monday 12 Dec 11, 15:07 |
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On peut tout imaginer mais vu la gravité de la situation géopolitique du moment, cela me semble peu probable. |
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Charles Animateur
Inscrit le: 14 Nov 2004 Messages: 2524 Lieu: Düſſeldorf
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écrit le Monday 12 Dec 11, 15:31 |
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On peut comprendre la phrase dans les deux sens et elle ne présente pas d'erreur grammaticale. C'est bien le sens logique (berlinois) et non celui absurde (beignet) qui a été voulu et compris. Le reste est une réflexion a posteriori assez vaine.
Relisez le contexte :
Citation: | Two thousand years ago the proudest boast was civis Romanus sum. Today, in the world of freedom, the proudest boast is "Ich bin ein Berliner!"... All free men, wherever they may live, are citizens of Berlin, and, therefore, as a free man, I take pride in the words "Ich bin ein Berliner!" |
Tirez la phrase de son contexte et vous pouvez lui faire dire tout et son contraire. |
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