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πυραμίς [puramís] (grec) / هرم [haram] (arabe) - Le mot du jour - Forum Babel
πυραμίς [puramís] (grec) / هرم [haram] (arabe)
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Papou JC



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Messageécrit le Friday 09 May 14, 19:09 Répondre en citant ce message   

1. Le mot « pyramide » dans les diverses langues modernes.

Tout le monde connaît le mot grec πυραμίς [puramís], qui a été emprunté par la plupart des langues.

Un autre mot à connaître, c’est le mot هرم haram, commun à l’arabe et au persan, et dont on dira donc provisoirement qu’il est « arabo-persan ». On connaît peut-être mieux son pluriel déterminé, Al-Ahrām, titre d’un célèbre quotidien égyptien. Quelques langues africaines ont emprunté le mot arabo-persan pour désigner la pyramide.

Le turc a emprunté les deux, sous les formes piramit et ehram.

Quelques langues ont un mot propre : l’arménien dit burg, dont on reparlera, le chinois jīnzìtǎ, le haoussa dala, le maori koeko, et le yorouba jibiti. (Merci Google Traduction).

Un cas intéressant est celui de l’hébreu moderne. Curieusement, au vu de la place tenue par l’Égypte dans l’Ancien Testament, ce mot n’a pas de support biblique, si bien que, sous la forme פירמידה pyramydah, on voit que c’est le terme grec que l’hébreu moderne a emprunté.

(À suivre)



Dernière édition par Papou JC le Saturday 20 Dec 14, 8:38; édité 2 fois
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Jacques



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Messageécrit le Friday 09 May 14, 20:33 Répondre en citant ce message   

Papou JC a écrit:
le chinois jīnzìtǎ

Chinois jīn zì tǎ 金字塔 : pyramide, lit. "temple d'or" (jīn = or, = temple, pagode)

Hypothèse :
C'est peut-être une allusion aux trésors cachés au cœur des pyramides égyptiennes et à leur caractère sacré.
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Papou JC



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Messageécrit le Friday 09 May 14, 22:36 Répondre en citant ce message   

2. Les premières attestations écrites du terme πυραμίς [pyramís].

Les premières attestations écrites que nous avons de ce mot, nous les devons à la plume d’Hérodote (mort en 420 avant J.C.). Le célèbre historien fut un grand voyageur : il se rendit notamment en Égypte, où il vit deux des Sept Merveilles du Monde, le Phare d’Alexandrie et la Grande Pyramide. C’est par le mot πυραμίς [pyramís] qu’il désigne les célèbres monuments du plateau de Guizeh, et en particulier la pyramide de Chéops. Cela ne veut pas dire qu’il soit le premier Grec à les avoir vues ni à les avoir nommées ainsi. Voici le texte d’Hérodote dans lequel apparaît pour la première fois ce mot.

ἀπὸ δὲ Ἡλίου πόλιος ἄνω ἰόντι στεινή ἐστι Αἴγυπτος. τῇ μὲν γὰρ τῆς Ἀραβίης ὄρος παρατέταται, φέρον ἀπ᾽ ἄρκτου πρὸς μεσαμβρίην τε καὶ νότον, αἰεὶ ἄνω τεῖνον ἐςτὴν Ἐρυθρὴν καλεομένην θάλασσαν: ἐν τῷ αἱ λιθοτομίαι ἔνεισι αἱ ἐς τὰς πυραμίδας κατατμηθεῖσαι τὰς ἐν Μέμφι.

[2,8] VIII. En allant d'Héliopolis vers le haut du pays, l'Égypte est étroite ; car, d'un côté, la montagne d'Arabie, qui la borde, tendant du septentrion vers le midi et le notus, prend toujours, en remontant, sa direction vers la mer Érythrée. On y voit les carrières où ont été taillées les pyramides de Memphis.


Trad. du grec par Larcher

Mon commentaire : Il y a un jour un Grec qui a le premier vu les pyramides en Égypte ou qui en a entendu parler de la bouche d'un Égyptien ou d'un Phénicien dans quelque port de la Méditerranée. Je fais l'hypothèse que Puramis est, sur le modèle de Pharos, l'hellénisation du nom propre de ces monuments tel qu'il a été entendu de la bouche d'un Égyptien d'une époque indéterminée, probablement aussi ancienne que leur construction, et peut-être après avoir transité et été déformé par une autre langue, ou plusieurs. Hérodote ne fait pas la moindre allusion à un concept abstrait, à un terme de géométrie qui aurait pu être en usage chez les mathématiciens de son temps. Il ne fait pas non plus la moindre allusion à un objet concret auquel les pyramides auraient pu plus ou moins ressembler. Il appelle tout simplement les pyramides par ce qui devait être localement leur nom propre. Comment appeler autrement une chose aussi unique et aussi spectaculaire !? Le phare d’Alexandrie a-t-il été nommé ainsi parce qu’il rappelait une charrue ou une tunique, qui se disent tous deux pharos en grec ? Non, bien sûr, mais parce qu’il était situé sur l’île de Pharos. Au même titre que, de nos jours, le Taj Mahal et la Tour Eiffel, le Phare et la Pyramide étaient des realia dont les désignations, intraduisibles, ne pouvaient être qu’empruntées par les autres langues du Bassin méditerranéen.

(À suivre)


Dernière édition par Papou JC le Sunday 18 May 14, 19:01; édité 6 fois
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Jacques



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Messageécrit le Friday 09 May 14, 23:42 Répondre en citant ce message   

Champolion écrit qu'un triangle est un caractère représentatif d'une pyramide et que celui-ci sert de determinatif au nom phonétique de la a ville de Memphis. (Dictionnaire hiéroglyphique, Champolion, p. 266).

Notons que Khéops est à une vingtaine de km de Memphis.
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Papou JC



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Messageécrit le Saturday 10 May 14, 0:07 Répondre en citant ce message   

Plus près de Memphis, mais toujours sur l'autre rive du Nil, se trouve la nécropole de Sakkarah, où trône la pyramide à degrés de Djéser, l'ancêtre de toutes les autres pyramides.


Dernière édition par Papou JC le Tuesday 13 May 14, 17:54; édité 1 fois
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Papou JC



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Messageécrit le Saturday 10 May 14, 7:50 Répondre en citant ce message   

3. Les hypothèses étymologiques grecques concernant le terme πυραμίς [pyramís]

Diverses hypothèses étymologiques ont été rassemblées ICI (Merci aux divers contributeurs !) Je rappelle brièvement les deux hypothèses grecques principales, qui font de πυραμίς [pyramís] l’une un dérivé de πυρός [purós], « farine de blé », et l’autre un dérivé de πῦρ [pur], « feu » :

3.1. Hérodote aurait utilisé ce mot πυραμίς [pyramís] car la forme du monument rappelait celle d’un gâteau de froment lui aussi justement appelé πυραμίς [puramís]. C’est l’étymologie donnée sans sourciller par le DRAE, le Diccionario de la Real Academia Española : del gr. πυραμίς, -ίδος, originariamente, pastel de harina de trigo de forma piramidal, der. de πυρός, harina de trigo. Les auteurs l’ont copiée de Chantraine, qui, plus prudemment, se contentait, lui, de la rapporter, sans nier l'existence d’un gâteau de froment de ce nom, mais en avertissant qu'on ne sait pas quelle forme avait ce gâteau.

J’ai quant à moi du mal à imaginer Hérodote s’approchant lentement de la Grande Pyramide à dos d’âne ou de dromadaire, découvrant peu à peu la forme et les dimensions d’une des sept Merveilles du Monde, et la nommant – sans le dire – du nom d’un banal gâteau de froment !

3.2. Ce mot aurait été fabriqué à partir de πῦρ [pur], « feu », par allusion à la forme de la flamme, large à la base et se terminant en pointe. C’est l’étymologie proposée – non sans précautions, heureusement ! – pour l’italien piramida par le dictionnaire Treccani : dal lat. pyrămis -ĭdis, e questo dal gr. πυραμίς -ίδος, nome d’origine incerta, connesso in età ellenistica col greco πῦρ «fuoco», e considerato come allusivo alla forma delle piramidi, assomigliata a quella della fiamma, larga alla base e terminante a punta.

Platon voyait peut-être dans le tétraèdre régulier (en forme de pyramide) le symbole du feu, mais, comme je l’ai dit plus haut, Hérodote ne nomme les pyramides ni d’après un concept mathématique ni d’après une idée platonicienne, et pour cause : il meurt quelques années avant que Platon ne naisse.

3.3. Au vu des deux étymologies grecques proposées ci-dessus, je m’étonne que personne n’ait encore eu l’idée d’en proposer une troisième, beaucoup plus plausible, où πυραμίς [pyramís] serait dérivé de πύργος [púrgos], « tour, fortification », dont un dérivé, πυργίσκος [purgískos] a justement le sens de « monument funéraire ». Je rappelle brièvement tout ce qui a été dit dans le mot du jour bourg au sujet du thème indo-européen auquel se rattachent πύργος, bourg, les mots sanscrits pur- et purî-, anglais borough avec toutes ses variantes (dont barrow, "monument funéraire" en vieil anglais tardif), allemand Berg, kurde berz, etc. Ce thème c’est *bʰeregʰ- avec les sens de « hauteur, élever, renforcer » qui conduisent aussi bien à la montagne qu'à la forteresse et à la ville. (Outis).

On aurait été d’autant plus fondé à proposer une telle étymologie que, comme on l’a vu plus haut, c’est le mot burg qui, en arménien, désigne la pyramide. Un rapprochement que Chantraine, dans l'article πύργος [púrgos], n’a pas fait alors qu’il aurait pu à l'évidence l'ajouter sans hésitation au hittite parku-, « haut ».

(À suivre)


Dernière édition par Papou JC le Sunday 11 May 14, 23:44; édité 1 fois
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Papou JC



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Messageécrit le Saturday 10 May 14, 10:36 Répondre en citant ce message   

4. Les hypothèses étymologiques égyptiennes concernant le terme πυραμίς [pyramís]

4.1. Préambule sur la langue et l’écriture égyptiennes

Quant on parle de la langue et de l’écriture égyptiennes, il faut garder à l’esprit que, comme toutes les langues et comme toutes les formes d’écriture, les deux ont considérablement évolué sur trois millénaires. Je vous propose de lire ce qu’écrit à ce sujet Michalowski, dans L’art de l’ancienne Égypte, p. 57 :

La langue que parlait la population d’origine chamite de l’ancienne Égypte avait des racines communes avec les langues sémites. Mais au cours des trois millénaires de son histoire, la langue égyptienne connut différentes phases d’évolution. Lorsque nous la rencontrons pour la première fois par exemple dans les « Textes de Pyramides », elle est déjà, comme le prouve la syntaxe, fort ancienne, formée et conservant de nombreuses formes grammaticales en voie d’extinction. Nous appelons égyptien ancien cette première phase d’évolution connue de nous.
Au début du IIe millénaire avant notre ère, lorsque débute le Moyen Empire, la langue possède certaines tournures, formes et expressions fixes dans lesquelles puiseront les générations suivantes. C’est l’époque de l’égyptien classique. En même temps se développe la langue populaire qui, sous le Nouvel Empire, dans la seconde moitié du IIe millénaire avant notre ère, revêtira un caractère national. Cette nouvelle langue a des formes grammaticales différentes du classique et ne s’exprime pas en hiéroglyphes mais par l’écriture égyptienne simplifiée hiératique, qu’il ne faut pas confondre avec la « cursive hiéroglyphique ». Plus tard apparut une forme encore plus simplifiée et schématique, l’écriture démotique.
La dernière métamorphose de la langue égyptienne aboutit au copte dont l’usage devint courant vers la fin du IIe siècle de notre ère et qui s’écrivait en caractères grecs augmentés de sept signes démotiques pour exprimer des sons que les lettres grecques ne pouvaient rendre.


Plus loin (p. 59)

Il est important de remarquer, surtout en ce qui concerne les inscriptions sur les temples et les reliefs, que les Égyptiens, pour des raisons décoratives, n’hésitaient pas à changer l’ordre des signes, à en supprimer certains et à relier les autres deux par deux. Très visiblement la calligraphie et l’aspect de l’inscription l’emportaient sur l’orthographe.

(À suivre)
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Papou JC



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Messageécrit le Saturday 10 May 14, 11:48 Répondre en citant ce message   

4.2. Les données et leur interprétation

En attendant que de bons égyptologues participent à notre forum et nous illuminent de leur savoir, rassemblons les informations que nous avons pu glaner.

Il semble que le mot égyptien pour « pyramide » figure dans l’ensemble pictographique ci-dessous (Merci Jacques !) :

mr : pyramide

Je sais que la chouette représente la consonne M, la bouche ouverte la consonne R, et je suppose qu’il y a un lien entre le triangle et la forme de la pyramide. Il y a des variantes, mais ces quatre signes sont constants. La chouette est parfois placée à gauche de la bouche. Je suppose aussi qu’il n’y a pas de signe représentant la consonne P, sinon, ça se saurait. Les voyelles ne sont pas représentées.

Les égyptologues eux-mêmes ont évidemment cherché à quel mot égyptien rattacher le grec πυραμίς [pyramís]. Ils semblent être tous plus ou moins d’accord sur un ensemble consonantique PR-M-S qui désigne une ligne déterminante de la pyramide, sa hauteur ou l’arête, dont le terme grec serait la forme hellénisée. À ma connaissance, ils n'établissent pas de lien entre l'ensemble M-R et l'ensemble PR-M-S.

Cependant, le mot copte pyrama désignerait une élévation au-dessus de la terre, un tertre, une colline, une montagne, etc., et conséquemment une pyramide. C'est une piste très intéressante car cette sémantique, qui dépasse de loin le simple concept de pyramide, est la preuve que le mot copte ne peut guère être issu du grec, et que c'est probablement le grec qui est issu du copte.

On voit que si Chantraine a eu raison de se méfier de l'hypothèse pâtissière, il était déjà plus osé de sa part d'écarter aussi sèchement l'hypothèse égyptienne, et sans avancer le moindre argument.

(À suivre)


Dernière édition par Papou JC le Sunday 11 May 14, 23:45; édité 1 fois
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embatérienne
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Messageécrit le Saturday 10 May 14, 13:42 Répondre en citant ce message   

Papou JC a écrit:
Il semble que le mot égyptien pour « pyramide » figure dans l’ensemble pictographique ci-dessous (Merci Jacques !) :

mr : pyramide

Je sais que la chouette représente la consonne M, la bouche ouverte la consonne R, et je suppose qu’il y a un lien entre le triangle et la forme de la pyramide. Il y a des variantes, mais ces quatre signes sont constants. La chouette est parfois placée à gauche de la bouche. Je suppose aussi qu’il n’y a pas de signe représentant la consonne P, sinon, ça se saurait. Les voyelles ne sont pas représentées.

Bon, j'avais déjà donné le cartouche pour la pyramide dans ce message et l'explication de l'hiéroglyphe était donnée dans un des liens du message suivant, qui disait que le ciseau a -- ici -- la valeur de la double consonne "mr", corroborée par les deux dessins simples suivants, et le tout encore "redondancé" par le déterminatif représentant la pyramide.


En fait, le ciseau possède aussi au moins une autre valeur bilitère, 3b,


d'où l'utilité de corroborer par les deux dessins unilitères suivants.
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Papou JC



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Messageécrit le Saturday 10 May 14, 16:07 Répondre en citant ce message   

Merci, Embatérienne, pour ce post très utile, comme toujours et en particulier sur ce sujet.
Si je comprends bien, le pictogramme "pyramide" dit trois fois la même chose, MR-MR-MR, mais de trois façons différentes, c'est bien ça ?

(Pour ce qui est de ce pictogramme, j'ai tenu, après avoir remercié collectivement tous les contributeurs, à remercier Jacques tout particulièrement car ce n'est que son message codé que j'ai pu reproduire dans le mien, sans déformation. Chose que, comme tu as dû le constater toi-même, tu n'as pas réussi à faire avec le tien propre, à moins que tu n'en aies copié un autre où les signes sont inversés.)
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embatérienne
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Messageécrit le Saturday 10 May 14, 17:11 Répondre en citant ce message   

Papou JC a écrit:
Si je comprends bien, le pictogramme "pyramide" dit trois fois la même chose, MR-MR-MR, mais de trois façons différentes, c'est bien ça ?

Oui. C'est clair pour les deux premiers. Le troisième, c'est le déterminatif, un simple symbole visuel destiné à indiquer le champ lexical auquel appartient le mot. Ici, c'est le déterminatif de la pyramide, des tombes et des villes situées près de pyramides.


Cf. http://projetrosette.info/page.php?Id=206&first_char=&Section=O+-+B%C3%A2timents+%28tout+ou+partie%29&Category=none
Bien qu'on lui donne la phonétique "mr" dans les listes, je pense qu'il n'influe pas sur la prononciation du mot qui pourrait être toute autre.
Par exemple, il entre dans la composition du nom ancien de la ville de Memphis, men-nefer :

qui bénéficie même de deux déterminatifs, celui de la pyramide, et celui de la ville

mais dont aucun ne se prononce dans le nom de la ville men-nefer. C'est, sous une transcription légèrement différente, ce qu'explique Champollion-Figeac (le frère de l'autre !), dans ce volume sur l'Egypte :



Papou JC a écrit:
tu n'as pas réussi à faire avec le tien propre, à moins que tu n'en aies copié un autre où les signes sont inversés.

Oui, c'était un choix pour montrer qu'on peut avoir la lecture dans les deux sens.
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Papou JC



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Messageécrit le Saturday 10 May 14, 17:43 Répondre en citant ce message   

Donc, en fait, "pyramide" devait se dire quelque chose comme marmar, qui, hasard ou pas, désigne le marbre en arabe, soit dit en passant.

Le fait qu'on pouvait lire dans les deux sens implique-t-il qu'on pouvait prononcer les deux syllabes dans les deux sens ? Sans doute pas, mais bon, on peut quand même s'interroger quand on sait que de nombreux étymons sémitiques sont réversibles.
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embatérienne
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Messageécrit le Saturday 10 May 14, 18:05 Répondre en citant ce message   

Non, non, pas du tout. La prononciation de M-R n'était pas répétée, même si l'écriture l'était. La prononciation de pyramide, c'était M-R avec des voyelles que nous ignorons, un point c'est tout.
On peut lire dans les deux sens, mais ici, on n'a pas le choix de la prononciation, c'est bel et bien M-R et non R-M, puisque le mono-hiéroglyphe bilitère est celui de "mr", dans un sens ou dans l'autre.
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Papou JC



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Messageécrit le Saturday 10 May 14, 20:12 Répondre en citant ce message   

5. Qu’en est-il du mot هرم haram ?

Alors, ce mot هرم haram, est-il arabe ou persan ?

5.1. Pour Rajki, il est arabe, et a été emprunté à l’arabe par le persan. Mais Rajki ignore son origine, tout comme il ignore, d’ailleurs, l’origine de son homonyme, qui signifie « décrépitude, vieillesse ». Cela ne signifie pas forcément que les deux mots ne soient pas de vieux mots bien arabes, mais cela signifie quand même qu’ils semblent isolés au sein du domaine sémitique, du moins si l’on raisonne en termes de racines trilitères. Kazimirski associe les deux mots dans un même article هرم h-r-m où l’on trouve en outre les homographes harm, sorte de plante dont se nourrissent les chameaux, et hirm, « entendement, esprit ». On est en droit de se demander quels liens sémantiques il peut bien y avoir entre ces quatre mots, et de postuler l’existence probable de quatre racines homonymes. J'y reviendrai.

5.2. Dans son dictionnaire bilingue persan-anglais, article هرم haram, Johnson reprend exactement les mêmes mots que Kazimirski, avec leurs dérivés, et il affecte son article de la lettre P comme chaque fois qu’il pense qu’un mot – ou un groupe de mots – est d’origine persane. Il ne s’agit certainement pas d’une négligence de sa part ni d’une coquille éditoriale car, un peu plus bas, les dérivés hirmān, « longue vie, vieillesse », hurmān, « intelligence », et harma, autre nom de la plante citée, sont eux aussi tous affectés de la même lettre P.

Malheureusement, Ali Nourai, auteur d’un utile dictionnaire étymologique du persan, est muet sur tous ces mots. Peut-on au moins relier quelques-uns d’entre eux, sinon tous, à d’autres mots persans ? On demande un bon spécialiste du persan pour répondre à cette question en connaissance de cause, car il pourrait y avoir des dérivés préfixés. Tout ce qu’un œil naïf peut constater, en parcourant les colonnes des ouvrages de Johnson et de Nourai, c’est une certaine proximité formelle avec les mots hurmuz, l’une des désignations de Dieu et aussi de la planète Jupiter, et hurmus, qui désigne aussi cette planète, mais qui est d’abord le nom persan de Hermès Trismégiste, « le trois fois grand », mots que Nourai rattache à l’avestique Ahura Mazda, « esprit sage, Dieu », et au thème indo-européen *ansu-, « esprit ».

Peut-être le mot hirm, « entendement, esprit » est-il apparenté à ces deux mots, peut-être est-il donc, lui d’origine iranienne ? Johnson aurait donc raison pour ce mot mais, à mon avis, tort pour les autres.

Pour les autres homonymes ou homographes cités plus haut, j’opte personnellement pour des origines sémitiques et je vais dire pourquoi.

(À suivre)
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Papou JC



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Messageécrit le Sunday 11 May 14, 7:47 Répondre en citant ce message   

6. La racine هرم h-r-m à la lumière de la théorie étymologique de Georges Bohas

Plusieurs fois sur ce forum, il a été fait référence à la théorie de Georges Bohas. J’en rappelle simplement ici ce qui peut nous aider à élucider la question des divers sens ou homonymes de هرم haram et de leur étymologie.

Car oui, en dépit de la présentation traditionnelle par racines trilitères dans les dictionnaires d’arabes monolingues ou bilingues, à quelques exceptions près, face à des mots composés des mêmes consonnes mais aux sens si distants les uns des autres, c’est bien d’homonymie qu’il s’agit et non de polysémie.

Nous avons écarté هرم hirm, « entendement, esprit », probablement d’origine iranienne. Nous pouvons également écarter le nom de la plante, هرم harm : les termes de zoologie et de botaniques sont, en arabe, généralement des noms-bases dont l’origine se perd dans la nuit des temps, souvent des emprunts à des langues disparues, qu’il est vain de vouloir absolument rattacher à une racine indigène identifiée. En l’occurrence, il y a de fortes chances pour qu’une plante dont se nourrissent les chameaux soit une spécialité locale.

Il nous reste هرم haram, « pyramide » et هرم haram, « décrépitude, vieillesse ». Il s’est évidemment trouvé des gens pour dire que les pyramides étaient ainsi nommées parce qu’elles étaient des monuments très anciens et très endommagés… Passons.

Ce que Bohas nous apprend, c’est qu’une racine sémitique trilitère est constituée d’un étymon bilitère et d’un incrément qui peut être situé à n’importe quelle place, y compris entre les éléments de l’étymon. L’absence d’incrément entraîne le redoublement de la deuxième consonne.

Cela va avoir une double conséquence :
1. À l’intérieur d’une même racine, si l’on trouve des mots qui n’ont entre eux aucun rapport sémantique, c’est très probablement parce que cette racine cache des étymons différents selon les rôles attribués à ses éléments constitutifs. C’est ce que nous avons constaté ici à propos de la racine هرم h-r-m.
2. Pour un même sémantisme, on va trouver plusieurs racines qui auront un étymon commun et des incréments différents. Certains étymons sont réversibles. C’est ce que nous devons maintenant vérifier à partir de deux des combinaisons possibles des consonnes هرم h-r-m, à savoir {h,r} et {r,m}.

Dans هرم haram, « décrépitude, vieillesse », l’étymon est {h,r} et l’incrément m, comme on s’en convaincra en consultant dans le dictionnaire de Kazimirski les racines contenant ce même étymon. Pour ne pas être hors sujet mais à titre d’exemple, je ne citerai que le verbe هرب haraba qui, entre autres sens, a celui de « être vieux, décrépit ». Voilà le cas de l’homonyme réglé.
(Je tiens une assez longue liste à la disposition des intéressés.)

Reste هرم haram, « pyramide ». Ce mot relève de l’étymon {r,m}, et l’incrément est h, comme on s’en convaincra en parcourant la liste que voici :

إرم iram : pierre dressée au désert
جرم ǧarama : être grand, gros, volumineux
خرم ẖarm : pic d’une montagne
رجمة ruǧma : tombeau, tas, monceau de pierres
رخام ruẖām : marbre
رضم raḍm : grosses pierres que l’on pose l’une sur l’autre
ركام rukām : monceau, tas de sable
رمس rams : tombe, tombeau
ريمة rayma : colline, tertre, tombeau
صريمة ṣarīma : monticule de sable
عرمة ‛urma : tas, amas (de sable, de grains)

L’étymon est-il réversible ? Une recherche sur {m,r} ne donne pas grand-chose mais tout de même همر hamir, « grande masse de sable », où l’on remarque que l’incrément est h, le même que dans هرم haram.

Par ailleurs, selon un ami hébraïsant, en hébreu, le radical rom indique quelque chose d'élevé (hitromam, dit-on du nom de Dieu : « qu'il soit élevé ») ; un des sacrifices dit d'élévation s'appelle la téroumah ; et à côté de Tel Aviv, il existe une petite colline qui s'appelle Ramat Gan, ce qui signifie : jardin élevé.

Et en syriaque :
râmâ : élevé ; orgueilleux, rawmâ : hauteur élévation, ryâma : élévation, ?arîm : élever, exalter.

En conclusion, il semble difficile de ne pas admettre que

1. l’hébreu, le syriaque et l’arabe ont en commun un étymon {r,m} exprimant les notions primaires de hauteur, d’élévation, et secondaires de monceau, tas (de sable ou de pierres), monticule, colline, voire montagne et tertre funéraire.

2. que le mot arabe هرم haram, « pyramide », relève de cet étymon.

3. que ce sémantisme de la hauteur rejoint celui exprimé par le probable étymon égyptien PR-M-S du mot grec πυραμίς [pyramís] (Voir plus haut, 4.)

(À suivre)


Dernière édition par Papou JC le Wednesday 14 May 14, 12:35; édité 3 fois
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