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triomphe (français) / triump[h]us (latin) / θρίαμβος [[tʰríambos]] (grec) - Le mot du jour - Forum Babel
triomphe (français) / triump[h]us (latin) / θρίαμβος [[tʰríambos]] (grec)

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Outis
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Inscrit le: 07 Feb 2007
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Lieu: Nissa

Messageécrit le Tuesday 20 Jun 17, 18:43 Répondre en citant ce message   

Papou JC a écrit:
Dommage qu'on ne sache pas d'où vient le latin triumphus...

Sans en être sûr, on a quand même des petites idées. Pour Varron (L. L. 6, 68), le mot serait emprunté au grec θρίαμβος.
Ernout et Meillet, à qui je dois la référence au grammairien latin, ajoutent :
le DELL a écrit:
Ciceron prononçait encore dans sa jeunesse triumpus sans aspiration. La prononciation triumphus a été sans doute une innovation des lettrés de Rome mais la forme sans aspirée a peut-être continué de vivre dans les dérivés romans du type *trumpāre (M-L 8926).

Là-dessus Meyer-Lübke a effectivement de grands doutes :
Citation:
8926. triumphāre «triumphieren", 2. *trumpāre
2. Frz. tromper « betrügen » […] Die Bedeutungsentwickelung von frz. tromper ist nicht verständlich.
[le glissement de sens du français n'est pas compréhensible]

Mais, passons, Ernout et Meillet nous en disent plus :
le DELL a écrit:
Triumpus semble être un emprunt au grec par l'intermédiaire de l'étrusque, comme l'indiquerait le p correspondant à la sonore b de θρίαμβος.

Et nous voilà enfin revenus au grec, qui, hélas, soulèvera d'autres problèmes. (à suivre)
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Outis
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Inscrit le: 07 Feb 2007
Messages: 3511
Lieu: Nissa

Messageécrit le Wednesday 21 Jun 17, 9:00 Répondre en citant ce message   

Le grec θρίαμβος [thríambos] est avec ἴαμβος [íambos] et διθύραμβος [dithúrambos] un des trois mots obscurs qui montrent des caractéristiques voisines :
— suffixation ou composition nominale en -αμβος, de signification inconnue ;
— vocabulaire de la poésie, de la musique et de la danse ;
— au moins pour θρίαμβος et διθύραμβος la liaison est forte avec le culte dionysiaque : quand, l'hiver, Apollon quitte Delphes pour aller chez les Hyperboréens, c'est Dionysos qui assure l'intérim du sanctuaire et on dit alors que le dithyrambe y remplace le péan.

J'ai longtemps pensé qu'il y avait peut-être là la trace de chants présidant à l'ouverture de portes, porte du temple pour y accueillir le Dieu, et, dans le cas du triomphe, portes de la ville pour y recevoir le général vainqueur. Mon argument principal étant, à partir de θύρα [thúra] « porte », de reconnaître dans διθύρ- une double porte (qui se dit aussi par le pluriel θύραι) et dans θρί- une syncope de la simple. L'âge m'apprenant la prudence, je n'en suis plus si sûr. Non seulement parce que ça n'explique pas -αμβος, mais surtout parce que le iota initial de διθύραμβος est long, ce qui excluerait le préfixe multiplicatif δι-.
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Papou JC



Inscrit le: 01 Nov 2008
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Messageécrit le Monday 14 Aug 17, 7:18 Répondre en citant ce message   

NB : ce fil est issu d'une remarque faite dans le mot du jour trump.

Pour revenir au triomphe, n'y a-t-il pas entre triompher et triomphe le même rapport chronologique qu'entre vaincre et victoire ? Autrement dit, ne faudrait-il pas chercher l'origine du verbe plutôt que celle du nom ? Pour pouvoir célébrer le triomphe, il faut d'abord avoir triomphé, non ?

Autre remarque : les plus grands stratèges ont autant usé de stratagèmes que de stratégies. Ne faut-il pas souvent d'abord tromper l'ennemi sur ses intentions pour pouvoir finalement en triompher ? Si tromper vient bien de triompher, comme cela semble être le cas, c'est peut-être parce qu'à l'origine il y avait de la tromperie dans triumphus ?
(Attention, je n'irai pas jusqu'à dire que niquer pourrait venir du grec plutôt que de l'arabe... mort de rire En revanche, pour faire la nique... À voir.)
Autre piste donc : chercher un lien entre la tromperie et le triomphe, et pas seulement aux cartes.

Je rappelle que LE triomphe a un homonyme féminin, LA triomphe, mais qui a d'abord été masculin, et pour cause, c'était le même mot, et dont le TLF dit ceci :
A. − Ancien jeu de cartes, variante de l'écarté. C'était à la triomphe, il avait le roi, la dame, le neuf d'atout, et deux autres rois (Vidocq, Mém., t. 4, 1828-29, p. 333). On joue à la triomphe ordinairement à deux et avec un jeu de piquet (Nouv. Lar. ill.).
B. − Carte qui sert à couper à ce jeu ; atout. (Dict. xixeet xxes.).
Étymol. et Hist. 1. 1482 jouer au jeu du triomphe (A. N. JJ 206, fo181 rods Gdf. Compl.); 2. 1611 fém. « atout à ce jeu » (Cotgr.). Même mot que triomphe1.


Allez, je vais certainement encore m'attirer les foudres de Jupiter, mais j'ose avancer une hypothèse numérique : que dans triomphe il y ait la trace de tri- (trois) et de -amb- / amph- (deux), un peu comme il y a "deux" dans duplicité. Resterait à comprendre ce que voudrait dire ce "3-2"...
C'est une idée bonne ? mauvaise ? idiote ? infondée ?
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dawance



Inscrit le: 06 Nov 2007
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Messageécrit le Monday 14 Aug 17, 18:28 Répondre en citant ce message   

Le mot triomphe (féminin), en tant qu'atout, existe encore très localement aux alentours de Liège.
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Outis
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Inscrit le: 07 Feb 2007
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Lieu: Nissa

Messageécrit le Monday 14 Aug 17, 18:38 Répondre en citant ce message   

Papou JC a écrit:
… une hypothèse numérique : que dans triomphe il y ait la trace de tri- (trois) et de -amb- / amph- (deux), un peu comme il y a "deux" dans duplicité. Resterait à comprendre ce que voudrait dire ce "3-2"...
C'est une idée bonne ? mauvaise ? idiote ? infondée ?

Je penche plutôt pour le quatrième choix … Clin d'œil
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Papou JC



Inscrit le: 01 Nov 2008
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Messageécrit le Monday 14 Aug 17, 19:48 Répondre en citant ce message   

Ouf ! J'ai eu chaud ! embarrassé

Mais, plus sérieusement, après que tu as toi-même mis à mal l'hypothèse de Varron, que penses-tu du glissement de sens de triompher à tromper, que Meyer-Lübke trouve incompréhensible ? S'il y a de la tromperie et de la victoire dans le triomphe, il n'y a plus "glissement de sens", il y a seulement "perte de sens", puisque si la victoire a disparu, il reste encore la tromperie. C'est un phénomène banal en sémantique, que la guillaumienne Jacqueline Picoche appelle la "subduction".
D'ailleurs, je n'invente rien : comme je l'ai dit ailleurs, Guiraud fait lui aussi dériver tromper de triompher sans hésiter, sauf que je trouve ses explications insuffisantes. Il se contente de parler de la supériorité du trompeur sur le trompé. J'ai l'immodestie de penser que mon explication "stratégique" est plus proche de la vérité. La capacité à tromper l'ennemi est la vertu numéro 1 du stratège, comme elle l'est du joueur de cartes à tromper l'adversaire.
Les sens de l'anglais trump (atout), to trump (battre, vaincre, triompher de, être plus fort que) et les emplois ludiques de triomphe constituent de solides renforts à cette hypothèse.
Tout ça ne dit toujours pas d'où vient triumphus mais ça peut être un indice de la direction dans laquelle il faudrait peut-être chercher. Plutôt la tromperie que la trompette...
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Papou JC



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Messageécrit le Friday 25 Aug 17, 8:34 Répondre en citant ce message   

Lu aujourd'hui dans un article de presse : qui nescit dissimulare, nescit regnare = celui qui ne sait pas dissimuler ne sait pas régner.
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Picardicus



Inscrit le: 08 Oct 2010
Messages: 98

Messageécrit le Friday 25 Aug 17, 18:53 Répondre en citant ce message   

[quote="Outis"]
Citation:
8926. triumphāre «triumphieren", 2. *trumpāre
2. Frz. tromper « betrügen » […] Die Bedeutungsentwickelung von frz. tromper ist nicht verständlich.
[le glissement de sens du français n'est pas compréhensible]


Voilà quelque chose d'intéressant ! Parce que mon dictionnaire donne, à l'article tromper, l'explication étymologique suivante : "Tromper signifiait avant le XIVe siècle "jouer de la trompe". Ce verbe neutre, en prenant la forme réfléchie, "se tromper", acquit le sens de "se jouer de", puis de "se moquer de". Il s'agit d'un cas de néologisme de signification."

Et à l'article trompe nous avons "du francique trumba".
A tromperie, il renvoie à trompe, + suffixe -rie.


J'inclinerais à donner raison à Meyer-Lübke qui dit "Die Bedeutungsentwicklung von frz. tromper ist nicht verständlich".

etymonline essaie de renvoyer dos à dos les deux hypothèses;

trump (v.2) Look up trump at Dictionary.com
"fabricate, devise," 1690s, from trump "deceive, cheat" (1510s), from Middle English trumpen (late 14c.), from Old French tromper "to deceive," of uncertain origin. Apparently from se tromper de "to mock," from Old French tromper "to blow a trumpet." Brachet explains this as "to play the horn, alluding to quacks and mountebanks, who attracted the public by blowing a horn, and then cheated them into buying ...." The Hindley Old French dictionary has baillier la trompe "blow the trumpet" as "act the fool," and Donkin connects it rather to trombe "waterspout," on the notion of turning (someone) around. Connection with triumph also has been proposed. Related: Trumped; trumping. Trumped up "false, concocted" first recorded 1728.
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Papou JC



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Messageécrit le Tuesday 29 Aug 17, 16:38 Répondre en citant ce message   

Picardicus a écrit:
mon dictionnaire donne, à l'article tromper, l'explication étymologique suivante : "Tromper signifiait avant le XIVe siècle "jouer de la trompe". Ce verbe neutre, en prenant la forme réfléchie, "se tromper", acquit le sens de "se jouer de", puis de "se moquer de". Il s'agit d'un cas de néologisme de signification."

Dans le mot du jour trump nous avons fait un sort à cette étymologie. Dans le meilleur des cas, il y a eu deux homonymes, tromper (jouer de la trompe) et tromper (vaincre, cf. anglais to trump).
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Outis
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Messageécrit le Tuesday 29 Aug 17, 17:11 Répondre en citant ce message   

Tu as fait un sort à cette étymologie …
Ton emploi du pluriel de majesté prête ici à confusion car, de mon point de vue, ton interprétation psychologisante qui fait venir tromper de triompher manque toujours de vraisemblance.
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Papou JC



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Messageécrit le Tuesday 29 Aug 17, 17:16 Répondre en citant ce message   

Que ne l'as-tu dit plus tôt et là où il fallait ? Qui ne dit mot semble consentir. D'où le "nous".

Un lien entre tromper et triompher ne me semble pas plus invraisemblable que celui qu'il y a entre stratagème et stratégie.
En tout cas, c'est moins risible qu'entre tromper et trompette...
Pierre Guiraud l'a dit bien avant moi. Ce n'est pas un amateur, Pierre Guiraud, tu le sais mieux que personne.
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Outis
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Messageécrit le Tuesday 29 Aug 17, 18:40 Répondre en citant ce message   

Je ne suis pas persuadé que la recherche étymologique soit un jeu de devinettes où la vraisemblance ait son mot à dire. La bonne clef, c'est l'histoire des mots, simplement.

Sinon, on retombe sur une autre conception de l'étymologie, d'ailleurs plus proche de l'étymologie même de ce mot, celle de Platon, d'Isidore de Séville, voire quelquefois de Guiraud. À la différence que, si ce dernier a redonné une valeur motivante aux étymologies populaires, il ne manquait pas d'aller fouiner dans les documents autres que les dictionnaires pour appuyer ses hypothèses.

Quant à savoir pourquoi je ne me suis pas manifesté plus tôt, c'est simplement que j'ai de la sympathie pour toi et le travail que tu fais ici. Et que je ne voudrais pas consacrer trop de temps à te contredire ni entrer dans de trop longs échanges …
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Papou JC



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Messageécrit le Tuesday 29 Aug 17, 19:31 Répondre en citant ce message   

Merci, c'est réciproque, comme tu sais, mais la recherche de la vérité oblige à mettre nos forces en commun. Je crois au travail d'équipe et que la lumière finit par jaillir de la discussion. Il n'est dans l'intérêt de personne de laisser croire que j'ai raison si j'ai tort.

Quant à l'éymologie, il est clair qu'elle se divise en deux branches :
1. une branche qui parvient à se faufiler jusqu'à un étymon probable en s'appuyant sur les textes, sur les lois phonétiques, sur quelques constantes sémantiques, sur l'Histoire. C'est clairement la branche que tu privilégies, c'est celle des grands spécialistes.
2. une branche qui, face à des étymologies obscures, incertaines ou ignorées et faute de preuves textuelles et historiques, en est réduite à faire des hypothèses, en s'appuyant peut-être un peu trop sur tout et n'importe quoi. C'est celle des amateurs dont je suis.
Ces deux branches sont complémentaires, non antagonistes. Il faut tenir la deuxième en laisse mais non la brider. Les scientifiques ne cessent de faire des hypothèses. Certaines se vérifient, d'autres non. Même s'il n'y en a qu'une sur cinquante qui se vérifie, c'est autant de gagné sur l'ignorance.
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Papou JC



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Messageécrit le Saturday 30 Mar 19, 8:18 Répondre en citant ce message   

Outis a écrit:
Là-dessus Meyer-Lübke a effectivement de grands doutes :
Citation:
8926. triumphāre «triumphieren", 2. *trumpāre
2. Frz. tromper « betrügen » […] Die Bedeutungsentwickelung von frz. tromper ist nicht verständlich.
[le glissement de sens du français n'est pas compréhensible]

Il devient compréhensible si l'on prend en compte
1. le fait que tromper ait signifié jouer de la trompe avant le XIVe siècle (Voir ce que dit Picardicus plus haut).
2. le fait que l'"ovatio" des Romains ait été un degré mineur du triomphe (Voir le MDJ ovation). À condition, bien entendu, que le mot ovation n'ait rien à voir la brebis sacrifiée (ovis) mais avec le verbe ovare, dont l'étymon pourrait être *ewaiare, apparenté au grec euoi, "cri de joie poussé aux fêtes de Bacchus".
Les applaudissements et les cris pour le petit triomphe, et les trompettes pour le grand. Ça se tient.
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