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Le russe : une langue indo-européenne - Forum des langues slaves - Forum Babel
Le russe : une langue indo-européenne
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Cligès



Inscrit le: 18 Jul 2019
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Lieu: Pays de Loire

Messageécrit le Saturday 12 Oct 19, 18:59 Répondre en citant ce message   

Note : les noms sont donnés au nominatif, sauf exception, les verbes à l'infinitif imperfectif ou perfectif, suivant l'intérêt présenté.

Abréviations et signes :

i.e : indo-européen.
pr.-sl : protoslave.
vx-sl. : vieux-slave (le slavon, langue liturgique est une adaptation de ce dernier).
vx-r. : vieux-russe.
* : forme non attestée, reconstruite par les grammairiens.


1° дом (dom), "maison" < vx-sl. домъ (domŭ) < pr.-sl. *domъs < dom-ŭ-s

Le -s final du nominatif, implosif, est tombé dès l'origine du slave.
Le yer ъ a persité jusqu'au vx-russe. On trouve l'orthographe домъ jusqu'à la réforme de 1917, mais depuis longtemps le ъ n'était plus qu'un "signe dur", твëрдый знак (tviordy znak), chargé d'indiquer le caractère dur de la consonne qui le précède.

On songe au latin domus et dominus, au grec δόμος et δῶμα (tout bâtiment, suivant le contexte), presque uniquement utilisés en poésie, au lituanien dimstis "propriété du maître".

Des rapprochements avec d'autres langues, anciennes ou non, sont les bienvenus, mais assurez-vous que ce ne sont pas des emprunts et contentez-vous de citer les formes, car ce fil est distinct du "mot du jour"). Si vous êtes modérateur (pardon, animateur), vous pouvez le faire à tout moment.


Dernière édition par Cligès le Thursday 31 Oct 19, 14:59; édité 3 fois
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Cligès



Inscrit le: 18 Jul 2019
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Lieu: Pays de Loire

Messageécrit le Monday 14 Oct 19, 22:03 Répondre en citant ce message   

2° мать, gén. матери (mat' / mat'eri) : "mère".

Le mot provient du vx-sl. мати, gén. матэрэ (mati / matèrè), qui descend lui-même du proto-slave *mati.

La présence de la racine *meH2 (onomatopée enfantine ?) et de son suffixe primaire *-ter est très visible, mais le suffixe n'apparaît en russe qu'aux cas obliques et à tous les cas du pluriel.

Le grec ancien a μήτηρ (grec mod. μητέρα), le latin mater, l'allemand Mutter, l'irlandais máthair...

La plupart des langues slaves adjoignent au thème le suffixe -ка : le polonais a matka (mać (mats') autrefois), le serbe, le tchèque et le slovaque matka, le bulgare майка (maïka), etc... Seuls l'ukrainien et le biélorusse n'ont pas ce suffixe, avec respectivement мати et мацi (matsi). Il est à signaler que le lituanien présente aussi un suffixe, avec mótina ; moteris, très proche de l'i.e, existe aussi, mais signifie "femme".

Demain je vous apprendrai comment on prononce le mot матрëшка, dont je vous laisse deviner la translittération. Le sens, vous le connaissez !


Dernière édition par Cligès le Tuesday 15 Oct 19, 21:31; édité 3 fois
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AdM
Animateur


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Messages: 896
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Messageécrit le Tuesday 15 Oct 19, 0:30 Répondre en citant ce message   

Matrioshka, poupée russe.
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Cligès



Inscrit le: 18 Jul 2019
Messages: 886
Lieu: Pays de Loire

Messageécrit le Tuesday 15 Oct 19, 8:49 Répondre en citant ce message   

Bravo !

Ce mot dérive indirectement de мать : c'est le diminutif du prénom Матрëна qui semble l'équivalent du latin matrona (mais prudence !). Plutôt que "petite mère", le mot signifierait "petite maîtresse de maison", ou plus simplement "petite dame".
Il y des матрëшки dans chaque foyer russe, comme autrefois une petite icône...

Et à présent, la question du jour : combien de syllabes ce mot comporte-t-il ?
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Outis
Animateur


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Lieu: Nissa

Messageécrit le Tuesday 15 Oct 19, 9:06 Répondre en citant ce message   

En français, quatre : on fait la diérèse. J'ai essayé sans la faire, c'est difficile au début mais on y arrive …
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ElieDeLeuze



Inscrit le: 14 Jun 2006
Messages: 1622
Lieu: Allemagne

Messageécrit le Tuesday 15 Oct 19, 9:58 Répondre en citant ce message   

Cligès a écrit:
le haut-allemand muoter, l'irlandais mathir...

Veuillez préciser qu'il s'agit de formes anciennes.

- muoter est du mittelhochdeutsch (moyen haut allemand), mais l'allemand moderne Mutter illustre aussi très bien votre propos.
- mathir semble être une transcription du vieil irlandais car il s'écrit máthair en irlandais moderne alors même que je croyais cette orthographe étymologique et historique.
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Cligès



Inscrit le: 18 Jul 2019
Messages: 886
Lieu: Pays de Loire

Messageécrit le Tuesday 15 Oct 19, 14:03 Répondre en citant ce message   

@ElieDeLeuze

Merci de vos rectifications. Sauf exception, je ferai désormais figurer des formes modernes dans les langues dont je ne connais pas l'histoire. Ce sera du reste plus parlant pour les lecteurs.

@Outis

Vous vous doutez que si je pose la question, c'est qu'en effet il n'y a que trois syllabes en russe : ма-трëш-ка ; le second élément se prononce donc en une seule émission de voix.

Si je décompose le mot en phonèmes, j'obtiens /m/a/t/r'/o/ch/k/a/ et non, comme on pourrait s'y attendre, **/matryochka/, encore moins **/matriyochka, comme vous l'avez deviné.

Dans la réalité de la prononciation du russe standard, c'est malgré tout bel et bien un yod affaibli que l'on entend, mais phonologiquement, ce "yod" est en fait la mouillure de la consonne qui précède le /o/, que l'on translittère /r'/.

La plupart des consonnes ont deux formes : une "dure", l'autre "molle", avec la mouillure, et l'alphabet cyrillique est particulièrement adapté à leur notation, car il n'a pas besoin d'affecter un graphème particulier à chaque phonème, sauf en finale pour les consonnes molles. Comment fait-il ? Nous y reviendrons.

En attendant, entraînez vous à prononcer люблю (= (j')aime) en deux syllabes : /l'oubl'ou/.

Note : le graphème ë n'est utilisé que dans les textes didactiques ou pour indiquer la prononciation d'un mot dans les dictionnaires. Ailleurs, on ne le distingue pas du "e" ('e), mais bien sûr, ce n'est pas le même son. Je marquerai toujours le tréma ici.


Dernière édition par Cligès le Monday 21 Oct 19, 12:32; édité 1 fois
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Cligès



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Messageécrit le Thursday 17 Oct 19, 20:39 Répondre en citant ce message   

Je passe sur le nom du père, отец (ot’ets) [at’ets] qui, bien qu’étant sans doute d’origine indo-européenne comme l’attestent le gotique atta et l’albanais at, ne continue pas la racine *peH2 – ter qui nous a donné pater en latin, πατήρ en grec, pitar en sanskrit, Vater en allemand, etc…

Je vais plutôt m’intéresser au fils.

3° сын (syn) < sl. cынъ < pr.sl. *synъ < *syn-ŭ-s ; au plur., le suffixe -ов apparaît dans la langue courante (nom. сыновья (synovia), gén. сыновей (synovieï)) à côté de formes non suffixées.

Une grosse difficulté : la prononciation canonique du ы. Du point de vue phonologique, и et ы notent exactement le même phonème /i/, mais leur prononciation diffère. Je renonce à la décrire ; il faut évidemment recourir à des documents sonores (du reste, toute langue s’apprend à l’oral).
Si vous copiez-collez le mot dans google traduction (ne riez pas !), en cliquant sur le petit haut-parleur, vous obtiendrez une prononciation étonnamment correcte, même si c'est une voix de synthèse. Entrez bien le russe en langue source, peu importe la langue cible.

Le mot est presque identique dans toutes les langues slaves (syn en polonais et en tchèque, син en serbe et en bulgare, etc… et possède des cousins : Sohn en allemand, son en anglais, sūnus en lituanien…

Le latin fait bande à part avec filius.

Le grec se distingue par l'absence du suffixe –n, présent même en sanskrit. A première vue, on a du mal à faire le rapprochement entre сын et ὑιός (grec moderne γιός [yos]), mais l’esprit dur du mot signale la chute d’un s initial. Pour expliquer les formes athématiques que peut prendre le mot, P. Chantraine propose *suyu- ou *suyw- comme étymon i.e., soit une formation sonantique. Ce –u correspond au -в du suffixe qui apparaît au pluriel dans le mot russe. En vx-slave, la déclinaison de сын est comparable à celle de дом : toutes avaient leur équivalent dans la 4ème déclinaison latine.

La prochaine fois, je vous donnerai la déclinaison de сын en vieux-russe et en russe moderne pour comparaison.


Dernière édition par Cligès le Monday 21 Oct 19, 12:31; édité 1 fois
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Cligès



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Messageécrit le Saturday 19 Oct 19, 21:30 Répondre en citant ce message   

Voici la déclinaison de домъ en vieux-russe. Vous constaterez la parenté avec celle de domŭs en latin, au moins au singulier. En dernier, le russe moderne. Je porte la voyelle accentuée en gras.

Singulier

Nominatif : *dom-ŭ-(s) > domŭ > домъ (domŭs) / дом
Accusatif : *dom-ŭ-(m) > domŭ > домъ (domŭm) / дом
Génitif : *dom-ou-(s) > domū > дому (domūs) / дома
Note : degré plein prédésinentiel, comme aux dat. et loc.
Datif : *dom -ou- ī > *dom-ov-ī > домови (domuī) / дому
Instrumental : *dom-ŭ-mĭ > *domŭ-mĭ > домъмь / домом
Note : pas de correspondance avec le latin en raison du syncrétisme.
Locatif : *dom-ou- Ø > domū > дому / доме ou дому
Notez le déplacement de l'accent, comme à tous les cas du pluriel. On prononce [dom'e], mais [dʌmou]

Pluriel

Nom. домове / дома (notez le déplacement de l'accent : дома, au gén. mais дома aux nom.-acc. plur.).
Acc. домы / дома
Gén. домовъ /домов
Dat. домъмъ / домам
Instr. домъми / домами
Loc. домъхъ / домах

Duel

N.- A.
домы
G.-L. домову
D.-I. домъма

Il n'y a plus que des traces de l'ancien duel en russe moderne.

Source pour le vieux-russe : Ch. Veyrenc, Histoire de la langue russe, éd. PUF (Que sais-je ?)
Les reconstitutions phonétiques sont de moi ; elles ne sont certainement pas parfaites, c'est juste pour donner un aperçu.
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Charles
Animateur


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Messageécrit le Thursday 06 Feb 20, 18:54 Répondre en citant ce message   

Il reste une trace du duel dans la forme des substantifs : unité (дом), 2 à 4 (дома), 5 et plus (домов)...
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Cligès



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Messageécrit le Friday 07 Feb 20, 16:01 Répondre en citant ce message   

Bien sûr, mais je n'ai pas cru bon de le mentionner à propos de la déclinaison de домъ (type III), dont le duel ne présente pas la désinence -a au nominatif-vocatif, à la différence de celle de столъ (type I). J'eusse dû le préciser.
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Cligès



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Messageécrit le Wednesday 17 Mar 21, 21:09 Répondre en citant ce message   

4° дочь (dotch’), gén. до́чери (dotch’iri) < vx. sl. дъч(ер)и < pr. sl. *dъkt’(er)i : "fille" (de qqn)

La racine indo-européenne *dhw-g(H2)-t-(er) a (presque) directement donné θυγάτηρ en grec ancien, daughter en anglais et Tochter en allemand moderne, dukra/dukters en lituanien.

En russe et dans les langues baltiques, le mot à la particularité de ne pas présenter le suffixe -er aux cas directs du singulier, comme le nom мать/ма́тери, que nous avons vu.

En indo-européen, d’après Benveniste, ce suffixe, associé à l’élargissement -t-, servait à former des noms désignant une parenté (cf. lat. pater, mater et le très curieux matertera, « tante maternelle »).

La formation du mot en russe moderne est simple :
- le ч(ь) résulte de la palatalisation du groupe kt’,
- le о provient de l’ancien « yer » ъ, voyelle réduite dont le timbre se situait entre [o] et [u].

Le mot moderne a subi un déplacement d’accent sur la finale à tous les cas du pluriel sauf au nominatif. A l’instrumental pluriel près (дочерьми́ [dotchir’mi] en face de матеря́ми [matir’am’i], la déclinaison de дочь est comparable à celle de мать.

Comme dans toutes les langues indo-européennes à l'exception du français, le mot ne peut servir pour exprimer le féminin de garçon (де́вушка [d'evouchka] ou де́вочка [d'evotchka], selon l’âge).


Dernière édition par Cligès le Friday 19 Mar 21, 19:48; édité 1 fois
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Cligès



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Messageécrit le Friday 19 Mar 21, 19:36 Répondre en citant ce message   

5° брат [brat] < vx. sl. братръ < pr. sl. *bratrъ, « frère ».

Voilà un mot qui a peu évolué depuis l’origine des langues slaves.

Il provient de la racine indo-européenne *bhr-eh2-t-(e)r-o.

Le suffixe pourvu de l’élargissement -ter, que nous avons rencontré dans d’autres noms de parenté, est ici au degré réduit : il en est résulté un groupe -tr- qui est resté stable assez longtemps, puis une dissimilation a finalement éliminé le second -r du mot.

Le degré plein du suffixe apparaît en latin (frater), dans les langues germaniques (anglais brother), en letton (brataritis), en irlandais (deartháir), etc…

En grec ancien, il existe deux mots formés sur cette racine : φράτηρ et, avec le degré o du suffixe, φράτωρ. Ce sont des mots rares qui signifient « membres d’une (même) phratrie » ; le mot courant pour dire « frère » ἀδελφός (gr. mod. αδερφός), a une tout autre origine.

Un autre mot grec, φρατρία, « phratrie », va nous permettre de revenir au russe.
Les slavisants savent en effet que le pluriel du mot est formé sur le radical брать-, et que la désinence du nom. pl. est /a/ et non /i/ : брáтья [brat'ya].
C’est que брáтья correspond au grec φρατρία à l’accent près (le mot accentué comme en grec eût été **брати́я-), et qu'il faut donc poser, pour expliquer la forme russe : *brat’-j-a = *брать-й-a = брать-я. Il faut voir dans l’association du yod et de la désinence -a une formation de collectif qui correspond bien au sens du mot grec, même si ce dernier appartient à la "1ère déclinaison". Les mots зять/зятья́ [z'at'/z'atya] (gendre ou mari de la sœur) ; лист/ли́стья [list/listya](feuille) ; стул/сту́лья [stoul/stoulya](chaise) et quelques autres ont une formation analogue.

Source pour l'explication du pluriel : Историческая грамматика русского языка, гос. изд. "Выща Школа".


Dernière édition par Cligès le Friday 19 Mar 21, 19:47; édité 4 fois
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Cligès



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Messageécrit le Saturday 17 Apr 21, 18:29 Répondre en citant ce message   

6° сестрá [s'istra] < vx. sl. сѣстра < pr. sl. *sestra « sœur ».

Comme on le constate, ce mot n'a pas changé depuis l'origine des langues slaves, sur le plan phonématique tout au moins.

Son origine lointaine est plus complexe que celle du latin sŏrŏr < *swe-sor (Pokorny). Il est apparemment formé du thème du réfléchi (cf. lat. suus) et d’une racine qui semble désigner un élément féminin. Le sens de l'ensemble pourrait être « femme appartenant à son propre sang » (d’après Vasmer, dict. étymologique de la langue russe, éd. d’État d’URSS).
C’est ce même élément *sor que l’on retrouve dans uxor, formation également composée signifiant peut-être « femme qui accroît (la famille) », cf. augeo < *aug-.
Il est à noter que ce même thème se trouve dans le mot grec ἔορ figurant dans une glose d’Hésychius (Greek-english lexicon de Liddell-Scott, Oxford, Clarendon Press).

La première partie du mot slave *ses- s’explique par la disparition du w (alors qu’en latin, le –w a été absorbé par le o qu’il avait produit précédemment), tout comme dans les langues baltiques (lit. sesuo, gén. sesers).

La seconde partie ne garde peut-être de *sor que l’initiale –s, le reste témoigne d’un alignement du mot sur les noms de parenté formés avec le suffixe élargi -t-er au degré réduit (cf. * bratrъ, v. étude précédente) (cf. all. Schwester). Cet alignement est ancien, mais il n’est pas contemporain des formations мать/матери et дочь/дочери qui ont un thème en ĭ alors que notre mot a un thème « féminin » en –ā, pendant du thème « masculin » en – ŏ (ъ).

Le mot n’a comme particularité que la remontée de l’accent au pluriel (sauf au génitif) et l’iokanie qui affecte au début du XIIIème siècle la nouvelle voyelle accentuée : nom. plur. сëcтры [s’óstry]. Je n’insiste pas sur ce phénomène purement slave.
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Cligès



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Messageécrit le Wednesday 05 May 21, 19:57 Répondre en citant ce message   

7° идти́ [it’i] « aller (à pied) » (présent de l’indicatif et infinitif).

Ce verbe imperfectif unidirectionnel est formé sur une racine indo-européenne qui a donné des dérivés dans la plupart des familles de langues.

Cette racine est *H1ey- ; comme de nombreuses racines, elle peut se présenter au degré réduit H1y-.

Un petit détour par le grec et le latin fera comprendre comment le système fonctionne :

1° En grec, dans la conjugaison du présent de l’indicatif du verbe εἶμι, on observe la présence de la racine au degré plein pour les 1PS, 2PS et 3PS, tandis que les 1PP, 2PP, 3PP ainsi les 2P-3P du duel et l’infinitif sont formées sur le degré réduit.

D’autre part, l’adjonction des désinences personnelles s’opère sans l’interposition d’une voyelle thématique. On dit que le verbe εἶμι est athématique.

Ex : H1ey-mi > εἶμι, « je vais » (« j’irai » dans la langue classique) : degré plein de la racine.
Ex : H1y-m-en > ἴμεν, « nous allons » (« nous irons ») : degré réduit de la racine.
Ex : H1y-en-ai > ἰέναι, « aller » : degré réduit de la racine.


2° En latin, on assiste à la généralisation du degré plein de la racine, et une voyelle dite thématique s'insère entre le radical et les certaines désinences de 1PS et de 3PP. On a donc une conjugaison mixte.

Ex : H1ey-o-(H) > eo, « je vais » : degré plein et formation thématique.
Ex : H1ey-mos > imus, « nous allons » : degré plein et formation athématique.
Ex : H1ey-o-nti > eunt, « ils vont » : degré plein et formation thématique.
Ex : H1ey-se > ire, « aller » : degré plein.


3° La situation du russe est la suivante :
- généralisation du degré plein,
- conjugaison entièrement thématique au présent, infinitif athématique,
- adjonction d’un morphème « tampon » -д- appelé формант (formant, mot tiré du latin qu'on peut traduire par "affixe") ; on remarque son absence à l’infinitif ; cf. класть, « poser » en face de кладу, кладëшь, etc... « je pose, tu poses... ».


H1ey-d-o-m > pr. sl. jьdǫ > vx. sl. идѫ (idǫ > idou) > vx. r. et r. mod. иду (idou)
H1ey-d-e-si > vx. sl. идеши (id’echi) > vx. r. et r. mod. идешь > идëшь (id’och’)
H1ey-d-e-ti > vx. sl. идеть (id’et’) > vx. r. et r. mod. идет > идëт (id’ot)
H1ey-d-e-m(i) > vx. sl. et vx. r. идемъ (id’emo) > vx. r. et r. mod. идëм (id’om)
H1ey-d-e-te > vx. sl. et vx. r. идете (id’et’e) > vx. r. et r. mod. идëте (id’ot’e)
H1ey-d-o-nti > pr. sl. jьdǫti > vx. sl. идѫть (idǫti > idouti) > vx. r. et r. mod. идут (idout)

Duels en vx. r. :
1P : идевѣ (id’evyè)
2-3P : идета (id’eta)

On remarque en russe moderne :
- la disparition des jers ъ et ь, autrement dit, il n'y a plus que des consonnes dures en fin de mot,
- le changement de timbre e accentué > o opéré à partir de 1200, phénomène massif appelé "jokanie". Dans les textes non didactiques, le tréma n'est pas noté sur le e ; d'une manière générale, les Russes n'aiment pas le mettre. Personnellement, je ne l'écris qu'ici.

Infinitif :
Η1ey-ti > pr. sl. jьti > vx. sl. et vx. r. ити > r. contemp. идти avec un д purement graphique, alors que les composés ont la forme -йти, ex : пойти (correspondant perfectif de идти).


Dernière édition par Cligès le Thursday 10 Jun 21, 21:35; édité 1 fois
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