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foi (français) / fides (latin) / πίστις [pistis] (grec) / *bheidh (indo-européen) - Le mot du jour - Forum Babel
foi (français) / fides (latin) / πίστις [pistis] (grec) / *bheidh (indo-européen)
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Xavier
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Inscrit le: 10 Nov 2004
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Lieu: Μασσαλία, Prouvènço

Messageécrit le Saturday 26 Oct 19, 0:30 Répondre en citant ce message   

La foi vient du latin fidēs.

Issu d'une racine indo-européenne *bheidh- ou *bhidh-

qui donne en latin le nom fidēs et le verbe fīdo
en grec πίστις (pistis) et πείθω (peithō)

Dans la Bible fidēs et credo traduisent le grec πίστις et πιστεύω

dans le sens religieux : foi, croyance
dans le domaine du droit : engagement solennel, garantie donnée, serment, d'où : bonne foi, loyauté, fidélité à la parole donnée...

La notion a été divinisée : Fidēs ( la bonne foi) correspondant au grec Θέμις (Thémis)


Dans le Gaffiot :
fidēs : foi, confiance ; crédit ; ce qui produit la confiance, bonne foi, loyauté, droiture ; promesse, assurance, parole donnée ; protection, patronage, assistance

fīdo : se fier, se confier, avoir confiance (en, dans), compter sur (compter sur sa sagesse)
fīdūcia : confiance ; confiance en soi, assurance, hardiesse
et le sens en droit de cession fiduciaire (confiée à la bonne foi, avec engagement moral de restituer sous certaines conditions en temps et lieu)

Dans le langage juridique en français :
fiducie : "Contrat par lequel l'acquéreur apparent d'un bien s'engage à le restituer à l'aliénateur lorsque celui-ci aura rempli les obligations qu'il a envers lui"

fīdus : à qui, à quoi on peut se fier, fidèle, sûr. Cela concerne des personnes ou des choses : sûr, assuré, qui ne cache aucun piège
(pons validus et fidus : pont solide et sûr)

fĭdēlis : en qui on peut avoir confiance, sûr, fidèle, loyal ; solide, ferme, durable.



Dans le Vocabulaire des institutions indo-européennes, Emile Benveniste, estime que le grec πείθω (persuader) a été bâti tardivement sur πείθομαι (obéir)

Quel sens pourrait avoir cette racine *bheidh ?
Plutôt que de voir l'idée de foi, ce serait plutôt avec l'idée de contrainte.
Il faudra aussi voir du côté du germanique.

Il propose de traduire fidēs par "crédit" plutôt que par "confiance" pour comprendre le sens à l'origine.

Ce n'est pas une situation d'égal à égal.
celui qui détient la "fides" mise en lui par un homme tient cet homme à sa merci.
fides devient alors presque synonyme de potestas.

Mettre sa "fides" en quelqu'un procurait sa garantie et son appui.
Contrainte d'un côté, obéissance de l'autre.

la latin foedus (de *bhoides-) "pacte, traité" était à l'origine entre contractants de puissance inégale.


La foi exprime ainsi l'idée d'obéissance.
Par exemple : je souhaite grimper sur la montagne. Je fais appel à un guide.
Je lui donne ma confiance, on pourrait dire que ma vie dépend de lui.
Il m'assure une protection. Et je dois lui obéir.


Du côté du grec (Chantraine) :
πείθομαι : être persuadé, avoir confiance, obéir
d'où par exemple πείθαρχος (peitharkos) : obéissant aux autorités
Un sens passif (être persuadé), puis on passe parfois à un sens actif : persuader.

πιστός : en qui on a foi, qui a foi en quelqu'un (à noter les deux sens)
et pour les choses : crédible, en quoi on a confiance
d'où : πιστόν (piston) : garantie, confiance

πιστεύω : avoir confiance, croire

πίστις : foi, confiance inspirée à d'autres ou que d'autres inspirent.
C'est donc une autorité qui s'exerce en même temps qu'une protection sur celui qui s'y soumet, en échange et dans la mesure de sa soumission.


Vocalisme e :
Πειθώ : déesse de la persuasion
-πειστος avec l'idée de persuasion.

δύσπειστος : difficile à persuader

Bailly :
πείθω :
1, transitif) persuader, convaincre, s'efforcer d'amener une personne à adopter une opinion, à participer à une entreprise /
2, intransitif) se fier, se confier, s'en remettre à ; se laisser persuader, se fier à, croire (à une parole...)


L'idée de foedus est importante. C'est le contrat, le pacte. C'est un terme qui est proche de l'hébreu berit ברית
Voir le MDJ consacré à berit

Ce terme a été traduit en latin par Testamentum : Testament (Ancien & Nouveau)
Le terme foedus me parait plus proche.


Pierre Grimal, Civilisation romaine :
L'une des manifestations les plus primitives de la pietas était le respect des engagements, la fides .
La Fides divinisée garantit la bonne foi et la bienveillance mutuelle dans la vie sociale tout entière.
Son nom officiel, Fides Populi Romani : la (bonne) foi du peuple romain.

La fides avait encore un autre domaine ; c'est elle qui assurait au vaincu la vie sauve lorsqu'il avait reconnu sa défaite et fait appel, en suppliant, à la fides de son vainqueur. Elle
substituait à la loi de la force celle de la clémence, recon­naissait le droit de tous les hommes "de bonne foi" à vivre, même si le sort des armes leur avait été contraire.


Dans cette idée d'obéissance, de soumission (assujettissement) la foi présente une idée assez proche du terme islam . On l'avait déjà étudié.
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AdM
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Inscrit le: 13 Dec 2006
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Messageécrit le Saturday 26 Oct 19, 4:43 Répondre en citant ce message   

Citation:
Quel sens pourrait avoir cette racine *bheidh ?
Plutôt que de voir l'idée de foi, ce serait plutôt avec l'idée de contrainte.
Derrière le mot foi, je comprends surtout le mot croire ; plus vite que obéir.
Ne connaissant pas du tout le grec, je ne suis pas sûr de bien te suivre.
confus

J'imagine toutefois que le latin foedus mène à l'idée de féodal, et donc tout ce qui s'en suit (protection contre obéissance, respect et fidélité de part et d'autre, …)
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embatérienne
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Inscrit le: 11 Mar 2011
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Messageécrit le Saturday 26 Oct 19, 9:24 Répondre en citant ce message   

Xavier a écrit:
Quel sens pourrait avoir cette racine *bheidh ?
Plutôt que de voir l'idée de foi, ce serait plutôt avec l'idée de contrainte.
Il faudra aussi voir du côté du germanique.

Il y a une contradiction dans Etymonline.
D'un côté,
Citation:
*bheidh-

Proto-Indo-European root meaning "to trust, confide, persuade."

It forms all or part of: abide; abode; affiance; affidavit; auto-da-fe; bide; bona fide; confederate; confidant; confide; confidence; confident; defiance; defy; diffidence; diffident; faith; fealty; federal; federate; federation; fiancee; fideism; fidelity; fiducial; fiduciary; infidel; infidelity; nullifidian; perfidy; solifidian.

It is the hypothetical source of/evidence for its existence is provided by: Greek pistis "faith, confidence, honesty;" Latin fides "trust, faith, confidence, reliance, credence, belief;" Albanian be "oath," bindem "to be convinced, believe;" Old Church Slavonic beda "distress, necessity," bediti "to force, persuade;" Old English biddan "to ask, beg, pray," German bitten "to ask."

etymonline.com

mais de l'autre :
Citation:
bid (v.)

probably an early Middle English mutual influence or confusion of two old words: The sense in bid farewell is from Old English biddan "to ask, entreat, beg, pray, beseech; order" (class V strong verb, past tense bæd, past participle beden), from Proto-Germanic *bedjanan "to pray, entreat" (source also of German bitten "to ask," attested in Old High German from 8c., also Old Saxon biddian, Old Frisian bidda"ask, request command," Old Norse biðja, Gothic bidjan "request"). This, according to Kluge and Watkins, is from a PIE root *gwhedh- "to ask, pray" (see bead (n.)).

To bid at an auction, meanwhile, is from Old English beodan "offer, proclaim" (class II strong verb; past tense bead, past participle boden), from Proto-Germanic *beudanan "to stretch out, reach out, offer, present," (source also of German bieten "to offer," Old High German biatan, also Old Saxon biodan, Old Frisian biada, Old Norse bjoða, Gothic anabiudan "to command"). This is (with a shift of meaning) from PIE root *bheudh- "be aware, make aware" (source also of bode (v.)).

https://www.etymonline.com/word/bid

Je crois que la première source se fonde sur ce qu'on croyait anciennement, et la seconde est un rattachement plus moderne à la racine indo-européenne.
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Jeannotin
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Messageécrit le Saturday 26 Oct 19, 11:00 Répondre en citant ce message   

Voici l'état de la controverse sur l'étymologie de bitten, tel que dressé par l'Etymological Dictionary of Proto-Germanic (2013) :

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Outis
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Messageécrit le Saturday 26 Oct 19, 11:26 Répondre en citant ce message   

Pour les Chrétiens, la Foi est, depuis Paul de Tarse et avec l'Espérance et la Charité (plus exactement l'Amour), une des trois vertus théologales, c'est-à-dire ayant Dieu pour objet (et, pour Paul, comme source). Dans ce cadre, la foi est définie comme la disposition à croire en Dieu, elle est donc, comme Xavier l'a bien souligné, très liée à la notion de croyance, cette contrainte (en principe) librement consentie.
Les deux notions sont si imbriquées (je te crois ≈ j'ai confiance en toi) qu'en grec moderne πιστέυω [pistévo] ne signifie plus que « je crois ».

Hors de la théologie, avoir foi, être confiant, c'est tenir pour vrai ce que déclare autrui (ou moi-même) ou ce à quoi il s'engage. D'où tous les dérivés vus plus haut et d'autres comme fiancée (qui s'est prononcé \fyãse\ avant d'être attiré par le mot fille).

Pour ce qui est de la racine, elle s'écrit correctement *bʰei-dʰ-. Il n'y a aucune raison de la présenter au degré zéro ni d'introduire un h dans son écriture qui est un autre phonème et qui pourrait aussi être confondu avec une laryngale (bʰ n'est pas plus bh que kʷ n'est kw).
Ensuite, dans chaque langue, l'évolution phonétique agit. Par exemple, en grec :
*bʰ > φ [pʰ] et, si dissimilation d'aspiration, > π [p]
*dʰt > st, et donc le nom d'action (suffixe -ti- sur degré zéro) *bʰi-dʰ-ti- > pʰi-dʰ-ti- > pi-dʰ-ti- > πίστι- [pi-s-ti-]
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embatérienne
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Messageécrit le Sunday 27 Oct 19, 18:00 Répondre en citant ce message   

Outis a écrit:
fiancée (qui s'est prononcé \fyãse\ avant d'être attiré par le mot fille).

Il faudrait probablement faire un sujet à part de cette question de phonétique.
Le TLFi indique toujours trois prononciations : [fi(j)ãse], [fjã-].
Le petit Robert, comme Warnant (Dictionnaire de la prononciation française) , n'en indique qu'une, la troisième.
Martinet et Walter, en se fondant sur l'usage réel de 18 informateurs, donnent les mêmes trois prononciations, avec 9 informateurs pour [fijãse] (ma prononciation, je crois, au passage), 8 informateurs pour [fjãse] et un seul pour [fiãse].
Je ne suis pas sûr que la mouillure du "i" soit due à l'attraction de "fille" ; j'y verrais plutôt une tendance naturelle qu'on retrouve dans beaucoup d'exemples où "i" est suivi d'un autre son vocalique.
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Outis
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Messageécrit le Sunday 27 Oct 19, 19:04 Répondre en citant ce message   

J'ai écrit ça en me fiant à ce que j'avais lu quelque part il y a longtemps [fiant sans diérèse !], et j'imagine volontiers que c'est bien l'attirance de fille qui a maintenu cette diérèse dans fiancée alors qu'elle avait tendance à disparaître partout. Mais, bien sûr, ce n'est jamais qu'un compromis …
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Xavier
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Messageécrit le Sunday 27 Oct 19, 20:35 Répondre en citant ce message   

La théologie chrétienne est assez complexe. Il y a tellement de théologies différentes !
Il faut faire attention avec le terme chrétien. En France, il est souvent employé comme synonyme de catholique.

Les trois "vertus théologales", c'est catholique. J'image mal un théologien protestant parler de vertu, de mérites ou de "bonnes actions".

Le verbe credo (croire) est assez complexe et le sens d'origine n'est pas très éloigné de la foi.
À l'origine, credo, c'est "confier en prêt" (je cite Gaffiot). C'est la même famille que crédit. Croyance et créance ont la même origine.

Dans le texte de l'épître aux Corinthiens d'où sont tirées ces trois "vertus". (J'ai une petite collection de ce texte des Corinthiens en plusieurs éditions et plusieurs langues)
Il est écrit que l'amour, l'une des trois "vertus", est plus importantes que les autres. Et celui qui a la foi, cette foi qui fait "déplacer les montagnes", et qui n'a pas l'amour n'est rien.
L'amour, ce n'est pas forcément l'amour de Dieu. C'est plutôt vivre dans un état d'Amour.
Si l'amour dont il est ici question est l'amour de Dieu, ce serait alors la même chose que la foi.

Paul présente un unique commandement (Galates) : "tu aimeras ton prochain comme toi même !"
Ce n'est pas le double commandement des Évangiles synoptiques : tu aimeras Dieu ET tu aimeras ton prochain.

Benveniste écrit que fides, à l'origine c'est la "qualité propre d'un être qui lui attire la confiance et s'exerce sous forme d'autorité protectrice sur qui se fie en lui".
On peut prendre comme exemple la déesse Fides.

Je pense que la foi chrétienne ne peut être vraiment différente de cela.
Dieu n'est-il pas une autorité protectrice qui agit sur celui qui se fie en lui ?

Il y a aussi l'idée de foedus qui me semble essentielle.

La "loi du Christ", pour Paul, c'est ce commandement d'amour du prochain. Avoir la foi, c'est adhérer à cette alliance, avoir la foi dans ce principe. Il y a aussi une idée d'assujettissement.
Comme si le fait d'obéir à ce principe, c'était l'assurance du salut, c'est à dire d'agir comme il convient à Dieu (ou au Bien ?).


À propos de cette montagne qu'on fait déplacer.
Elle est aussi présente dans les Évangiles.
Selon Marc, Jésus dit : "en vérité, je vous le dis, si quelqu'un dit à cette montagne : soulève-toi et jette-toi dans la mer, et s'il n'hésite pas dans son cœur, mais croit que ce qu'il dit va arriver, cela lui sera accordé. c'est pourquoi je vous le dis : tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez déjà reçu, et cela vous sera accordé"
(Marc 11, 23)

D'abord, cette histoire de montagne, je pense que cela doit être une expression araméenne ou hébraïque qui devient incompréhensible dans la traduction.
Que signifie le verbe croire ? c'est le grec πιστεύω qui est utilisé.
Mais un sens assez proche de "persuader". Persuadez vous que ce que vous désirez arrive...
C'est assez étrange cette foi. C'est une incitation à prendre ses désirs pour la réalité.
On est plutôt dans le domaine de ce qu'on pourrait appeler "la pensée positive".


Dernière édition par Xavier le Tuesday 29 Oct 19, 12:01; édité 1 fois
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embatérienne
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Messageécrit le Sunday 27 Oct 19, 21:16 Répondre en citant ce message   

Outis a écrit:
J'ai écrit ça en me fiant à ce que j'avais lu quelque part il y a longtemps [fiant sans diérèse !], et j'imagine volontiers que c'est bien l'attirance de fille qui a maintenu cette diérèse dans fiancée alors qu'elle avait tendance à disparaître partout.


J'avais d'abord cru que tu voulais dire que "fille" a influencé la mouillure dans "fiancé(e)". Je comprends maintenant que tu penses que "fille" a influencé la diérèse du mot, ou du moins son maintien. Peut-être, encore qu'on voie que la diérèse n'est pas faite par tous. Elle n'est même pas indiquée dans le Petit Robert ou Warnant. Cependant, le TLFi note : « Lar. Lang. fr. et Dub. font la diérèse pour toute la famille du mot [fijɑ ̃se]. »
https://www.cnrtl.fr/definition/fianc%C3%A9
Il y a souvent du mystère dans ces choses : pourquoi la diérèse se fait-elle/se maintient-elle dans "hier" et souvent pas dans "avant-hier" ?
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Outis
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Messages: 3511
Lieu: Nissa

Messageécrit le Sunday 27 Oct 19, 23:58 Répondre en citant ce message   

Xavier a écrit:
On est plus dans le domaine de ce qu'on pourrait appeler "la pensée positive".

Lapsus ? sourire

Erreur corrigée : on est plutôt
(Xavier)
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Jeannotin
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Inscrit le: 09 Mar 2014
Messages: 879
Lieu: Cléden-Poher

Messageécrit le Monday 28 Oct 19, 13:59 Répondre en citant ce message   

Le breton a des emprunts au latin fidēs, sous deux formes principales en ce qui concerne le vocalisme : feiz et fez "foi". Je parle ici du vocalisme, car le -z qui continue sous une forme lénifiée le -d- du latin fidēs tombe régulièrement hors Léon créant d'autres variantes. Le breton du Centre-Bretagne a donc fe "foi" et le Léon feiz, qui rime heureusement avec Breizh "Bretagne". Cette rime a donné naissance à un slogan clérical : ar brezhoneg hag ar feiz a zo breur ha c'hoar e Breizh "le breton et la foi sont frère et sœur en Bretagne" et au titre du journal Feiz ha Breiz "Foi et Bretagne", qui a paru de 1865 à 1884, puis de 1900 à 1944 sous la direction de l'abbé Perrot, avant de disparaître en raison de la compromission de l'abbé dans la Collaboration.

Le juron fidamdoue "la foi du Dame (< lat. dominus) Dieu" est très populaire et présente de nombreuse variantes phonétiques engendrées par les déformations plus ou moins volontaires que subissent toujours les blasphèmes de ce type.
À Cléden-Poher, le -t- de fitamdoue résulte peut-être d'un ancien sandhi, qui aurait précédé la chute du -z de fez en Centre-Bretagne.
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Glossophile
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Messages: 2283

Messageécrit le Monday 28 Oct 19, 16:18 Répondre en citant ce message   

Outis a écrit:


Hors de la théologie, avoir foi, être confiant, c'est tenir pour vrai ce que déclare autrui (ou moi-même) ou ce à quoi il s'engage. D'où tous les dérivés vus plus haut et d'autres comme fiancée (qui s'est prononcé \fyãse\ avant d'être attiré par le mot fille).



Comment s'explique cet upsilon ?
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Outis
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Inscrit le: 07 Feb 2007
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Lieu: Nissa

Messageécrit le Monday 28 Oct 19, 16:22 Répondre en citant ce message   

Par une erreur de ma part, voulant signifier un yod. Il eut été plus simple de le corriger par un j …
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Ion
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Messageécrit le Monday 28 Oct 19, 17:30 Répondre en citant ce message   

PISTIS – Quelques attestations relevées par le Liddell et Scott

A. 1, trust in others, faith, first in Hes. ("confiance en autrui", d’abord chez Hésiode)
Théognis, 831
πίστει χρήματ᾽ ὄλεσσα, ἀπιστίῃ δ᾽ ἐσάωσα
pístei khrḗmat’ ólessa, apistíêi d’ esáōsa
La confiance en autrui m’a fait perdre de l’argent, la méfiance m’a permis d’en conserver.

2. (a.) in subjective sense, good faith, trustworthiness, honesty, (sens subjectif : "crédibilité, honnêteté")
Eschyle, les Perses, 443
Ἄγγελος

Περσῶν ὅσοιπερ ἦσαν ἀκμαῖοι φύσιν,
ψυχήν τ᾽ ἄριστοι κεὐγένειαν ἐκπρεπεῖς,
αὐτῷ τ᾽ ἄνακτι πίστιν ἐν πρώτοις ἀεί,
τεθνᾶσιν αἰσχρῶς δυσκλεεστάτῳ μόρῳ.


Ággelos
Persôn hósoiper êsan akmaîoi fúsin
psukhḗn t’ áristoi keugéneian ekprepeîs
autôi t’ ánakti pístin en prṓtois aeí,
tethnâsin aiskhrôs duskleestátōi mórōi.


Le Messager. – « D’entre les Perses, tous ceux qui étaient pleins de force par leur nature, excellents par leur âme, distingués par la naissance, et toujours, aux yeux du roi lui-même, dans les premiers pour l’honnêteté, ont péri honteusement d’une mort lamentable. »

Πίστιν pístin Acc. De relation : « par la confiance que le souverain pouvait leur faire » et non « par la confiance qu’ils faisaient au roi ».

Hérodote, 8, 105
παρὰ γὰρ τοῖσι βαρβάροισι τιμιώτεροι εἰσὶ οἱ εὐνοῦχοι πίστιος εἵνεκα τῆς πάσης τῶν ἐνορχίων.
Parà gàr toîsi barbároisi timiṓteroi eisì hoi eunoûkhoi pístios heíneka tês pásēs tôn enorkhíōn.
Car chez les Barbares les eunuques ont plus de valeur que les esclaves entiers en raison de la confiance totale qu’on peut leur faire.

Et non, comme le veut la traduction présente sur Itinera Electronica « car la fidélité des eunuques les rend, chez les Barbares, plus précieux que les autres hommes »

Théognis, 1137
1137 ὤιχετο μὲν Πίστις, μεγάλη θεός, ὤιχετο δ´ ἀνδρῶν
1138 Σωφροσύνη, Χάριτές τ´, ὦ φίλε, γῆν ἔλιπον·
1139 ὅρκοι δ´ οὐκέτι πιστοὶ ἐν ἀνθρώποισι δίκαιοι,

ṓikheto mèn Pístis, megálē theós, ṓikheto d’ andrôn
Sōfrosúnē, Khárités t’, ô fíle, gên élipon ;
hórkoi d’ oukéti pistoì en anthrṓpoisi díkaioi


Disparue, Honnêteté, la grande déesse, disparue du monde humain,
Modération, – et les Grâces, mon ami, ont quitté la Terre :
en justice, plus de serments fidèles parmi les hommes...

(2.) b. of things, credence, credit, (En parlant de choses : « crédibilité, crédit »)

Euripide, Électre, 737
737 λέγεται τάδε, τὰν δὲ πίστιν
738 σμικρὰν παρ´ ἔμοιγ´ ἔχει,

légetai táde, tàn dè pístin
smikràn par’ émoig’ ékhei

« Voilà ce que l’on dit, mais (cette histoire) a peu de crédit auprès de moi. »

Ce dernier sens est également bien attesté en latin. Voici la morale d’une fable de Phèdre (I, 10) :
Quicunque turpi fraude semel innotuit,
Etiamsi verum dicit amittit fidem.

« Quiconque s’est signalé une seule fois par une tromperie honteuse, même s’il dit vrai, n’a plus aucun crédit. »


Dernière édition par Ion le Tuesday 29 Oct 19, 9:25; édité 1 fois
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Ion
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Inscrit le: 26 May 2017
Messages: 306
Lieu: Liège

Messageécrit le Monday 28 Oct 19, 21:27 Répondre en citant ce message   

À propos du Vocabulaire des institutions européennes :

Xavier a écrit:
Il y a deux points que je ne comprends pas chez Benveniste dans son Vocabulaire des institutions européennes :
1) πείθομαι : pourquoi ce terme serait antérieur ?

2) concernant fides : la confiance, c'est ce qu'on place chez l'autre. Mais je ne vois pas comment on peut l'envisager autrement ?



1) le -ομαι de πείθομαι « se laisser persuader, obéir » indique une « voix moyenne », voix qui correspond souvent à une « voix réfléchie » du français car elle suggère que le sujet est tout spécialement impliqué dans l’action. Benveniste pense que le thème peith- à l’origine ne recevait que les désinences de la voix moyenne et non celles de la voix active. Ce n’est pas impossible mais je n’ai pas trouvé de justification et Chantraine est moins affirmatif. – Pour l’idée de « persuader »… eh bien, elle est présente dans toute la famille des mots construits sur le thème peith-, donc il est naturel de penser qu’elle est fondamentale, en tout cas en grec.

2) Fides possède deux sens : a) confiance que l’on fait aux autres ; b) crédibilité (confiance dont on jouit auprès des autres). Or le sens b) n’est pas bien pris en compte par certains dictionnaires et certains traducteurs.

Benveniste envisage une extension du sens de fides en latin dans des contextes où il est question de « se livrer à la fides et au pouvoir souverain du peuple romain ». Là, fides signifie plutôt « la bonne foi », à savoir « les qualités romaines qui font naître la confiance et entraînent la certitude que la soumission aura pour contrepartie une attitude de protection bienveillante ».

post-scriptum. L’idée de « contrainte » : Benveniste n’envisage pas la « contrainte » qui fait agir quelqu’un contre sa volonté , mais plutôt la « manipulation » qui amène quelqu’un à agir dans un certain sens.

Je suis prêt à répondre de mon mieux à toute demande d'éclaircissements supplémentaires.
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