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Grecs et perses - Langues d'ici & d'ailleurs - Forum Babel
Grecs et perses
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stephen_dedalus



Inscrit le: 03 Nov 2007
Messages: 7
Lieu: Ile-de-France

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 16:48 Répondre en citant ce message   

Question d'un profane :

Avant William Jones, les similitudes entre certaines langues indo-européennes avaient déjà été remarquées, en particulier par les Hollandais.

Mais n'est-il pas envisageable que la découverte de la relation étroite entre les langues indo-européennes d'Asie et celles d'Europe ait été beaucoup plus ancienne ? En effet, les Grecs et les Perses ont été en contact étroit depuis le 6ème siècle avant J-C jusqu'à l'époque d'Alexandre et des Séleucides. La proximité bien connue des noms(pedar (je cite le terme en persan actuel) contre pater), des pronoms, des nombres ("do" pour le grec "duo", "pandj" pour "penta","pa" (le pied) pour "pous") a certainement dû frapper les esprits éclairés des deux côtés de la mer Egée, le bilinguisme devant être courant aussi bien chez les Ioniens d'Asie Mineure que plus tard à la cour des Séleucides.

La composante non indo-européenne du grec (tel que le fameux "thalassa") ne peut avoir suffi à masquer cette proximité.

Question : trouve-t-on des remarques à ce sujet dans les oeuvres des auteurs grecs classiques (Hérodote, Xénophon, ...) ou des auteurs perses de l'époque (sur lesquels j'avoue mon ignorance) ?
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Outis
Animateur


Inscrit le: 07 Feb 2007
Messages: 3510
Lieu: Nissa

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 17:19 Répondre en citant ce message   

Autant que les textes en témoignent, les Grecs n'ont jamais été beaucoup intéressés par les langues barbares. D'autant plus qu'on est très loin d'une possibilité d'intercompréhension entre le grec et le vieux-perse.

Tout ce qu'on peut imaginer, c'est que l'apprentissage des interprètes devait être très légèrement facilité …

Il n'empêche que quelques emprunts ont eu lieu, limité à des termes très techniques :

gr. satrápēs « satrape » du vx.perse xšaθra-pā « protecteur du pays », avec, dans les inscriptions en grec, des variantes plus proches phonétiquement comme ksatrápēs ou ksathrápēs. Mais de telles inscriptions sont probablement dues à des auteurs bilingues, le mot courant de la littérature (Hérodote, Xénophon, etc.) montre bien que les érudits eux-mêmes ne comprenaient rien au vieux-perse …

Cependant, la question me donne l'idée d'un mot du jour assez intéressant.
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Glossophile
Animateur


Inscrit le: 21 May 2005
Messages: 2281

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 19:09 Répondre en citant ce message   

Un emprunt du grec au perse qui a fait son chemin dans le monde, c'est le mot introduit par Xénophon dans son traité d'économie pour parler des jardins du roi de Perse : παραδεισον, paradeison, autrement dit paradis après passage du grec au latin, et du latin au français.
Ce paradis est un jardin que le roi a planté de ses mains, en y faisant venir toutes les espèces connues (bref, un jardin des plantes), et le roi aime à s'y promener vers le soir...
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stephen_dedalus



Inscrit le: 03 Nov 2007
Messages: 7
Lieu: Ile-de-France

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 20:10 Répondre en citant ce message   

Merci de cette réponse rapide.

Permettez-moi néanmoins d'exprimer mon opinion sur le sujet. Je pense que le "mépris" des Grecs pour les Barbares, qui est indubitable dans certains textes, est largement sur-estimé par la tradition occidentale pour de "bonnes" raisons (démocratie) et des moins bonnes (chauvinisme). Vis-à-vis des Perses, il me semble que leur attitude a été beaucoup plus ambivalente ; Eschyle en écrivant les Perses, Themistocle et Demarate en se réfugiant à la Cour du Grand Roi, Xenophon en se mettant au service de Cyrus le jeune, Alexandre en lançant son expédition rendent tous d'une certaine manière un hommage à leur civilisation.

Par ailleurs, Hérodote s'est intéressé aux étymologies. Par exemple, il indique que les Scythes appellent the Amazons Oiorpata, qu'il explique comme composé de of oior, meaning "man" (que, comme vous le savez, nous relierions à vir en latin puisque le Scythe est aussi un dialecte indo-européen), et pata, qui signifierait "tuer" (Hist. 4,110).

Il explique aussi le nom de la tribu mythologique borgne Arimaspoi comme composé des mots Scythes arima, "un", and spu ( à relier à la racine IE "spek" qu'on retrouve comme vous le savez dans spectacle, signifiant "oeil" (Hist. 4,27).

Je ne suis pas compétent pour savoir si les étymologies proposées par Hérodote demeurent valides (je crois qu'elles font débat). Mais elles témoignent en tout cas d'un intérêt pour le sujet et peut-être même de quelques intuitions étonnantes.
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mansio



Inscrit le: 19 Feb 2005
Messages: 1125

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 20:31 Répondre en citant ce message   

Glossophile a écrit:
Un emprunt du grec au perse qui a fait son chemin dans le monde, c'est le mot introduit par Xénophon dans son traité d'économie pour parler des jardins du roi de Perse : παραδεισον, paradeison, autrement dit paradis après passage du grec au latin, et du latin au français.
Ce paradis est un jardin que le roi a planté de ses mains, en y faisant venir toutes les espèces connues (bref, un jardin des plantes), et le roi aime à s'y promener vers le soir...


On remarque la proximité entre le grec et le vieux-perse. Le para de paradeisos (prononciation grécisée du mot vieux-perse) est le grec peri autour, et le deisos rappelle le teikhos grec pour mur. Le "paradis" originel est donc un mur qui entoure un espace, c'est-à-dire un enclos.

Le sens d'enclos a ensuite donné le sens de jardin, puis jardin d'agrément, parc, puis le "jardin d'Eden" de la Bible. Le mot a fini sa carrière dans le firdaws, paradis en arabe.
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Helene



Inscrit le: 11 Nov 2004
Messages: 2846
Lieu: Athènes, Grèce

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 20:50 Répondre en citant ce message   

Le vrai paradis grec était quant même les Champs Elysées
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mansio



Inscrit le: 19 Feb 2005
Messages: 1125

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 21:22 Répondre en citant ce message   

Je ne sais pas si les orthodoxes grecs partagent ton opinion. Ils tirent leur notion de paradis de la Bible et non de la mythologie, et pourtant ils sont autant grecs que leurs prédécesseurs de l'Antiquité.
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Helene



Inscrit le: 11 Nov 2004
Messages: 2846
Lieu: Athènes, Grèce

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 21:29 Répondre en citant ce message   

Je parlais du Paradis de l’antiquité qui se situait chronologiquement à une époque pro chrétienne. Les orthodoxes Grecs ne nient pas cela puisqu’ils apprennent Homère à l’école. .
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mansio



Inscrit le: 19 Feb 2005
Messages: 1125

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 21:50 Répondre en citant ce message   

Je l'avais bien compris ma chère Hélène. Pour les grecs de l'Antiquité le "vrai" paradis étaient les Champs-Elysées, et pour les grecs orthodoxes c'est le paradis chrétien.
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stephen_dedalus



Inscrit le: 03 Nov 2007
Messages: 7
Lieu: Ile-de-France

Messageécrit le Saturday 03 Nov 07, 23:44 Répondre en citant ce message   

Un autre exemple de l'intérêt d'Hérodote pour la linguistique : la recherche de la langue, sinon mère (Nostratique), du moins la plus ancienne, à travers le test de Psammetichos.

On laisse deux enfants nouveaux-nés sans aucun contact avec le langage. Après deux ans, ils prononcent tous deux le même mot, "bekos". Or il s'avère que cela signifie "pain" en phrygien. Donc le phrygien est la langue originelle !

CQFD !!! très content
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Outis
Animateur


Inscrit le: 07 Feb 2007
Messages: 3510
Lieu: Nissa

Messageécrit le Sunday 04 Nov 07, 3:31 Répondre en citant ce message   

Il n'est question ni de surestimer ni de sousestimer mais d'examiner des textes.

Qu'il y ait eu de la considération en Grèce pour l'empire perse est une évidence, il a été la plus grande puissance locale. Les contacts étaient nombreux, l'Ionie était sous le contrôle du Grand Roi et on sait que ce sont des sculpteurs Ioniens qui ont travaillé à l'apadana de Persépolis. Mais c'était aussi l'ennemi.

Et il y a trop de partis pris dans ton argumentation.

Les Perses d'Eschyle sont une glorification de la victoire et, si la pièce se passe à la cour de Xerxès, c'est aussi pour que le public athénien entende les Perses crier : « Salamine, nom maudit entre tous ! ».

Alexandre s'empare de la Perse car il s'empare de tout pour créer son Empire. Et, s'il brûle Persépolis, c'est pour venger le sacrilège que constituait l'incendie de l'Acropole par Xerxès.

Passons à Hérodote. C'est un auteur que j'admire et lis beaucoup mais il faut bien reconnaître qu'il ne s'intéresse nullement aux langues barbares. Sur les neuf volumes de ses Histoires, tu as eu bien du mal à trouver deux ou trois exemples et, au contraire, la recherche sur les peuples anciens de l'Égée se désole qu'il n'y ait presque rien à tirer de ses récits sur le plan du langage !

Enfin, je n'ai pas le temps de vérifier et l'analyse des ethnonymes ne me passionne pas, mais il me semble bien que dans le nom des Arimaspes on reconnaisse plutôt le mède aspa « cheval » (skr. aśva-, vx-perse asa). Sur la connaissance qu'on a des Scythes par les auteurs antiques, voir Georges Dumézil, Romans de Scythie et d'alentour.

PS : pour un faux emprunt du grec au perse, voir ici.
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sab



Inscrit le: 07 Oct 2005
Messages: 466
Lieu: Polynésie / France

Messageécrit le Sunday 04 Nov 07, 9:58 Répondre en citant ce message   

Très légère et très modeste incursion de ma part dans ce sujet.
De mémoire, la langue véhiculaire de l'empire perse achéménide de Darius III était l'Araméen et non le Perse. En outre, vu les distances, l'ancienneté des cités grecques d'Ionie et leur autonomie de fait, l'administration achéménide y était peu présente.

Ensuite, quand Alexandre conquiert l'empire, il semble avoir rêvé d'une fusion des élites gréco-macédoniennes et perses, mais cela n'est par contre pas du tout le cas de ses successeurs diadoques. Seleucos et Antipatros centreront tout leur empire sur la Syrie, l'Anatolie et accessoirement l'Assyrie-Babylonie, les zones orientales étant délaissées.

Néanmoins, dans ces zones orientales, notamment en Bactriane, des satrapies indépendantes s'affranchissent au IIIe siècle, tout en ayant à leur tête une classe dirigeante incontestablement grecque. Finalement on sait assez peu de choses de l'influence est-->ouest des royaumes grecs d'Asie centrale (dont le Kushana) sur les sociétés et les langues plus occidentales.
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Outis
Animateur


Inscrit le: 07 Feb 2007
Messages: 3510
Lieu: Nissa

Messageécrit le Sunday 04 Nov 07, 12:21 Répondre en citant ce message   

Merci, sab, pour ces précisions. Mais ma réponse à stephen_dedalus concernait essentiellement la situation au Ve siècle, époque à laquelle il faisait allusion à travers Eschyle et Hérodote, époque aussi où la « relative autonomie » des cités grecques d'Asie était effectivement menacée.

Et il me semble bien qu'à cette époque, la Perse, contrairement à l'Égypte, était plutôt perçue comme une puissance à l'expansionnisme dangereux que comme un partenaire culturel …

L'araméen était effectivement une langue administrative importante mais, au Ve siècle, l'usage du vieux-perse (éventuellement teinté de mède) est bien attesté comme langue officielle de l'empire et les grandes inscriptions achéménides sont trilingues (vieux-perse, élamite, babylonien) sans version araméenne, même si cette version a existé sous des formes non monumentales pour être transmise et traduite (en grec, égyptien, etc.) aux provinces éloignées.

Sur l'usage général encore tardif des langues iraniennes dans l'empire perse on a encore le témoignage de Strabon (15, 2, 8 ) au début de notre ère.

(source : Pierre Lecoq, Les Inscriptions de la Perse achéménide, Gallimard, 1997)
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stephen_dedalus



Inscrit le: 03 Nov 2007
Messages: 7
Lieu: Ile-de-France

Messageécrit le Sunday 04 Nov 07, 14:18 Répondre en citant ce message   

Merci, Outis, de voler à mon secours car la remarque de Sab sur l'araméen m'avait un peu déstabilisé.

Deux remarques complémentaires.

La première sur l'intervention de Sab. Je ne pense pas qu'on puisse dire que l'administration achéménide était loin des cités Ioniennes. Le siège de la satrapie est à Sardes, cité prestigieuse à une centaine de kilomètres de Millet, et au début du 5ème siècle, c'est le propre frère du Grand Roi, Artapherne, qui est satrape. Les opérations militaires qui conduisent à Marathon et Salamine, sont confiées à Datis et Mardonius, deux de ses meilleurs généraux ; enfin Xerxès assiste en personne à la bataille de Salamine.

La seconde par rapport au commentaire d'Outis. J'ai pris en effet mes principaux exemples au 5ème siècle parce que c'est la période la mieux connue ; mais mon argument porte sur toute la période de "forte cohabitation" (pour faire simple jusqu'à la fin des Séleucides et du royaume grec de Bactriane). Je suis tout à fait d'accord pour reconnaître que le climat du 5ème siècle était peu propice à la reconnaissance d'un cousinage entre les deux langues et c'est donc plutôt pendant la période hellénistique qu'une telle découverte a été "idéologiquement" possible.

Merci à tous les deux d'accepter de consacrer un peu de votre temps à ce débat.
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Outis
Animateur


Inscrit le: 07 Feb 2007
Messages: 3510
Lieu: Nissa

Messageécrit le Sunday 04 Nov 07, 16:49 Répondre en citant ce message   

J'imagine que sab est plus compétente que moi sur l'état linguistique de l'Orient après la mort d'Alexandre. Mais l'impression que j'ai en évoquant un certain nombre de vagues souvenirs est qu'à cette époque le grec commence à s'y répandre comme langue véhiculaire, peut-être sous l'influence des cours helléniques et de leur administration. En tout cas, peu de siècles après, le grec et l'araméen sont (autant que je sache) les langues de rédaction des premiers écrits chrétiens et il ne semble pas que les langues iraniennes aient eu une grande diffusion hors de la nébuleuse parthe. Bien sûr, tout ceci demande à être précisé.

Donc, pour en revenir à la question initiale de stephen_dedalus, il ne semble pas que les contacts linguistiques entre Grecs et Perses aient eu beaucoup d'occasions de se développer. La grand majorité du vocabulaire grec emprunté à l'Orient est d'origine sémitique et, outre les quelques termes déjà évoqués (satrape, paradis), je crois que la part de l'iranien dans le grec est surtout d'origine scythe (colonies du Pont ? agents de police athéniens ?).

Il n'en est pas moins vrai que certains Grecs pouvaient connaître le perse ou le mède et Aristophane a peut-être eu recours à l'un d'eux pour mettre des paroles vraisemblables dans la bouche du pseudo-ambassadeur perse Pseudarbatès (Acharniens, v. 100) :

ια ρταμανε ξαρξα ναπισσ ιονα σατρα [ia rtamane ksarksa napiss iona satra]
où on peut reconstituer le mède :
haya artamanā Xšayāršā naþaišuv yauna xšaθra
« ? le valeureux (< véridique ?) Xerxès, le royaume ionien dans les eaux »
(la forme perse du dernier mot aurait été xšaça)

Mais il s'agit là de formules stéréotypées qui n'impliquent pas nécessairement une connaissance de la langue …

En outre, autant que je sache, les Grecs ne se livraient guère aux joies de la linguistique comparée. Les étymologies fantaisites de Platon ne s'appuient que sur le grec et, toujours sous réserves, il semble que ce soient les Latins qui aient initié les recherches de correspondances entre grec et latin, quelquefois avec brio comme Ovide quand, dans les Fastes, il identifie la déesse latine Florā à l'héroïne grecque Chloris, démontant ainsi implicitement le faux rapport entre le nom de la fleur et celui de la déesse (en fait, déesse de la végétation verdoyante).
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