« Croissants et céréales pour les recrues »
La famille CRÉER
Patriarche indoeuropéen : *K(E)RĒ-, « faire croître »
Les branches
1. Il ne semble pas que cette famille ait d’autres ancêtres que latins. Nous les répartirons en trois branches en distinguant d’abord les étymons à radical -
cre- que sont le verbe
creare, « faire croître, produire, créer », l’adjectif
concretus, « épais, condensé, compact », et le nom
incrementum, « accroissement ». En sont issus :
création, créature, créatif, créativité, récréation, créer, procréer,…
concret, concrètement, concrétiser, concrétisation, concrétion
incrément, incrémenter, incrémentation, incrémentiel
2. La deuxième branche est issue du verbe
crescere, devenu le français
croître au fil des siècles. De la forme latine et empruntés à l’italien ne nous restent que les deux termes musicaux
crescendo et
decrescendo. Quant aux formes du verbe
croître et de ses dérivés, elles se répartissent en trois bases
-croît-, -croiss- et
-cru- de la façon suivante :
croître, accroître, décroître, surcroît
croissant, croissance, excroissance, accroissement
cru, crue, décrue, recrue, recruter, recruteur, recrutement
3. La troisième branche est celle des mots à radical
-cer-. La première place y revient au nom de
Céres, déesse latine de la croissance des plantes, celle qui fait naître les moissons. Elle était aux Romains ce que Déméter était aux Grecs. Un deuxième étymon est l’adjectif
sincerus, « pur, intact, naturel », composé de l’élément
sin- qui se rattache à la racine *SEM- (“un”, d’où
similaire, ensemble), et de -
cerus, apparenté à
crescere. Le sens originel de ce mot serait donc quelque chose comme “semence d’un seul jet”. En sont issus :
céréale, céréalier
sincère, sincèrement, sincérité
Les invités masqués
Ils sont effectivement masqués, surtout le deuxième, et on n’est pas très sûr qu’ils soient de la famille :
créole et
griot.
- Le premier vient probablement – soit directement soit par l’intermédiaire de l’espagnol
criollo – du portugais
crioulo, “serviteur élevé dans la maison de son maître ; métis noir né au Brésil”.
- Le deuxième vient peut-être de
criado, “domestique”, mot commun aux deux langues. Le griot est un musicien ambulant du Sénégal, une sorte de trouvère, autrefois au service de souverains ou de chefs.
Les mots espagnols et portugais ci-dessus sont des dérivés du verbe
criar, « élever, nourrir un enfant ou un animal », commun aux deux langues et issu du latin
creare.
Curiosité
croissant : C'est Marie-Antoinette d'Autriche, originaire de Vienne, qui officiellement introduisit et popularisa le croissant en France à partir de 1770. Sa forme rappelant celle du croissant de lune présent sur le drapeau turc, une légende fait remonter cette “viennoiserie” bien française à 1683, date du retrait des troupes ottomanes qui faisaient le siège de Vienne. Cependant le croissant semble avoir déjà existé en France bien avant, puisque dans l'inventaire du patrimoine culinaire français réalisé par le Centre national des arts culinaires on découvre la mention de « quarante gâteaux en
croissant » servis à l'occasion d'un banquet offert par la reine de France en 1549 à Paris.
Homonymes et faux frères
1. Il y a
cru (part.),
cru (adj.), et
crû (part.) !
Si le participe passé de
croître est bien évidemment de la famille, ce n’est le cas ni de l’adjectif
cru (< latin
crudus), l’antonyme de
cuit en parlant d’aliments, ni du participe passé de
croire (< latin
credere, voir famille
FAIRE).
2. Il y a
griotte et
griotte !
- La première est l’équivalent féminin du
griot mais la deuxième désigne une cerise au goût aigrelet dont le nom est un emprunt à l'ancien provençal
agriota, « cerise aigre », dérivé diminutif de
agre, lui-même issu du latin
acer (voir famille
ACUITÉ) ;
griotte s’est d'abord écrit
agriotte et puis
l’agriotte est devenu
la griotte.
- Le mot
cerise n’est pas non plus de la famille, malgré les apparences. Il est issu du grec κεράσιον [kerasion] via le bas latin
ceresium.
3.
créatine et
pancréas sont issus du grec κρεας [kreas], « chair, viande ».
4. Ne sont non plus de la famille
- ni
cérébral, dérivé du latin classique
cerebrum, « cerveau »,
- ni
cérémonie, issu du latin
caerimonia, « respect religieux »,
- ni
crémaillère, issu du bas latin
cremaculus, « crémaillère », altération de
cremasculus, adaptation du grec κρεμαστήρ [kremastêr], « qui suspend »,
- ni
crémation, emprunt au latin impérial
crematio, « action de brûler »,
- ni
crème, du bas latin
crama, « crème », d'origine gauloise,
- ni
crétacé, emprunt au latin impérial
cretaceus, dérivé de
creta, « craie »,
- ni
crête, du latin classique
crista, « crête d'un oiseau ; aigrette, panache »,
- ni
crétin, issu du latin
christianus, « chrétien ».
- ni
secret ni
discret (voir famille
CRIBLE).
Dans d’autres langues indoeuropéennes
esp.
cereal, concreción, concreto, crear, crecer, cría, criadilla, criado, criar, criollo, reclutar, recreo, sincero
port.
cereal, concreto, crescer, criado, criar, crioulo , sincero
it.
cereale, concreto, creare, crescere, cresciuta, recluta, sincero
angl.
cereals, concrete, create, crescent, crew, griot, increase, increment, recruit, sincere
all.
konkret, Kreatur, Rekrutieren
rus.
конкретный, креатив, круассан, рекрут