Hommes
et Cours d'Eau
Histoire & Patrimoine des Rivières & Canaux
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DES OUVRAGES, DES GENS, UN CANAL
Première partie : Versant Saône
(Seconde partie : versant Yonne)
Comme tous les canaux, le canal de Bourgogne est un long ruban liquide avec de l'eau et des arbres. Il est aussi une oeuvre humaine, avec ses ouvrages d'art, écluses, ponts-canaux, tunnel, et les gens qui l'ont conçu, et ceux qui le font vivre aujourd'hui. Le canal de Bourgogne, comme ses semblables, est un être vivant.
Le bateau roi
Doit-on encore présenter Saint-Jean-de-Losne ? Avec ses voisines Losne et Saint-Usage, elle forme le pôle batelier de la Saône. Ici, la tradition batelière ne date pas d'hier, comme en témoigne l'ex-voto dont s'enorgueillit la petite église en briques rouges de Saint-Jean, un trois-mâts de la grande époque de la Royale. De nombreux mariniers ont débarqué ici, pour vivre leur retraite dans une petite maison au bord de la Saône, fièrement ornée de mâts, ancres ou macarons qui ne laissent aucun doute sur la profession de leurs occupants. Dans la gare d'eau comme dans le bassin du canal, qu'il soit modeste ou luxueux, de travail ou de loisirs, en acier ou en plastique, flambant neuf ou à la veille du déchirage, le bateau est roi.
L'ex-voto de l'église de Saint-Jean-de-Losne.
Dans le jardin d'un ancien marinier, à Losne.
L'entrée du canal de Bourgogne, à Saint-Jean-de-Losne.
Claire et Bruno, de Braz'art, discutent avec un plaisancier à l'écluse de Viranne.
L'écluse suivante, Viranne, est pour l'heure inoccupée. L'association Braz'art [1], qui louait la maison en C.O.T. [2], projetait d'en faire un lieu d'exposition et d'animation accueillant des artistes d'horizons divers ainsi que d'autres intervenants : maquettistes, pompiers, etc. autant que possible en relation avec la navigation. Ce devait être aussi un point d'information touristique et de location de cycles. L'endroit, qui aurait pu devenir un phare culturel dans la région< devait ouvrir pour le printemps 2006.
Des difficultés d'ordres divers ont contraint l'association à renoncer à son projet...
Ouges
Dans un autre registre, c'est encore de culture qu'il s'agit à l'écluse 62, à Ouges. Là, au bout des pistes de Longvic, dans le vrombissement des jets, Alain l'éclusier a paradoxalement su créer un havre de paix à la gloire de la Bourgogne, de son canal, et de l'art de vivre en général. Sa petite cave voûtée est un univers insolite où les étiquettes de nectars bourguignons et autres côtoient des documents et photos anciens sur le canal, ainsi qu'une crèche savamment mise en lumière. Alain, un passionné comme on aime en rencontrer sur les voies d'eau, ouvre volontiers son univers au visiteur, piéton ou navigateur.
Alain dans son univers, la cave qu'il a aménagée à l'écluse d'Ouges.
L'"antre" d'Alain, dans sa cave de l'écluse d'Ouges.
À Dijon
Au bout de cette ligne droite de 30 km que d'aucuns trouvent désespérante s'ils passent trop vite à Ouges, se trouve Dijon. La capitale historique du duché de Bourgogne possède un joli port sur le canal, dominé par un fier obélisque commémoratif érigé en 1786. Dijon a vu naître en 1832, l'année précise de l'ouverture totale du canal et tout près de celui-ci, un personnage aussi célèbre que son ancien maire, le chanoine Kir : Gustave Eiffel. En 1890, l'enfant du pays lance sur le canal de son enfance un pont levant hydraulique à la sortie du port, le pont de Larrey.
Le pont levant de Larrey, à Dijon.
(Cours de navigation intérieure de l'inspecteur De Mas, 1904.)
Le pont de Larrey dans son état actuel.
Le port de Dijon.
Le port de Plombières.
L'Ouche à Sainte-Marie.
La vallée de l'Ouche
Celle-ci est un des plus beaux parcours que l'on puisse connaître en bateau. À Sainte-Marie, un pont abusivement qualifié de romain, mais néanmoins assurément très ancien, enjambe la rivière. Plus haut, à Gissey, plusieurs bateaux forment un petit village sur l'eau, à côté d'un magnifique lavoir du XIXe siècle.
Peu après Saint-Victor, louée depuis quinze ans par les Foyers Ruraux de Côte d'Or, l'écluse de la Charme est devenue un haut-lieu de la culture bourguignonne avec concerts, expos, restaurant et vente de produits régionaux. Curieusement, la clientèle des bateaux y est très minoritaire, mais avec la renaissance de ce canal, cela devrait évoluer. Par la route, on y accède depuis Saint-Victor, en suivant le chemin de la Charme qui emprunte une ancienne voie ferrée.
Le village de bateaux de Gissey-sur-Ouche.
L'écluse de la Charme.
Dans le lavoir de Gissey.
Pont d'Ouche.
L'ancien port privé de Pont d'Ouche.
De Pont d'Ouche à Vandenesse
Depuis Saint-Jean, et hormis le malheureux pont de Larrey défiguré, nous n'avons guère rencontré d'ouvrage d'art marquant. Voici le premier : le pont-canal de Pont d'Ouche. Ici se trouvait aussi la darse privée d'une usine. Désaffectée, celle-ci est devenue une belle propriété, en conservant la base de sa cheminée, tandis que la darse, qu'un mur de béton isole désormais du canal, est le paradis des canards et des grenouilles.
Le pont-canal de Pont d'Ouche
> Le village de Sainte-Sabine, non loin du réservoir de Chazilly.
En quittant l'Ouche pour la Vandenesse, le canal s'infléchit nettement vers le nord-ouest et, bientôt, la silhouette imposante de Châteauneuf domine avec autorité la vallée du ruisseau de Commarin, que se partagent le canal et l'autoroute A6. Au pied du bourg fortifié, la maison éclusière n°12 S, Revin, abrite une exposition permanente de peinture. À deux pas de là, en s'écartant du canal, l'on découvre un village doté d'un magnifique château et d'une curieuse église dont le clocher coiffe le porche. C'est Sainte-Sabine, d'où l'on rejoint rapidement le réservoir de Chazilly, ouvrage monumental et magnifique, vital pour le canal.
Vandenesse-en-Auxois. Au fond : Châteauneuf.
À Vandenesse, le canal s'incruste de façon tellement intime que le village semble s'être construit autour de lui. L'alliance de la pierre, de l'eau et du végétal en fait un des plus beaux sites des canaux de France, très généreusement photographié. Huit écluses seulement nous séparent du sommet du canal.
L'entrée de la tranchée d'Escommes.
Voyage au centre de la terre
Le bassin d'Escommes nous introduit dans ce qui constitue le cœur du canal, son bief de partage. Une imposante maison d'ingénieur à l'élégant classicisme veille sur la vaste gare d'eau ombragée. Tout près de l'écluse, le bac, construit en 1910 et qui transportait les commerces trop légers pour passer seuls sous la voûte, sommeille dans son bassin, en attendant une mise en valeur prochaine. Ce matériel et cet équipement, rares, la méritent amplement.
Le bac dans son bassin, à Escommes.
Dans la tranchée d'Escommes, l'entrée du tunnel.
La tranchée d'accès à la voûte est grandiose, impressionnante, pharaonique. À l'entrée du tunnel, des bateliers ont peint le nom de leurs bateaux. Nous y reconnaissons en fait les devises de plusieurs bateaux à passagers : Luciole, Mark Twain, Belle Époque Les bateaux changent, les traditions demeurent. Parmi les bateaux à passagers qui travaillent aujourd'hui sur ce secteur, il est courant de rencontrer "La Billebaude" [4], nouveau bateau électro-solaire de l'Office de Tourisme de Pouilly-en-Auxois.
Juste au-dessus du tunnel. Nous sommes à plus de 400 m d'altitude.
Le bateau électro-solaire à passagers "la Billebaude" dans l'écluse d'Escommes.
Au terme de 3,345 km sous terre, le canal va retrouver la lumière du jour à Pouilly-en-Auxois.