Hommes

et Cours d'Eau

 

Le canal de Bourgogne
Auteur : Charles Berg
Histoire & Patrimoine des Rivières & Canaux
(contact)

Eaux de Bourgogne

(l'alimentation du canal de Bourgogne)

 

Un gigantesque anaconda qui déroule ses anneaux du sud au nord de l'ancien duché : tel est le canal de Bourgogne. Étancher sa soif inextinguible ressemble à un travail de Sisyphe.

Lors de sa mise en service, en 1832, environ 4,5 millions de mètres-cube d'eau sont nécessaires [1] pour remplir ses 242 kilomètres. Quand, soixante ans plus tard, il est un des premiers canaux à être porté au gabarit Freycinet, ce chiffre passe à un peu moins de 7 millions de mètres-cube [2].

Comme chez tous ses semblables, cette eau profite du moindre interstice pour s'enfuir dans le sous-sol, et du moindre degré pour monter vers les nuages. Et bien sûr, il y a les bassinées de ses 189 écluses. Chacune d'entre elles consomme un peu moins de 600 mètres-cube. Encore doit-on se féliciter de ce que les ingénieurs ont donné à ces ouvrages des chutes à peu près égales, de l'ordre de 2,60 m, ce qui permet un juste équilibrage et limite les pertes.

Réservoir de Chazilly
La digue du réservoir de Chazilly et sa rigole.
Carte de l'alimentation du canal de Bourgogne

L'alimentation e la région du bief de partage du canal de Bourgogne, d'après une carte de l'ingénieur Debauve en 1878. Nous n'avons rajouté que le tracé de l'autoroute.

(cliquer sur l'image pour l'agrandir) 

Autour du bief de partage

Il n'empêche que le canal de Bourgogne est un grand glouton, et l'on reste sidéré par l'optimisme de Gabriel qui, en 1727, pense l'alimenter avec seulement un million de mètres-cube !

En fait, les ingénieurs qui le construiront, sur les plans globaux d'Abeille et du même Gabriel, auront soin d'alimenter correctement le bief de partage, bien sûr, mais aussi tout le linéaire de part et d'autre du seuil, au moyen de réservoirs complémentaires et de ponctions nombreuses sur les rivières contiguës. Le système d'alimentation du canal de Bourgogne est aujourd'hui un modèle du genre.

Le bief de partage est alimenté par trois réservoirs, deux sur le versant Yonne, Grosbois et Cercey, et un sur le versant Saône, Chazilly.

Grosbois

Grosbois est, avec une capacité de 8,6 millions de mètres-cube, le plus important de tous les réservoirs du canal jusqu'en 1875, date à laquelle Panthier, que nous présentons plus loin, est agrandi. 

Cette retenue est établie sur la haute vallée de la Brenne, à près de 400 m d'altitude. Une rigole de 14 km apporte l'eau dans le bassin de Pouilly, à 378 m d'altitude, ce qui donne une pente de 0,16 %. Cette rigole franchit le relief très marqué qui sépare le versant de la Brenne de celui de l'Armançon, par un souterrain de 3,6 km de long qui débouche à Soussey, où, au passage, elle capte l'eau de la Brionne avant de faire de même avec deux autres ruisseaux plus loin. 

En 1900, Grosbois reçoit un "contre-réservoir" juste à l'aval de sa digue, destiné à contrebalancer la poussée exercée sur celle-ci par la retenue. Ce second plan d'eau contient 0,9 millions de mètres-cube, et est exploité comme lieu de loisirs nautiques, en plus de son rôle régulateur de la Brenne.

Coupe de la digue du réservoir de Grosbois
Coupe de la digue du réservoir de Grosbois.
(Cours de Navigation Intérieure de l'Inspecteur Général des P.&C. De Mas, 1904.)
Digue de Grosbois
La grande digue du réservoir de Grosbois.

Rigole de Grosbois à Pouilly
La rigole de Grosbois à son arrivée dans le bassin de Pouilly.
Rigole de Grosbois sur pont-canal

Non loin de Grosbois, dans un cadre de verdure, la rigole éponyme franchit un ruisseau sur un petit pont-canal.
Débouché de la rigole à Soussey
La rigole de Grosbois au débouché de son souterrain, à Soussey.

Rigole de Bellenot
Près de Bellenot, la rigole de Grosbois passe en siphon sous une ancienne voie ferrée.


La rigole de Cercey
La rigole de Cercey à son arrivée dans le bassin de Pouilly.

Réservoir de Cercey

Le réservoir de Cercey.

La rigole de Cercey
La rigole de Cercey peu avant son arrivée dans le bassin de Pouilly.

Coupe de la digue de Cercey

Coupe de la digue du réservoir de Cercey.
(Cours de Navigation Intérieure de l'Inspecteur Général des P.&C. De Mas, 1904.)

Cercey

Cercey procède d'une autre logique. C'est un réservoir qui stocke l'eau que lui apporte une rigole de 14 km qui court à flanc de coteau depuis la région de Blancey, en captant au passage l'eau de plusieurs affluents rive gauche de l'Armançon. Une seconde rigole amène l'eau du réservoir de Cercey au bassin de Pouilly.

Situé à une altitude à peine supérieure à celle du bief de partage, Cercey a une capacité de près de 3,5 millions de mètres-cube.

Chazilly

Perché à 402 m d'altitude, Chazilly est le plus haut de tous les réservoirs du canal de Bourgogne. Il stocke les eaux captées pour lui, sur 10 km, par la rigole de Beaume jusqu'au-dessus de la voûte de Pouilly (!) et par la rigole de Pasquier (ou de Thorey) sur 17 km. 

Sa capacité dépasse 5 millions de mètres-cube et il envoie cette eau dans le bassin d'Escommes par une rigole de plus de 10 km qui, c'est amusant, franchit la vallée du Tillot en utilisant la digue éponyme comme aqueduc.

Digue et rigole de Chazilly
La grande digue du réservoir de Chazilly et le départ de sa rigole.
La rigole de Chazilly dans le bassin d'Escommes
La rigole de Chazilly à son arrivée dans le bassin d'Escommes.
La rigole de Chazilly peu avant Escommes
La rigole de Chazilly à Escommes.

Sur le versant Saône sont établis deux autres réservoirs qui n'alimentent pas le bief de partage, mais se raccordent à des biefs inférieurs.

Détail du plan de Panthier
Détail du plan du réservoir de Panthier en 1878. Les deux rigoles qui sortent de la digue sont, en haut, celle de l'alimentation proprement dite, et l'autre, en dessous, la rigole de décharge du trop-plein de l'étang. Un peu en aval, hors image, est dérivée du ruisseau des Bordes la rigole de prise d'eau de Panthier. (Manuel de l'ingénieur Debauve 1878. Coll. du Musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine)

Coupe de la digue de Panthier

Coupe de la digue du réservoir de Panthier en 1878, prise au niveau de l'aqueduc de prise d'eau et de vidange (rigole du haut sur l'image précédente). (Manuel de l'ingénieur Debauve 1878. Coll. du Musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine)

 

Panthier

Panthier, d'une capacité originelle de moins de 2 millions de mètres-cube, est aujourd'hui le plus important des réservoirs du canal avec un volume avoisinant les 9 millions de mètres-cube depuis son agrandissement par rehaussement de sa digue entre 1865 et 1875. 

Il est établi à 374 m d'altitude, soit 4 m plus bas que le bief de partage. Il capte les eaux du ruisseau de Commarin ainsi que, depuis la construction d'une nouvelle rigole en 1911, les eaux excédentaires du bief de partage, reversées ainsi en aval dans le versant Saône. Sa rigole d'amenée rejoint le canal à Vandenesse-en-Auxois, sous la neuvième écluse (Fourneau).

Plan de Panthier
Plan du réservoir de Panthier en 1878. Le remplissage se fait par la rigole du haut de l'image, dérivée du ruisseau des Bordes.
(Manuel de l'ingénieur Debauve 1878. (Coll. du Musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine)
Vannes de Panthier
Le réservoir de Panthier.
Panthier vu de Châteauneuf
Le réservoir de Panthier vu depuis la colline de Châteauneuf.

Tillot

Établi à 378 m d'altitude à sa plus haute cote, le petit réservoir de Tillot ne peut prétendre alimenter le bief de partage qui est à la même cote. Il peut servir de trop-plein à Chazilly, mais surtout alimente le canal à partir du 13ème bief, sous l'écluse 12S (La Rèpe). 

Tillot peut contenir jusqu'à 600.000 mètres-cube. Nous avons vu que sa digue porte la rigole de Chazilly.

Coupe de Tillot
Coupe en long du canal de fuite du réservoir de Tillot. Remarquer, au sommet de la digue, la rigole de Chazilly.
Digue du Tillot
La digue du réservoir de Tillot.
Rigole de Chazilly sur digue de Tillot
Le réservoir de Tillot. Remarquer la rigole de Chazilly (ici à sec) qui court sur la crête de la digue.
Les travaux de construction de ces cinq réservoirs sont conduits dans les années 1830 par l'ingénieur en chef Bonnetat. Ceux de l'agrandissement de Panthier sont dus à l'ingénieur en chef Chenot.

Un sixième réservoir : Pont

Pont n'a vraiment rien à voir avec le bief de partage. 

Ce réservoir, construit de 1878 à 1883 sur les plans de l'ingénieur en chef Bazin, est établi sur l'Armançon, un peu en amont de Semur-en-Auxois, à une cote légèrement inférieure à 300 m d'altitude. 

D'une capacité de 3 millions de mètres-cube, il a pour rôle de réguler le niveau de la rivière, et d'alimenter le canal à partir de son confluent avec la Brenne, vers Buffon. 

Il participe aussi à l'adduction d'eau potable de Semur. Situé dans un cadre naturel magnifique, c'est certainement celui qui a reçu le plus beau traitement paysager.

 

Déversoir du réservoir de Pont
Le déversoir en cascades du réservoir de Pont.
Réservoir de Pont
L'Armançon sous la digue du réservoir de Pont.

Déversoir de Pont
Le déversoir en cascades du réservoir de Pont.
Déversoir de Pont
Le réservoir de Pont.
Digue de Pont
Sous la digue du réservoir de Pont.
Digue de Pont
La grande digue du réservoir de Pont.
L'ensemble des réservoirs a une capacité qui dépasse 30 millions de mètres-cube au maximum de leur taux de remplissage, ce qui n'est pas superflu en tenant compte du nombre d'écluses et de l'important linéaire à alimenter.




Prise d'eau de Cuzy
Prise d'eau sur l'Armançon, à Cuzy, près d'Ancy-le-Franc.

Et enfin

Ce dispositif, déjà complexe, est complété par une cinquantaine de prises d'eau directes sur l'Armançon, la Brenne, l'Ouche et leurs affluents, réparties tout au long du canal. Enfin, le dernier bief du versant Saône peut recevoir une alimentation supplémentaire par une station de pompage en Saône depuis 1925.

Prise d'eau de Germigny

Prise d'eau sur l'Armançon, à côté de l'écluse de Germigny.

L'ensemble de ces ouvrages, de la puissante digue de Chazilly au plus modeste ponceau, est d'une grande beauté qui n'a d'égale que sa qualité de construction. Chaque méandre de rigole se présente comme l'heureux mariage de la technologie et de l'art avec pour témoin la Nature. Le choix des matériaux, souvent le granite, le soin apporté à l'agencement de chaque élément et à son intégration dans le paysage témoignent de l'importance ce cette voie fluviale qui est venue, au milieu du XIXe siècle, concrétiser un rêve millénaire.

CB
Sainte-Sabine
Le village de Sainte-Sabine, avec son château et sa curieuse église, non loin du réservoir de Cercey.

[1] Ce chiffre approximatif est obtenu en multipliant sa longueur par sa section mouillée, sur la base des dimensions ordinaires du gabarit Becquey, soit 13 m de largeur au miroir, 10 m au plafond, et un mouillage de 1,60 m.

[2] Celui-ci est obtenu de la même façon, sur la base des dimensions du gabarit Freycinet réduit, soit 18 m de largeur au miroir, 10 m au plafond, et un petit mouillage de 2 m. Le canal n'a pas été porté au mouillage normal de 2,20 m. Ce volume équivaut à plus de 3 fois celui de la grande pyramide de Kheops
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Bibliographie et liens Adresses utiles
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